Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Améliorer la prise de conscience citoyenne

Respectable Loge, Union et France, Orient de Paris, Région 14 Paris 4 et Loges d'Europe de l'Est

Mots Clefs : CitoyennetéCivismeConscienceÉcoleMorale

La question

La Maçonnerie se donne pour mission de promouvoir une une humanité plus juste et plus éclairée. Cet objectif permanent nous pose une question pratique : Comment améliorer la prise de conscience de la dimension citoyenne de chacun dans une dimension plus globale pour construire cette humanité plus juste et plus éclairée ?

La première difficulté réside dans l’ambiguïté de la notion même de « bon citoyen ». Nous sommes souvent surpris par la différence de comportements et de pratiques des gens qui nous entourent. Et qui pourtant pensent tous avoir raison, de leur point de vue. Ils aiment, en principe, leurs proches, mais pas forcément leur prochain. Et ils émettent tous des avis même s’ils n’y ont réfléchi que le temps de les exprimer.

Le comportement de nombre de nos concitoyens par rapport au Covid en a été un très bon exemple. Un grand nombre de personnes ont fait, apparemment, preuve de dévouement et de solidarité, que ce soit dans des métiers dédiés à l’autre comme la médecine ou dans des métiers plus « terre à terre » comme ceux des caissiers/ères ou des éboueurs. Mais ce dévouement était-il toujours désintéressé[1] ?

On a aussi pu constater le civisme des uns et des autres quant au respect des mesures sanitaires et du port du masque. Le bon citoyen porte son masque car il évite ainsi le risque de contaminer un plus faible que lui. Celui qui ne le porte pas serait donc un mauvais citoyen ? Eh bien là encore ce n’est pas net[2].

La notion de « bon citoyen » apparaît comme difficile à circonscrire, Certains d’entre nous considèrent que la prise de conscience citoyenne n’est pas un point fixe. D’autres se demandent si la Franc-Maçonnerie ne pourrait pas nous aider à définir plus précisément ce que devrait être un bon citoyen et donc fixer un cadre dans lequel lutter pour une prise de conscience citoyenne.

La citoyenneté dans le monde profane et dans la morale Franc-Maçonne

Dans le monde profane, chacun comprend la citoyenneté de son point de vue, en fonction de son environnement, des traditions dans lesquelles il a grandi, de son ouverture d’esprit, de ses voyages… Un bon citoyen français mangeant une côte de bœuf sera un mauvais citoyen au pays des vaches sacrées. Et ne serait-il pas plus citoyen de devenir « vegan » quand on sait ce que coute l’élevage de bovins pour la viande ?

A l’échelle individuelle on tente de trier nos déchets mais une fois récoltés ceux-ci sont envoyés dans des pays éloignés pour être simplement déposés dans des décharges ou même dans les mers ou océans. Et pourtant, cela peut satisfaire la « bonne conscience citoyenne » de certains.

Certains pensent que, trop souvent, nous européens, et français en particulier, considérons à tort que nos pratiques doivent être étendues et pas celles des autres. Nous défendons des principes qui nous semblent « universels » comme la liberté de parole. Mais ces principes sont-ils vraiment universels ? Ils pensent aussi que c’est l’intérêt économique qui guide les comportements des hommes bien plus que la bonne volonté citoyenne. La façon d’étendre de façon efficace le sens citoyen serait alors une combinaison de carotte et de bâton.

D’autres considèrent que la recherche de la Vérité que se propose le Franc-Maçon, même si elle est ardue, est une voie possible. Étendre la prise de conscience citoyenne à l’humanité serait souhaitable. Encore faut-il faire bien attention de distinguer, dans nos discours moraux, ce qui relève de la morale universelle, fondée sur la raison, et de simples pratiques locales traditionnelles qui n’ont nullement un impact négatif sur les personnes. Ainsi, la musique et les traditions culinaires africaines peuvent nous enrichir de sons et de saveurs nouveaux. En revanche, la tradition, fréquente dans certains pays d’Afrique, de l’excision est criminelle et doit être combattue fermement au nom de la raison et du respect de l’intégrité des corps.

Souvent les aspects économiques sont très importants pour orienter les comportements. Pourtant, certains considèrent que de nombreuses actions humanistes ont été menées à bien, par des Francs-Maçons ou par des non Francs-Maçons, pour des raisons purement morales[3].

