Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Peurs et finitude individuelles, espérance collective ?

Respectable Loge, Isaac Newton, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : EspérancePeur

Un virus bouleverse nos vies, nos collectifs et nos intimités. Nous n’en mesurons encore ni tous les impacts… ni leur portée… En France, la maladie n’a pas révélé que l’inquiétude ou la peur, bien au contraire, elle a révélé l’esprit de solidarité. Collectivement, pendant le confinement et depuis, cette pandémie nous a invités à un retour sur nous-même, révélant nos forces et nos faiblesses. Qu’en sera-t-il de l’après ? Former plutôt qu’informer s’impose. Exerçons-nous !… au travail de l’esprit à l’image des stoïciens ou épicuriens, et à plus d’horizontalité dans la conduite de nos projets. Le progrès par la science et la raison, en conscience, peut libérer l’Homme des tâches avilissantes. L’augmenter c’est aussi lui donner plus de temps pour un meilleur commun. Augmentons-nous ! Relocaliser et rétablir dans tous les domaines une proximité dans nos relations sociales et économiques, sont les conditions de notre confiance en nous et notre avenir : rapprochons-nous !

Aux sources de la peur : Que sais-je ?

Il aura suffi d’un virus de quelques dizaines de nanomètres pour déstabiliser le monde. Un monde où tout nous semblait permis. De cette situation émergent des faits scientifiques, sanitaires, sociaux, économiques, politiques, stratégiques, administratifs, organisationnels qui sont, de près ou de loin liés, voire indissociables. Comment imaginer durablement l’économie sans la santé par exemple ? Pas d’économie florissante sans population en bonne santé, ni bonne santé sans économie satisfaisant le plus grand nombre. Dans toute situation, il faut remonter aux sources des problèmes, discerner un point saillant et tirer profit des erreurs identifiées. C’est ce que nous avons tenté de faire ici.

Au début étaient le choc, la désinformation, la mondialisation du virus, la faillite de nos politiques publiques et la peur.

Partant de Wuhan, bien des faits marquants sont apparus ou rappelés ; « servitude économique » des nations face à la Chine, « dons » de technologies sensibles, délocalisations stratégiquement irresponsables …. La Chine est devenue l’usine du monde et le point de départ principal de son commerce… Nous faisons chaque jour les frais de la bascule orientale du monde économique que nous avons encouragée à la recherche de moindres coûts de fabrication et d’un accès plus large aux biens de consommation pour notre population. Avantages et revers de la mondialisation. Les transports modernes ont accéléré la dispersion du virus, plus rapidement qu’autrefois. En revanche, l’information sur la COVID-19 n’a pas circulé assez rapidement pour éviter la pandémie. Probablement en raison de politiques internationales laborieuses, du contrôle de l’information, ou d’une impréparation des esprits malgré les travaux d’anticipation qui avaient été menés. La prise en compte du problème a été, selon les États, plus ou moins rapide, dépendant de la préparation des moyens… parfois de leur négligence. D’autres facteurs aussi : Normes au-dessus de la norme, règlements aveugles, ordres et contre-ordres, conflits d’intérêts, débats d’experts et contre expertises, langage érudit contre populaire, impression de mensonges, d’instrumentalisation ou de double langage, retour des Sophistes au sens platonicien : « Grands diseurs de tout et grands faiseurs de rien », philosophes conteurs, sociologues de bureau, il ne manquait que les marabouts…

La peur est générée par l’inconnu, l’incertitude, le sentiment de perte de maitrise de la situation. Le terrain était donc prêt pour que la peur s’installe, se répande, enflamme la population telle une brousse inculte, desséchée, déracinée, désorganisée, déstructurée.

Après la peur, nous constatons que collectivement, la Covid s’est imposée à notre politique. Individuellement, c’est différent. La période a été propice pour se questionner, sur ses peurs bien sûr, mais aussi ses désirs et sa volonté de les réaliser, sur sa vérité. Le confinement, l’isolement, l’enfermement, le silence… n’est-ce pas tout simplement se retrouver face à soi-même ? L’occasion de se centrer sur ce que nous sommes intimement ? L’état de confinement n’a-t-il pas été « proprement initiatique » ?

Que puis-je espérer ?

Individualisme, manque de solidarité entre États, irrépressible besoin de consommation, de loisir et de relations superficielles, débauche médiatique et dictature du commentaire caricatural, système de santé apparemment écrasé par une administration comptable, normative et procédurière, monde politique divisé et affaibli dans une vision à court terme ou passéiste, moyens de communication devenus dépendants de pays et d’intérêts lointains… les constats négatifs sont pléthoriques. Néanmoins, ce travail maçonnique n’a pas vocation à maintenir un climat anxiogène paralysant, bien au contraire.

Nos travaux relativisent les excès, ils nous ramènent à notre condition humaine, à nos peurs mais aussi à nos espoirs. Il est bon de se rappeler que la vie et la mort sont liées. La vie s’accompagne en effet toujours d’un processus continu de vieillissement. Notre société moderne semble pourtant le refuser. Beaucoup est fait pour limiter les effets de cette dégradation, pour repousser l’échéance de notre mort. Le jeunisme et la course à l’immortalité apparaissaient comme des tentatives d’échapper à ce qui était jusque-là au cœur de notre humanité, une recherche d’une « autre humanité » reposant notamment sur les sciences et la technologie, donc aussi sur le savoir et la raison…  La mort, la fragilité de la vie, la souffrance et la dégradation inexorable, étaient oubliées, cachées, refusées, le plus souvent absentes des discours et du vécu de nos contemporains, en quelque sorte tabou. Leur occultation s’est brutalement fracassée sur la COVID-19. La mort et la finitude se sont réimposées à chacun et à tous.

