Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Peut-on avoir confiance en la science comme nouvel outil du citoyen ?

Respectable Loge, Utopia Soleil Noir, Orient de Toulouse, Région 17 Sud et Loges d'Espagne

Mots Clefs : CitoyennetéComplémentaritéConfianceConnaissancesDialogue

La science est un « ensemble structuré de connaissances qui se rapportent à des faits obéissant à des lois objectives (ou considérés comme tels) et dont la mise au point exige systématisation et méthode. »

Face à une situation inédite, la pandémie de la Covid 19, nier, croire, douter, sont des passages obligés. Pourquoi croire, puisque que nous sommes devant l’incertitude, les experts n’étant pas d’accord !

Entre privé et public, quelle complémentarité ?

La science est universelle. Appartient-elle pour autant à la sphère publique ?

La frontière entre privé et public est brouillée :

  • car à privé, public s’ajoute l’intime ;
  • par le néo libéralisme de l’État ;
  • parce que la dénomination change : l’espace public devient la sphère publique, d’où un espace clos, une frontière ;
  • parce que le pluriel est de mise, on parle de sphères publiques, voire de sphères publico-privées quel que soit le domaine, en particulier pour la recherche scientifique et les médias ;
  • parce que le privé, l’affectif entrent dans l’espace public par le biais des réseaux sociaux.

L’espace public disparaît avec la communication de masse, la marchandisation de l’information. Sauf à la considérer comme un objet de divertissement ou un outil de manipulation, ce qu’elle peut être, la presse d’opinion est au cœur de cet espace public.

Quant aux réseaux sociaux, ils peuvent être un outil de démocratisation quand ils sont investis par des citoyens actifs.

Le savoir scientifique n’est pas à la portée de tous. Si les savoirs sont plutôt du domaine public, les significations sont plutôt du domaine privé. La validation des résultats scientifiques suit une méthodologie laïque ce qui n’est pas toujours vrai dans le cadre de la contestation du savoir. Ce qui détermine bien souvent les recherches scientifiques c’est la valeur ajoutée de l’investissement, en d’autres termes, l’appât du gain. Les maladies orphelines n’intéressent pas la recherche et l’efficacité d’une molécule doit être démontrée afin de la rentabiliser.

Douter, confronter, dialoguer  

Le questionnement est le point commun des sciences et des religions. Dans les deux cas, penser ou croire détenir la vérité est nocif.

Dans le contexte de la Covid-19, les avis contradictoires, les résultats désavouant tel ou tel traitement, les démarches faussées par des procédures bâclées, les conflits d’intérêts omis ou déclarés entre chercheurs et laboratoires, ne peuvent qu’interroger.

Le que croire est incarné par le qui croire ? Que penser ? Se laisser convaincre par celui qui affirme pour faire disparaître l’insupportable doute ? Accepter de ne pas savoir ? Rester sceptique ?  Le public n’a pas l’habitude d’entendre des savants exprimer leur ignorance, des chercheurs se dénigrer entre eux et multiplier les controverses, et ce, en temps réel, par les réseaux sociaux et l’information en continue. Cela laisse place au doute, au discrédit, à la suspicion, à l’incrédulité. Pourtant si tous les scientifiques ne sont pas d’accord sur la meilleure façon de procéder face à une nouvelle maladie, ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle ! L’ambivalence du pavé mosaïque n’a jamais été aussi forte.

Le public, profane en matière scientifique, est entré progressivement dans les débats qui se font d’habitude à huis clos entre savants. Ce public ne possède pas les clés de compréhension nécessaires pour suivre les débats. De plus, le chercheur n’est plus protégé, ne travaille plus au calme, ne prend plus son temps. Son temple est ouvert. Chaos et incertitudes sont dévoilés. Alors que, si je puis me permettre le parallèle, et comme l’écrit Bruno Etienne « l’action se prépare dans le calme et la connaissance s’acquiert dans la retraite spirituelle, à l’abri des bruits du monde, dans le secret des Loges aux fenêtres grillagées et en laissant les métaux à la porte du temple. »[1]

La parole scientifique se trouve en perte d’autorité, la confiance inconditionnelle dans la science, qui permettait de justifier les décisions, diminue.

