L’en-vol des données

Une génération fibre optique

« Sur toutes les pages lues

Sur toutes les pages blanches

Pierre sang papier ou cendre

J’écris ton nom »

(Paul Eluard Liberté, Poésie et vérité 1942)

Les pages numériques pixélisent cet idéal de liberté. L' »happy slapping » (diffuser des scènes de violences) ou le « revenge porn » (diffuser des contenus sexuellement explicites sans le consentement de la personne) sont des nouveaux en-vols des données. Le « cyberbullying » (cyberharcèlement) est le nouveau sport à la mode des « haters » (haineux) car la critique à distance est facile et donne un sentiment de toute puissance. Après tout, les libertés fondamentales sont l’apanage des faibles.

Les mineurs sont en première ligne dans cette guerre virtuelle qui ne dit pas son nom. Des enfants, reliés entre eux non plus par une fibre humaniste mais par la fibre optique. Des belligérants, dont le lait maternel coule encore de leur nez et qui préfèrent se terrer dans les tranchées du dark-web (marché noir), où tout est monnayable en crypto-monnaies.

Un État aux abonnés absents

La réponse de l’État élude cette dimension, elle est à l’image du fait d’envoyer des drones pour faire respecter le confinement, ou traquer les infractions routières. Avec ces outils sortis tout droit d’un magasin de jouets, comment condamner un ennemi invisible, qui relaye l’apologie ou la provocation des actes de terrorisme sur internet ? C’est un miroir aux alouettes, les combattants du net utilisent notamment des VPN (réseau privé virtuel) pour délocaliser leurs ordinateurs à l’étranger. L’échelle du danger est transfrontière. La solution doit donc être européenne.

Le renoncement aux libertés passe par un abandon des données personnelles de tout un chacun, au quotidien. Le RGPD européen (règlement général sur la protection des données) n’est qu’une luciole dans les rouages des géants du net (GAFAM) qui colonisent des terres inexplorées de données. Il faut garder en mémoire que le mot « bug » (insecte en anglais) pour « bug informatique » viendrait d’un papillon de nuit qui aurait bloqué un calculateur. La nature sait se faire entendre au moment voulu.

Un amour de la liberté

L’effet papillon illustre bien le fait qu’un évènement insignifiant est capable d’avoir une résonnance bien plus grande. Le vol des données individuelles est capable d’impacter les données collectives par mimétisme des comportements. La responsabilité est collective, d’avoir cédé au gout d’une pomme immatérielle.

L’amour de la liberté dépasse la trouille collective de la privation des libertés par un confinement des idées. Un pays capable d’utiliser la vidéosurveillance sur la voie publique à dessein, de choisir ses manifestants, les prendre en tenaille comme des bêtes que l’on conduit à l’abattoir du droit de manifester… doit révulser. Indignez-vous ! La liberté affleure sous la pierre qui ne reste pas immobile au fond de la rivière.

Le recul des libertés existe déjà, il est le cancer non dépisté de la démocratie. L’arbitrage fratricide entre les libertés et la sécurité, est à enrayer. Alors que l’Europe hésite encore entre la symbolique d’une chouette ou d’une colombe, elle élude le bruit croissant des battements d’ailes des citoyens européens. Des ailes sur lesquelles est écrit le mot liberté

Les dangers du net sont mésestimés. Proposition de communiquer sur le sujet, notamment auprès des personnes vulnérables. L’Etat ne joue pas son rôle de protecteur des libertés numériques. Proposition de création d’un Code européen, incluant un droit à la protection des données. Réconcilier libertés et sécurité. Proposition de création d’une juridiction européenne idoine pour protéger les citoyens européens.