Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

L’individu et la société

Respectable Loge, François Rabelais, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : ChangementEffortLienMémoireRéelRésilience

Penser le monde d’après quand il est déjà sous nos yeux est un exercice difficile. De la situation sanitaire, à la fois totalement inattendue et prévisible (les pandémies répondent à une logique systémique), nous attendons quelque épiphanie, un changement radical, tant est ancrée la conviction que toute crise implique sa part de changements ultérieurs. 

Or, si nous avons lu les récits de confinement des plus insouciants et cru que chaque logis était un athanor en puissance pour l’œuvre au noir de chacun, si nous avons contribué aux applaudissements aux soignants (étaient-ils tous sincères ?), aux saluts aux « premiers de corvée », si nous avons écouté les discours sur un « monde d’après », l’effet de retour au réel est bien là. Et si le réel, comme disait Lacan, « c’est quand on se cogne », nous nous cognons aux mêmes impasses, aux mêmes rapports de force, aux mêmes désillusions.

Fausses aussi les prophéties menaçant toute la macroéconomie, la logistique, la monnaie, l’ordre social lui-même : il n’y eut point d’images à la « Mad Max » dans nos villes. Les grandes lignes de notre façon de vivre, produire, consommer, n’ont pas connu le crépuscule espéré par d’aucuns. 

Il faut croire que la chaîne ne cède pas toujours sur ses maillons les plus redoutés. Les affres de la crise ne portent pas plus les germes d’une dystopie pittoresque des films catastrophes que ceux de profonds bouleversements politiques et éthiques. Nous voici donc avec un morceau de réel à interpréter.

Ce réel, pour l’individu et la société, c’est en premier lieu celui de la première ligne : plus de trente milliers de morts dans notre pays, avec leurs familles et leurs proches, des malades qui tardent à retrouver l’Avant, des soignants épuisés, partout des séquelles psychiques. Tout ceci, à l’échelle de l’histoire, sera oublié. Et déjà nous pensons à demain, peut-être pour refuser la fatalité de la tristesse. Il y a un temps pour tout, et ce temps est aussi celui de la mémoire. Pas uniquement pour en tirer quelque leçon efficace, dans la solidarité et l’humanité que nous nous devons.

Ce réel fut aussi celui d’une grande vulnérabilité, à la hauteur de la sophistication de nos styles de vie. Nous, habitants d’une des premières puissances mondiales, avons vu notre économie s’arrêter sous la pression d’un simple virus. Nous avons vu notre système de santé débordé, notre incapacité à produire des artefacts aussi élémentaires que des masques. Nous avons vu nos sociabilités mises à mal et notre résilience éprouvée. Nous avons vu les fragilités psychiques et sociales magnifiées par l’isolement forcé. 

Si monde d’après il y a, il convient qu’il prenne en compte considération et solidarité. Mais aussi cette vulnérabilité. La force d’une société comme d’un individu ne tient pas seulement aux ornements de sa puissance, mais à sa capacité à encaisser les « causes fortuites » qu’évoque François Rabelais, à faire bile blanche de toute bile noire, à entretenir le souci de soi et des autres, sorte d’instinct de survie qui lui rappelle ses origines animales, et à se donner les moyens concrets d’une fraternité qui ne se paierait pas de mots. Ni mièvrerie rêveuse, ni élément cosmétique de langage, cette fraternité nous appelle à ce que les paroles et les sentiments d’hier encore soient assumés. Par la reconnaissance de l’évènement pour ce qu’il fut, avec sa part de tristesse, qui doit être dite, et écoutée. Par la planification de toute réponse à ces crises sanitaires, en dépit d’un calendrier plus erratique que ne le sont les élections ou nos procédures budgétaires. Par la prise en compte effective de la part de travail essentiel des soignants et de tous ceux qui continuèrent à assurer les fonctions essentielles à notre vie en commun.

Cette crise aura participé au-delà des discours à la force de nos liens face aux écueils de nos vies. Nous lui aurons donné une occasion de prise de conscience, dont on parle partout mais qui semble se faire attendre. Mais l’homme sait s’adapter aux aléas, voire – parfois – renier demain ce qu’il encensait hier.

N’ayons pas la naïveté de croire que ceci se fera sans heurts ni rapports de forces. Mais cet effort, nous le devons à celles et ceux qui viendront après nous.

Devoir de mémoire Force de nos liens Pas de changement radical ni de Révolution

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