Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Sciences et techniques : problématique ou contexte

Respectable Loge, Réveil du Béarn, Orient de Pau, Région 17 Sud et Loges d'Espagne

Mots Clefs : RésilienceScientismeVérités et Représentations

Comment augmenter notre résilience aux aléas

La première épidémie de SRAS de 2003, la grippe H1N1 de 2011, le MERS de 2012, Ebola de fin 2013 à 2015 se sont passés sans débat particulier ni mesure générale de long terme, marqués simplement par une accommodation temporaire naturelle à l’existence des êtres humains. Ces épisodes se sont aussi déroulés sans que nous n’ayons su nous montrer capables d’y repérer ce que Nassim Nicolas Taleb appelle un cygne noir, un événement hautement improbable mais à effet immédiatement cataclysmique de nature à rebattre les cartes de nos fragiles existences et de nos systèmes sociaux complexes, malgré quelques voix d’infectiologues cantonnés à leur spécialité. Nous construisons nos représentations sur la base de notre expérience et nous pensons maîtriser les «vérités acquises » généralement issues de la Science et des Techniques.

En Europe début 2020 le cygne noir s’est pourtant invité et ce qu’il nous révèle est accablant : nous n’étions absolument pas préparés à cette crise alors que, depuis plus de 70 ans, tout aurait dû nous inciter à augmenter la résilience de nos système sociaux, en construisant une société qui nous permette de vivre avec un projet commun, un ensemble de règles de vie commune, en résumé, une société qui soit résiliente aux cygnes noirs. Depuis la dernière reconstruction sociale de 1944, nous avons laissé le temps filer, spectateurs de la dégradation progressive de nos systèmes sociaux, nous contentant d’une accommodation individuelle et collective sans perception d’ensemble, bercés par le confort de la technologie et la croyance en une linéarité inconditionnelle du progrès. Nos principes de gouvernance économique axés sur la profitabilité immédiate a conduit à une situation calamiteuse exacerbée par la Covid 19 : la recherche de rentabilité productive à tout prix a conduit à la bulle aéronautique et ses déboires récurrents. Notre filière nucléaire ne semble pas se remettre de l’échec industriel de l’EPR sous forme d’ajournements à répétition, malfaçons récurrentes, politique de maintenance défaillante. La fin du moteur thermique est proclamée sans examen, ni débat sur les transports alternatifs, sauf une affectation de 2 milliards d’euros pour une nouvelle filière hydrogène en France.

État de l’art

Depuis « La grande transformation » de Karl Polanyi en 1944, tout a été dit et écrit sur l’écologie, l’économie, la pseudo industrie financière, la mondialisation, le néolibéralisme. Notre société se veut progressiste, mais toutes les actions politiques et projets conduits depuis 1944 ont conduit à la rendre moins robuste aux aléas quels qu’ils soient. Le langage scientifique universel semble pourtant massivement utilisé mais n’est pas maîtrisé par tous, loin s’en faut. Notre société se dit organisée de façon à assurer à chacun un confort optimal, selon certains critères économiques qu’on pourra toujours discuter, mais elle accentue sa sensibilité aux variations de ses conditions de fonctionnement, son environnement comme le climat. A vouloir excessivement appréhender les situations sous l’angle technico-économico-scientifique, nous passons à côté de l’essentiel, la protection de ce monde et les vraies raisons motivant une existence humaine. Nos certitudes se sont écroulées car ces représentations souvent erronées ont fini par se confondre dans nos esprits avec la réalité.

Nous passons notre temps à chercher, à apprécier  et ajuster des critères – devenus des lunettes de bois dans notre perception du monde – en ergotant sur des chiffres dénués de réalité tangible, alors que l’éventualité de ces cygnes noirs dévastateurs n’est à aucun moment introduite dans la perception d’une réalité « VUCA » pour reprendre l’acronyme de l’US Army War College après l’effondrement de l’URSS : « Volatile Uncertainly Complexe et Ambigu ». Nous abordons aujourd’hui la Covid 19 mais qu’avons-nous retenu des catastrophes de Tchernobyl en 1986, Fukushima en 2011, la crise financière de 2008 ou l’appauvrissement graduel mais avéré chaque jour de la biodiversité et bien d’autres effets de notre aveuglement sociétal ?

Les grandes découvertes scientifiques nous montrent justement et paradoxalement que notre intuition et notre expérience nous jouent continuellement des tours. Nous utilisons la Science comme un langage universel – ce qu’elle est effectivement, par construction – a priori accessible à tous-ici. Il s’agit d’une question de principe, d’une volonté de développement qui réclame des efforts et du temps, y compris du temps social  pour œuvrer ensemble.