Redonner confiance, combattre l’ignorance

La circulation virale de rumeurs et de fausses informations est telle qu’elle a été judicieusement qualifiée d’« infodémie » par le Dr Sylvie Briand de l’OMS.

Entre décideurs et experts, chercheurs et profanes, l’ignorance face à la pandémie n’est pas de la même nature. L’ignorance rend, peut-on dire malheureusement, possible une nouvelle forme d’échange entre science et opinion. Dans l’Antiquité, les Anciens reconnaissaient à la doxa une forme de connaissance pragmatique.

La vulgarisation, l’animation culturelle scientifique, les débats publics sont autant d’outils qui permettraient de combattre l’ignorance du citoyen adulte pour lequel la formation de base scolaire n’est pas toujours suffisante faute de temps et de priorités.

Se comporter en citoyen, donc y compris le politique, c’est nécessairement posséder un degré minimal de savoirs scientifiques, d’alphabétisation scientifique. Cela passe aussi pour tous par le devoir : 

  • de se procurer et d’étudier les informations scientifiques ;
  • de s’engager dans une réflexion sur les sciences ;
  • de participer aux dialogues scientifiques pour passer d’une démocratie représentative à une « démocratie dialogique ». Ce concept est forgé par Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe dans leur ouvrage[2] de 2001 où ils proposent une solution aux problèmes que pose le monde contemporain tels qu’ils le décrivent dans lequel il y a de plus en plus d’incertitudes scientifiques et techniques. Au sein des Loges, on pratique la relation dialogique sous forme ritualisée ;
  • de participer aux choix de politique technoscientifique. La biopolitique est sur le devant de la scène (quarantaine, attestations de déplacement, traçage des individus…) et les dernières mesures gouvernementales ne font qu’alimenter et ancrer une société de contrôle, très au point dans les régimes totalitaires.

De nouvelles pratiques sont déjà utilisées dans le traitement de la crise du changement climatique :  les courbes et les variables stratégiques sont accessibles au public ; les citoyens ont été conviés à participer à la discussion de certaines hypothèses durant l’organisation de la conférence sur le climat.

La modélisation et les courbes sont les éléments clé. Ils permettent de déterminer les comportements à avoir afin de lisser la courbe c’est-à-dire pour la maladie Covid 19 ne pas concentrer dans le temps et l’espace les contaminations et ne pas saturer le système hospitalier.

Dans un monde où tous les humains morts et vivants, malades ou pas, deviennent de fait des objets d’expérience, de tests ou d’essais cliniques, des données statistiques, la pratique de la recherche doit devenir collective et globale. Il ne faut pas ignorer les problèmes qui peuvent être générés tels que : l’autonomie des personnes, les dispositifs de contrôle et de surveillance de la vie privée par les big data, les préoccupations sanitaires, la coordination des différentes manières de pratiquer la recherche y compris par la pluridisciplinarité.

Pour pouvoir avoir confiance en la science, à côté de la systématisation, de la méthode, de la vulgarisation, l’utilisation de nouvelles pratiques à la disposition de tous citoyens sont à encourager et développer, car la science est aussi la « somme de connaissances qu’un individu possède ou peut acquérir par l’étude, la réflexion ou l’expérience. » Mais tout cela ne se fait pas dans l’urgence et le temps court. Donner du temps, se donner du temps fait aussi partie de la réponse.


[1] « Pour retrouver la parole, le retour des frères », A. Bauer, R. Dachez, B. Etienne, M. Maffesoli, Ed. La table ronde

[2] « Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique » éd. Le Seuil

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