Pour participer à réconcilier le progrès avec le respect de l’humanité et de l’environnement, la franc maçonnerie doit inscrire l’écologie et la protection du vivant au cœur de ses principes généraux.

Nos constats de 50 ans de progrès aux conséquences non toutes maitrisées

Notre regard sur récent demi-siècle écoulé (1970 – 2020) nous permet de constater à l’échelle humaine et mondiale de véritables progrès en termes de santé, éducation, recul de la pauvreté, égalité des sexes et liberté d’expression. Mais cette même prise de recul nous permet également de prendre conscience des ravages de la surconsommation, de la surproduction et de la surexploitation des ressources naturelles à l’échelle mondiale. Notre persévérance à pousser un modèle « unique » d’économie développée et mondialisée a malheureusement pour conséquences le changement climatique et la mise en danger évidente de la biodiversité et du vivant sur notre planète.

Au premier lieu de notre réflexion vient une critique évidente d’une certaine façon de vivre :

– Notre rapport à la consommation et à la mondialisation et tout ce qui porte cette dynamique vers ses excès : production intensive, agriculture intensive, délocalisation génératrice de transport le tout conduisant à un assèchement des ressources et une surexploitation de la planète ainsi qu’à des tensions entre pays liées à des enjeux de concurrence géopolitique.

– Notre rapport au transport et au tourisme : hyper mobilités individuelles au quotidien, transport des marchandises, tourisme de masse, avec des impacts directs sur le climat et la santé notamment pour les populations les plus pauvres bien souvent plus importantes dans les zones géographiques les plus impactées.

Pourtant il n’est pas question de renoncer à adresser les besoins de base et notamment la santé d’une population humaine grandissante, de renoncer à plus d’éducation, de culture, d’émancipation et de solidarité.  C’est pour cela qu’il nous faut surtout envisager de faire différemment.

Quelques-unes de nos propositions concrètes

Il nous faut donc envisager de repenser la façon dont nous faisons les choses. La liste des actions à recommander est importante. Nous n’en citerons ici que quelques-unes pour illustrer l’état d’esprit dans lequel nous pensons devoir nous inscrire :

– Accélérer la transition écologique de nos systèmes de production, avec notamment pour l’agriculture la réduction massive des pesticides, la diminution des élevages intensifs en compensant les pertes de revenus générées et en régulant les marchés pour garantir des revenus et un commerce juste.

– Développer l’emploi en relocalisant l’appareil productif mais aussi en inventant d’autres métiers centrés sur l’écologie, les métiers d’art et les savoir-faire manuels par exemple. Remplacer l’automatisation permise par le pétrole par des tâches exercées manuellement.

– Développer des alternatives du type transports en commun, flottes mutualisées, mobilités vertes. Investir dans une filière électromobilité compétitive et propre. Rénover les transports ferroviaires et fluviaux pour le fret et les passagers.

– Mettre en place des plans de formation massifs pour les individus sur lesdits secteurs (mobilité, énergie, éducation, construction, agriculture…) et enseigner aux jeunes générations la connaissance de leur environnement naturel.

– Repenser la circulation des populations obligées d’habiter loin de leur lieu de travail, repenser l’urbanisation avec des besoins de mobilité moindre.

– Mettre en place un revenu universel pour tous financé par des taxes a minima au niveau européen sur les très hauts revenus/patrimoines, sur les transactions financières et par une taxation carbone supportée par les industries et les transports professionnels concernés.

Ce ne sont que quelques exemples. Et il y a lieu de n’avoir de cesse de réfléchir à ce qui doit être fait et comment. Mais au cœur de cette réflexion et comme pour beaucoup d‘autres sujets, nous nous sommes intéressés à la place que devait prendre la franc-maçonnerie. 

Quel rôle pour la franc maçonnerie ? quelle disruption pour notre ordre ?

Le monde de demain, nous le voulons porteur d’une éthique conforme à la vraie estime que nous devons à notre planète. Le but est d’enrayer la destruction systémique du vivant dans lequel nous nous sommes engagés. L’urgence sanitaire et écologique révèle les failles de nos modèles de vie et nous fait prendre conscience des aberrations qui mènent à notre perte.

C’est l’occasion de penser la place de la maçonnerie face à ces enjeux. Il nous faut pour cela prendre conscience de notre angle mort : l’écologie, l’environnement, pour se projeter dans l’avenir : rassembler, réconcilier, réunir.

Jamais dans l’histoire, les êtres humains ne s’étaient contraints dans leur propre expansion pour éviter quelques morts de plus qu’à l’ordinaire. C’est un progrès moral, surprenant et presque inattendu mais aussi une opportunité́, celle d’une responsabilité́ humaine plus clairement établie et au champ plus large.

En tant qu’humanistes nous devons avoir conscience que sur une planète de plus en plus peuplée et scientifiquement innovante et créative, il y aura mathématiquement une croissance. La question est celle de sa forme pour la rendre plus supportable ou soutenable. Notre engagement de maçon c’est aussi de contribuer à la réflexion et l’action collectives face aux crises qui nous agitent. Ne serait-ce parce que nous mettrons ainsi cette réflexion au cœur de l’action individuelle qui guidera chacun des SS et FF de nos loges. Nous maçons devons monter dans le train de la nécessaire révolution écologique et combler le retard que nous et notre obédience avons pris. Et pour cela inscrire ce devoir dans nos principes généraux.

Il est temps d’envisager une rupture avec l’anthropocentrisme, de considérer que le temple est plus grand encore. D’ailleurs ne pas le faire pourrait nous couper des générations futures et de leurs inspirations et rompre la chaine intergénérationnelle qui nous unit. N’oublions pas qu’il faut que meurt le vieil homme !

Conclusion et proposition issue de notre réflexion

Pour participer à réconcilier le progrès avec le respect de l’humanité et de l’environnement, nous proposons que la franc maçonnerie inscrive l’écologie et la protection du vivant au cœur de ses principes généraux. Cela pourrait se traduire par une révision de l’article premier de notre constitution concernant l’objet de la FM ou ce à quoi elle travaille.