Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Question : Après cette crise, le citoyen doit-il repenser son éthique personnelle, à savoir : la combinaison subtile de ce qu’il peut faire, ce qu’il doit faire, ce qu’il veut faire ?

Respectable Loge, Les Enfants de Gergovie, Orient de Clermont-Ferrand, Région 5 Centre

Mots Clefs : CitoyennetéCommunsDevoirsDroitsEthique

La crise n’est qu’un révélateur

COVID-19 nous plonge dans une situation inconnue, impensée voire impensable il y a peu. Notre société rapide et consumériste se retrouve pratiquement à l’arrêt, à l’échelle mondiale, face un virus microscopique. La crise sanitaire va se poursuivre et muter en crise économique et sociale plus ou moins profonde et douloureuse selon les pays.

Toutefois, le comportement citoyen, et l’éthique associée, n’est pas le fruit cette crise, il s’en trouve simplement révélé, amplifié, exacerbé. La citoyenneté peut se définir comme la reconnaissance officielle, administrative ou symbolique de l’appartenance d’un individu à la Cité, à l’Etat, c’est-à-dire à une entité qui regroupe des individus dans le cadre d’un « vivre ensemble » nécessitant des « communs » partagés. Par évolution du monde, nous sommes devenus citoyens européens et avons pris conscience que nous étions tous habitants de la Cité Terre. Cette première approche nous impose de reconnaitre (voire faire évoluer) des « communs », permettant le vivre ensemble dans la ville (ou le village), dans le pays, en Europe et enfin dans le monde globalisé.

Ces communs, nécessaires, acceptés, protégés et valorisés par le plus grand nombre, doivent faciliter et rendre « agréable » la vie des groupes sociaux. Ils sont le reflet des valeurs culturelles du groupe, du pays. Nous pouvons citer pour la France des valeurs telles que la liberté, l’égalité, la fraternité, la solidarité, la laïcité, le respect, l’humanisme, le bien vivre… et bien d’autres encore.

Si cette crise a permis de renouer ici où là certaines solidarités, certaines reconnaissances professionnelles, elle révèle également des comportements individualistes, égoïstes, peu responsables, démontrant la fragilité de nos communs à l’échelle de la ville (non-respect du confinement ou de la distanciation, provisions alimentaires démesurées privant les suivants de la ressource…), du pays (tiraillements importants, absence d’unité nationale, volonté de fracturer encore plus le pays, critiques infondées, polémiques systématiques, désinformation…), de l’Europe (solidarité timide qui a tardé à se mettre en place), du monde (rivalités notoires, non transparence, fébrilité des maigres communs).

Quels sont, à chacun de ces niveaux, les « communs » possibles et compatibles ? Qu’est-ce que chacun est prêt à accepter pour qu’ils existent ? Comment les partager, les valoriser, les faire évoluer constructivement dans l’intérêt de tous ? Pourquoi sont-ils mis à mal et pour quels intérêts ? Ces questions sont complexes et font appel à des raisonnements systémiques si nous voulons tenter d’apporter des réponses. Les étapes suivantes ne sont que des pistes modestes.

Comment se fondent les communs ?

On suppose trivialement que la citoyenneté s’acquiert par la naissance, le droit du sol, le droit du sang ou encore une procédure de naturalisation. Cela parait bien mince au XXIème siècle et même avant d’ailleurs. La citoyenneté ne se résume pas à un parchemin offrant des droits et un statut. Naitre ou devenir citoyen est une acceptation, une adhésion, un partage et une contribution. Nous portons en nous notre citoyenneté. Cela doit être désiré tout autant que motivé et pratiqué, que l’on regarde l’époque actuelle ou que l’on remonte à l’antiquité, aux conquêtes territoriales, aux colonisations.

Certaines personnes étrangères (qui n’ont pas de passeport national) peuvent avoir des comportements plus citoyens que certains nationaux. La procédure administrative (naissance ou naturalisation) qui nous « fait » citoyen n’est pas en soi la réponse.

La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948) comporte 63 fois le terme « Droit » et 1 seule fois le terme « Devoir ». Son titre n’est pas « déclaration des devoirs de l’homme » et sa philosophie originelle s’inscrit dans la protection et le respect des personnes. Ce texte fondateur, indispensable et remarquable, marque toutefois un immense déséquilibre entre les droits et les devoirs, entre le dû et les responsabilités. La citoyenneté propose l’acquisition de droits mais impose aussi le respect de devoirs. Lorsque ceux-ci sont flous, absents, non valorisés ou tournés en dérision, parfois mêmes présentés comme des atteintes à la liberté (le devoir de ne pas contaminer par le respect des gestes barrières et du confinement), alors nos communs sont en danger.

