Respectable Loge, Sub Rosa, Orient de Paris, Région 13 Paris 3
Mots Clefs : DélibérationExceptionLibertéPréventionSouverainetéNotre « Liberté chérie »
La crise sanitaire et la période de confinement ont fait peser un certain nombre de contraintes sur le quotidien des Français, si attachés à cette sacrosainte « liberté chérie ». Celle-ci embrasse généralement de nombreuses dimensions et s’apprécie de manière cumulative : liberté de conscience, liberté d’aller et venir, liberté de se réunir, liberté de culte, liberté d’entreprendre… sont autant de libertés publiques mises entre parenthèses pendant la crise.
Dès lors, si une seule de ces libertés se retrouve empêchée, l’édifice des libertés publiques tient-il encore debout ? La liberté s’entend-elle de manière absolue ? Comme l’a écrit Spinoza dans l’Ethique, « L’homme n’est pas un empire dans un empire ». Il s’insère dans un corps social, évolue au milieu de ses semblables et s’inscrit dans des interactions. Aussi, il arrive que dans une société démocratique et égalitaire, la liberté de chacun soit contrainte par l’intérêt général, la liberté des autres, les exigences de salubrité publique : la survie de la société dans sa globalité dépendrait donc de ce renoncement.
Dès lors quel est le niveau acceptable de restriction au vu du but collectif poursuivi ? Quelles sont limites du consentement à la privation de liberté ? Quelles conséquences aura cette privation de liberté sur notre mode de vie et notre organisation collective ?
De nouveaux repères à construire
Approche philosophique :
La pensée des Lumières apporte une explication à cet étrange renoncement d’un être à sa liberté. Pour les théoriciens du contrat social (Hobbes, Rousseau), l’autorité de l’Etat émane d’un accord conventionnel entre les citoyens. En renonçant à leur indépendance initiale, les hommes choisissent la paix civile, la sécurité ou en l’occurrence, la santé. La liberté doit dès lors être encadrée par des règles ou des lois qui contraignent le libre arbitre. Toutefois, celles-ci ne sont acceptables que si elles sont le fruit d’une délibération collective, d’un assentiment majoritaire.
Dans le cas contraire, cette privation se transforme en servitude et éloigne définitivement le citoyen de la Liberté. Pour la Boétie, dans son Discours sur la servitude volontaire, la liberté n’est pas l’objet de la volonté mais volonté et liberté sont confondues. L’état de servitude est la conséquence de l’oubli de la liberté et de la coutume de vivre dans une société où règne la domination de certains sur les autres. Cette contrainte intériorisée devient alors aliénation.
Approche juridique :
Les théoriciens du droit quant à eux, ont abordé la question sous l’angle du degré et des limites de la restriction. Devant un péril imminent, le corps social peut-il, pour assurer sa sauvegarde, méconnaitre les lois ou les principes qui le régissent ?
Pour les tenants de la théorie de l’état de nécessité ou d’exception, des circonstances exceptionnelles peuvent et doivent justifier une restriction des libertés publiques. Toutefois, celle-ci doit être proportionnée, limitée dans le temps. Le juge administratif ou le juge judiciaire (garant des libertés individuelles) est l’acteur central de cette appréciation. Au cours de la crise, le Conseil d’État a par exemple considéré que la prolongation de l’interdiction de la tenue d’offices religieux était « disproportionnée au regard de l’objectif de préservation de la santé publique » et constitutive d’une « atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de culte ». Il a donc annulé l’interdiction et enjoint le pouvoir politique à modifier sa décision.
Mais l’état d’urgence, certes encadré et conforme à notre constitution, n’est-il pas le symbole de notre échec collectif à répondre à la crise autrement que par le sacrifice et la restriction des libertés ? L’intégration de certaines mesures d’urgence dans le droit courant n’est-il pas le signe d’une forme de fatalité acceptée ?
Approche économique :
La restriction de liberté dans le monde du travail a impulsé une approche différente du travail et de ses modalités d’exercice à tous les niveaux hiérarchiques. Le télétravail, souvent perçu négativement par le top management, l’est désormais comme une opportunité (coût d’exploitation) qui, de plus, n’obère, pas la productivité. Suivant les conditions de mise en œuvre, il apporte souplesse, flexibilité et se traduit par une liberté supplémentaire dans l’exercice de son activité pour le salarié. En résumé, la restriction de liberté a induit une évolution des mentalités qui peut se traduire par une plus grande liberté.
Cette extension du télétravail entraine diverses conséquences pour et sur les territoires. Le choix du lieu de domicile peut varier et rendre moins indispensable la présence de bureaux physiques dans les grands centres urbains. Ceci aura pour conséquence de réduire certaines charges pour les entreprises (ex : immobilier d’exploitation) et d’en créer de nouvelles (ex : séminaire de cohésion) modifiant ainsi les volumes d’affaires à la hausse ou à la baisse suivant les secteurs d’activité.
L’idéologie du libéralisme absolu et de la standardisation sont remis en question. Une modification de nos modes de consommation (alimentaire, équipement…), par la fréquence et le volume mais aussi par les exigences (qualité, préférence nationale…) semble engagée.
Approche maçonnique :
La restriction de liberté a un impact sur notre engagement maçonnique. Il existe un risque que certains FF ou SS, par un manque d’assiduité du fait de l’absence de tenues et d’émulation collective, se détachent de leur engagement maçonnique voire l’abandonnent.
Lorsque nous pourrons nous retrouver, il y a lieu de s’interroger sur les impacts en Loge : comment pourra-t-on mettre en œuvre le rituel ? La chaine d’union sans proximité les uns des autres perd son sens, quid des cérémonies du fait du nombre de participants vues les règles en vigueur, comment faire vivre la loge sans les tenues régulières mais aussi ces cérémonies qui sont importantes pour la vie maçonnique ?
Un nouveau modèle à repenser
Cette crise sanitaire et ses conséquences sur le vivre-ensemble nous obligent à repenser nos procédures de délibération collective, pour accroitre l’acceptation et le consentement de tous à l’égard de mesures restrictives qui s’imposent. En effet, face à un tel défi, l’union fait la force et est la condition indispensable de notre réussite collective.
La pédagogie, en faisant appel à l’intelligence et au discernement de chacun, doit être privilégiée, d’autant plus qu’elle permet d’acquérir de bonnes habitudes ou de créer des outils de prévention. Pour éviter les restrictions de libertés en période de crise, la question de l’anticipation est centrale. Une société préparée permet de mieux gérer le risque. Aussi, pourquoi ne pas former les enfants aux gestes barrières dès le plus jeune âge ?
Sur le plan économique, il est nécessaire de questionner notre tissu industriel et notre indépendance d’approvisionnement de certains produits. Définir collectivement nos besoins, les enjeux et actifs stratégiques à l’échelle nationale et européenne, nous permettra de mettre en place des dispositifs de protection et de souveraineté, sans enfreindre les règles de concurrence.
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