Il nous apparaît pourtant que notre société actuelle se berce d’illusions en accordant une confiance aveugle en une technoscience qui a pris des allures de religion, situation dont nous persistons à nous accommoder. Le débat sur la chloroquine et ses dérivés nous paraît révélateur de ce glissement : il était attendu des experts scientifiques qu’ils se prononcent d’une seule voix rassurante en nous indiquant la marche à suivre. C’est aussi le chemin qui a été suivi pour la fiction politique du récit de la gestion de la crise virale, qui a consisté à choisir des comités successifs réputés donner des avis – d’ailleurs rarement examinés sur le fond – supposés conduire la politique du gouvernant. Patatras, la réalité est plus subtile ! A force de simplifier notre représentation de la réalité, nous finissons par perdre nos propres perceptions. Le rasoir d’Ockham, principe heuristique en Science, indique pourtant que tout doit être fait aussi simplement que possible, mais pas plus simple ! Pourtant nous nous satisfaisons de visions trop simplistes, par confort, paresse, manque de temps ou par goût.

L’humain contemporain est devenu consommateur de science technologique sans le savoir, mais il ne s’intéresse pas ou peu aux racines diverses de la Sciences, l’épistémologie entre-autres. Il agit comme le client acheteur de découpe de poulet ne sachant plus, derrière le confort alimentaire du prêt à consommer, qu’il existe du vivant inclus dans le monde. Nous pouvons même présupposer que derrière la fragmentation technophile, toute vision construite, unifiée, de la Science disparaît. L’illusion sociétale, celle qui pense collectivement que la techno-modernité est un progrès rendu à l’Homme et mise à son service, est un mythe contemporain.

Nous oublions que la Science et les Techniques, ces modernes oracles, sont avant tout construits sur le doute, moteur des progrès de l’époque moderne, et d’une quête asymptotique d’amélioration continue. Être scientifique, c’est avant tout en finir avec les certitudes rabâchées à longueur de journée sur ce que nous devrions être, reposant le plus souvent sur des connaissances et des conjectures discutables voire inexactes.

Mais le confort intellectuel réclame des certitudes. Le dogme n’est que le cas extrême de cette attitude. L’argument d’autorité en est une des manifestations publiques. Pourtant l’Humain n’est pas cet être égoïste, pourvus d’un corps et d’une raison bien distincts, cette caricature d’Homo Economicus dont on nous assène les représentations primaires. Les sciences sociales et les neurosciences nous en apprennent toujours plus sur nous-mêmes, loin des images et des conjectures des philosophes des Lumières.

Un débat scientifique incessant nous montre que les vérités d’hier ne sont plus toujours celles de demain. Néanmoins les fausses représentations ont la vie dure et continuent de nourrir en arguments, des choix structurants pour notre société. Par notre constitution génétique de mammifères sociaux à croissance lente, nous sommes essentiellement des êtres sociaux qui nous construisons grâce et avec l’aide des autres : la Science et les techniques ne sont après tout que des liens permettant aux hommes de se rencontrer et d’œuvrer sur un chantier commun et partagé, un langage susceptible de dépasser les obstacles des langues et les pièges de la polysémie. « Une image vaut mille mots » disait Confucius. Le langage mathématique exprime plus que le langage usuel car au-delà des mots, il renvoie à une symbolique du trait. « Il faut cultiver son jardin » concluait Voltaire reprenant l’image d’Epicure. Être libre, c’est assumer pleinement les conséquences de ses actes, et non pouvoir faire sa vie sans se soucier des autres. Sans acte, pas de liberté possible. Et pour assumer les conséquences de ses actes, il convient de disposer et cultiver une certaine représentation des autres, ceux qui nous accompagnent sur notre chemin et de nous-mêmes – par les neurones en miroir – ces autres, qui sont nos concitoyens. Combien de personnes laissons-nous pourtant sur le bas-côté de notre société moderne ? C’est à l’ensemble de nos concitoyens qu’il convient de s’adresser. L’un des meilleurs moyens de communiquer une réflexion, une représentation, un paradigme demeure l’usage du mythe et du langage symbolique. Le mythe de la connaissance par la Science et les Techniques exige d’être redéfini, repartagé car actuellement mêlé de scientisme et détourné de son utopie initiale.

Propositions

Repenser notre santé et notre éducation jusqu’à l’université comme prioritaires.

Redonner du sens à notre système productif : la rentabilité financière est un concept vide de sens qui n’est pas l’objectif, mais de produire des objets avec une empreinte écologique et humaine minimale.

Savoir émanciper le travailleur comme la Révolution Française a su émanciper le citoyen – la créativité de chacun doit être requise.

L’éducation et la vulgarisation sous toutes ses formes, le retour d’expérience des catastrophes passées, revenu universel, solidarité étatique, remise en cause de l’orthodoxie budgétaire et du productivisme aveugle, favoriser l’agriculture locale, assumer l’horizontalité de la prise de décision et des responsabilités.

Gestes barrières contre chaque mode de production dont nous ne souhaitons pas la reprise.

Ne plus considérer la Science réduite à un modèle fragmenté, à un simple usage mais lui redonner une force évolutionniste collective.

En finir avec le Scientisme et les fausses Vérités sur la nature humaine – Promouvoir la Science et des techniques nous permettant de construire une Humanité plus résiliente, égale et fraternelle.

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