Les droits sont mis en exergue et nous manifestons promptement s’ils sont égratignés. Les devoirs sont ignorés et tout le monde s’en fout. L’individu reprend le pas sur le groupe, l’individualisme renie les communs. Notre nature animale, notre cerveau reptilien efface toute raison. Profitant de l’éthique fragile voire inexistante du citoyen, certains (politiciens, médias, polémistes, experts en tout et en rien, syndicats…) ont activement cherché à exploiter la crise pour désunir et fracturer, par la polémique, la désinformation, l’agitation de peurs poussant chacun dans la méfiance et la défiance de ce qui nous regroupe. Le bon sens aurait été de faire bloc solidairement devant la catastrophe, que l’on parle au niveau de la ville, du pays, de l’Europe ou du Monde, non pas comme des moutons mais comme un peuple, des peuples.

Comment refonder les communs ?

Les communs se partagent par l’éducation des plus jeunes, par l’intégration des nouveaux arrivants, par le projet, en apprenant et en faisant (savoir, savoir-faire, savoir-être). Ils s’appuient sur des valeurs collectives du vivre ensemble, même si nous ne sommes pas tous d’accord sur tout. En France, ils se fondent sur le respect de la démocratie, sur l’acceptation de la loi, sur le respect de l’Autre, tout autant que sur ce qui fait humanité et sur la responsabilité de chacun.

Notre pays dispose d’énormes atouts, enviés dans le monde entier et nous ne cessons de nous plaindre car ce n’est jamais assez bien. Adeptes du verre à moitié vide, nous sommes devenus des enfants capricieux, vindicatifs, paresseux, critiques négativement, pessimistes, peu courageux, individualistes, irrespectueux, peu solidaires. Heureusement, ce n’est pas 100% de notre population qui se comporte ainsi mais une frange suffisante et bruyante pour détériorer les communs. Comme dans un immeuble, il suffit de deux ou trois pour saccager la cage d’escalier ou l’espace vert pour que le cadre de vie soit détérioré pour tous. Il en va de même à l’échelle de l’Europe et du monde. Laisser faire par le silence, c’est devenir complice de la dégradation, du pillage, au profit de ceux qui ne respectent pas les règles communes. La responsabilité consiste à agir à chaque niveau, individuellement et collectivement.

Agir par l’éducation des jeunes encore scolarisés. Agir par l’information du plus grand nombre, par la discussion et l’échange. Agir par l’engagement de chacun (volontaire ou obligatoire) dans la contribution à la communauté. La « formation » ou plus exactement la transmission de nos valeurs communes est la première des démarches à renforcer. Elle permet une compréhension éclairée des choses et du monde qui n’est pas spontanément accessible à chacun. Elle favorise l’adhésion puis la contribution. Pour ceux qui refuseraient ce partage de valeurs, il est indispensable de ne pas laisser filer mais de faire remarquer, réexpliquer, puis de « sanctionner » de façon juste et pédagogique. Les communs ne peuvent pas être respectés par une seule partie des acteurs et détériorés par les autres impunément. Les non respectueux impunis renvoient un sentiment d’injustice flagrante pour ceux qui jouent le jeu, et ils sont nombreux. Le sentiment d’’injustice est un des éléments du délitement de la citoyenneté.

Sans doute la citoyenneté du XXIème siècle doit être revisitée et adaptée. Mais comme les précédentes, elle ne s’exonèrera ni des droits ni des devoirs qui sont les deux plateaux d’équilibre du vivre ensemble. Observons les pays qui réussissent et adaptons ce que nous voyons. L’Islande, la Nouvelle Zélande, les pays d’Europe du Nord peuvent nous éclairer.

La globalisation du monde est une évidence car l’humanité est une et indivisible. Ce n’est donc pas le concept de globalisation qu’il nous faut questionner mais bien comment nous l’avons interprété jusqu’ici. Nous devons accompagner chacun à se sentir citoyen (droits et devoirs) du pays, de l’Europe et du monde, un citoyen éclairé porteur d’une éthique forte, soucieux des équilibres et contributeur constructif à leurs nécessaire évolution.

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