Du point de vue des libertés, la Franc-Maçonnerie travaille à promouvoir une vision égalitaire, entre hommes et femmes, entre les races, etc. Certains considèrent que c’est vouloir transmettre notre vision française des choses. Pour d’autres, ce sont là des valeurs universelles. Il se trouve que, de par son histoire, la République française a fait sienne ces valeurs. Ce dont les Français peuvent être fiers. Mais ils pensent que ce serait une erreur de considérer que ces valeurs sont une vision purement française des choses. D’ailleurs, les principes qui fondent la morale humaniste ont été en bonne partie élaborés par le philosophe allemand Emmanuel Kant.

L’enseignement et la fraternité au service de la conscience citoyenne

La prise de conscience citoyenne doit passer par le questionnement de soi depuis le plus jeune âge. Le « si j’étais l’autre » devrait nous pousser à agir mieux, pour tous, et par extension pour la planète et l’humanité. Nous défendons des causes qui semblent « universelles » à certains d’entre nous, mais d’autres se demandent si elles le sont vraiment.

Il faudrait réapprendre la morale de la République aux plus jeunes et rappeler tout au long de la vie des phrases centenaires qui peuvent paraitre ridicules et désuètes comme des maximes ou des règles de morale. Certains considèrent que l’enseignement de la religion pouvait contribuer à assoir la morale. Mais d’autres pensent que les religions ont surtout travaillé à asservir les esprits et à justifier des massacres et des tortures. Et que la morale républicaine devrait prévaloir sur les prescriptions religieuses.

Jadis, le professeur lisait et expliquait chaque jour une maxime, un proverbe ou une leçon de morale. Ce serait un bon moyen de bénéficier des sages paroles que nous ont transmises nos prédécesseurs, ceux qui ont déjà réfléchi aux mêmes problèmes que nous et qui ont essayé de nous transmettre une part de vérité, comme les philosophes. Par exemple :

Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n’y a pas d’autre commandement plus grand que ceux-là.

Et enfin tout est résumé dans la maxime :

Aimez-vous les uns les autres.

Il faudrait réapprendre la morale de la République aux plus jeunes, dès l’école.


[1] Les premiers ont choisi un métier au service de la santé des autres. On aurait pu légitimement s’attendre à ce qu’ils manifestent en toute circonstance un dévouement citoyen. Pourtant cela n’a pas toujours été forcément le cas. Certains ont choisi ces métiers par ambition, par tradition familiale ou simplement pour « faire de l’argent ».

Les seconds ont pu trouver une dimension citoyenne à leur travail, ce qui ne sautait pas aux yeux auparavant. Quand des personnes risquent une contamination (et donc potentiellement leur vie) pour aller servir le public dans sa vie quotidienne, elles devraient être considérées comme de bons citoyens. Sauf qu’il n’était pas prévu que ces travailleurs à petit revenus, qui exercent des métiers « nécessaires », puissent bénéficier du dispositif de chômage partiel. S’ils s’étaient arrêtés de travailler, ils auraient donc perdu tout revenu. Il est difficile, dans de telles situations, de faire la part entre le dévouement citoyen et les contraintes économiques.

[2] De nombreuses personnes estiment être dans leur rôle de bon citoyen en refusant toute atteinte aux libertés démocratiques, De fait, certains citoyens prétextent de choix « philosophiques » pour refuser le port des masques, alors qu’en réalité cela les ennuie et qu’ils ne soucient pas de la contamination des autres. Certains d’entre nous ont remarqué que ces personnes défendant la liberté de ne pas porter le masque étaient souvent liées à l’extrême-droite.

[3] Quand Victor Schœlcher, un Franc-Maçon, parvient à faire abolir l’esclavage, cette abolition ne présente aucun avantage économique. Il en est de même quand Lucien Neuwirth, lui aussi Franc-Maçon, réussit à faire autoriser la pilule contraceptive, Le grand ministre Jean Zay aurait pu consacrer ses compétences à l’acquisition de richesse matérielles. Au lieu de ça, il se bat pour l’éducation nationale et finira assassiné par la Milice. Quand Le gendarme Arnaud Beltrame, lui aussi Franc-Maçon, prend la place d’un otage, il sauve la vie d’une autre personne au prix de sa vie à lui. Là aussi, il n’avait aucun avantage matériel à attendre. Le pasteur, médecin et musicien Albert Schweitzer aurait pu gagner bien plus que le prix Nobel de la Paix en faisant fructifier ses nombreux talents en Europe. Il a préféré créer un hôpital à Lambaréné, au Gabon, et y travailler le reste de sa vie, au service des autres.

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