L’impersonnalité du « on meurt » cache la tragédie individuelle, occulte le mystère de la mort. La peur trouve son objet dans un invisible qui frappe sans discernement, dans un avenir incertain. La certitude de la finitude prend possession d’un futur proche et incontestable, conditionné par l’inconnue du moment, dans cette inégale temporalité qui nous enferme. Nous n’échappons pas à la réflexion de la mort, nous sommes conscients de notre finitude et cela aussi nous révolte. Le « je » prend ici toute sa mesure. Car au-delà de notre état de mortel, c’est des conditions de cette finitude dont il est question. C’est sur l’exigence de qualité et d’humanité de nos valeurs que se bâtissent les projets de vie bonne de nos sociétés, celles qui rendent supportable notre temps de vie. Pour P. Ricoeur, « si la souffrance est individuelle, la santé est collective ». La maladie, la déchéance et la mort concernent l’individu. Elles sont subies et font peur car hors de maitrise ou restant étrangères à nos quotidiens et nos représentations, contrairement à ceux de nos aïeux pas si lointains. La santé dépend de la collectivité : par l’action commune, elle peut être améliorée ou sauvegardée, ses limites apprivoisées. Apprivoiser la peur et la finitude individuelle grâce au collectif et à la transmission ?

Là où l’on attendait peut-être trop des institutions, ce sont les initiatives d’esprits assez volontaires pour exprimer et lancer d’immenses manifestations de solidarité que l’on a retenues. La prise de conscience de tout un personnel concerné (pas seulement dans la santé), a apporté des solutions fortes et démontré l’efficacité d’un travail collaboratif et agile, à l’horizontale. En contraste, la verticalité monolithique de nos institutions aura montré son manque d’efficacité et d’adéquation aux besoins et vécus de nos concitoyens. Nous sommes arrivés à un point critique où notre société doit se remettre en question. L’augmentation de la précarité et de la pauvreté qui résulte de la pandémie nous y invite. Nos problèmes actuels ont cependant des détonateurs anciens, communs avec ceux qui ont fait exploser les sociétés. Ils sont connus depuis l’Antiquité : Pouvoir, Richesses, Honneurs. Espérons que le besoin de plus de Fraternité, existant et s’exprimant naturellement en dehors de tout assujettissement politique, poussera à l’action pour le meilleur.

Que dois-je faire ? Que puis-je faire ?

En référence à nos origines culturelles, notre histoire, nos traditions, des voies pour agir existent :

Former plutôt qu’informer s’impose. Former notamment aux leçons des stoïciens ou épicuriens. La réflexion commune ou individuelle vaut pour exercice spirituel : exerçons-nous ! Former et éduquer particulièrement les enfants et les futurs parents pour combler les fragilités de notre société que la COVID-19 a révélées ou exacerbées. Cela ne peut seulement venir d’en haut. L’exemple, l’accompagnement, l’affirmation quotidienne et tranquille des voix qui gardent ou gagnent la confiance du plus grand nombre sont déterminants. Il s’agit d’abord de laisser s’exprimer le bon sens, le volontariat, l’expérience, de créer et former une société de projets active et agile, de fédérer, de sortir de cette verticalité exclusive, sclérosante et peu efficace, de ranger les monolithes dans les musées, de trouver les mots de l’impulsion et de l’ambition de groupe, de refonder le collectif. Passer de la verticale à l’horizontale avec et par Fraternité. Cela est d’autant plus réalisable que cet esprit est déjà à l’œuvre dans de grandes et petites entreprises. Il faut y préparer notre jeunesse, elle en a de plus en plus souvent le goût ou l’habitude, elle exige du sens à sa vie.

L’homme augmenté n’est pas qu’une utopie transhumaniste. Il peut libérer l’Homme des tâches répétitives et usantes, lui donner plus de temps pour se perfectionner et apporter sa compétence à la construction de la société : dans ce sens augmentons nous ! Le progrès par la science, la technologie et la raison, en conscience.

Relocaliser et rétablir dans tous les domaines une proximité dans nos relations sociales et économiques, pour nos capacités fondamentales, conditions de notre confiance en nous et notre avenir, de notre autonomie, de notre résilience et de notre souveraineté : rapprochons-nous !

Même si cela relève de l’utopie, nous devrions la poursuivre comme une ambition, motivée par une volonté de « bien commun », pour le bien de soi et de l’autre, de ce « même » dont nous sommes responsables, même sans le connaître. Elle doit être réalisée dans le respect de ce qui nous entoure. Son cadre institutionnel devrait être transparent et souverain reposant sur les seuls élus que nous nous serons donnés. La solution philosophique, morale, humaine, formulée dans l’article premier de notre constitution et en particulier par les buts que nous poursuivons nous conforte dans la certitude que la société ne changera qu’avec l’aide de la raison. C’est par le fait d’agir et dans l’espace de la vérité, de l’éthique, de la morale et de la solidarité que fraternellement nous rebâtirons et qu’en toute liberté, nous réussirons.

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