Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Régulation, solidarités, monde d’imprévisibilités : un vaste chantier de philosophie politique et sociétale

Respectable Loge, Pro Solis, Orient de Paris, Région 13 Paris 3

Mots Clefs : CitoyennetéImprévisibilitéRégulation des marchésSolidarités internationales sociales écologiques

L’après Covid pose la difficulté de penser un monde futur à un moment où nous ne sommes pas encore sortis de la crise. La réflexion, à portée universaliste, est complexe, même si le virus nous aiguille sur cette voie en s’étant propagé sur toute la Planète.

Un « Avant » bâti sur des certitudes de maîtrise du destin du Monde

Nos sociétés se sont développées ces dernières décennies avec une forme d’arrogance humaine croyant pouvoir contrôler et imprimer le destin du Monde, en particulier par la mondialisation, les pouvoirs institutionnels, la technologie, l’économisme.

Cette arrogance semble ignorer les limites de la Connaissance individuelle et collective, et se démultiplie à l’ère de l’immédiateté dans une forme de relativisme croissant. Les conséquences particulières sont :

  • Le consumérisme comme nouvelle idéologie dominante

Tout est marchandise, y compris la démocratie, au détriment de la Citoyenneté et de la Solidarité.

Le Marché et le consumérisme, sont parmi les concepts les plus résilients de l’après crise. Il faut revenir le plus vite à la situation économique de l’Avant. Nous sommes invités à consommer pour relancer l’économie, dont dépendent néanmoins notre niveau de vie, nos quotidiens et certaines solidarités par l’impôt.

  • La méconnaissance de la Solidarité en tant que moyen de résilience globale de nos Sociétés.

La solidarité couvre les rapports d’interdépendance entre les Choses et les Êtres, dans une communauté d’intérêts. Cette communauté, nous FM, l’appellerions la Concorde Universelle. L’interdépendance, que nous FM symboliserions par les Nœuds des Lacs d’Amour est nécessaire et engageante pour cette Concorde.

  • Notre peur de l’incertain et du non prévisible.

Personne n’avait prévu la crise du Covid 19. Bien sûr, nous avions imaginé des scénarios de pandémie et des plans de lutte associés. Nous anticipons les impacts systémiques des phénomènes majeurs (changement climatique, bouleversements d’écosystèmes), sans pour autant prendre en compte ces alertes dans notre rapport à l’environnement. Mais à l’échelle individuelle, nous ne pouvons ni prédire leur surgissement ni leurs conséquences précises.

Un émiettement de la Citoyenneté et des liens de solidarité

Le consumérisme érigé en idéologie dominante conduit à regarder nos objets sociaux en termes de rentabilité. En conséquence, la notion de Citoyenneté s’en retrouve altérée. De même, les liens de solidarité s’effacent au profit d’allégeances opportunistes.

La Citoyenneté n’étant pas un produit de consommation, s’émiette au profit des seuls calculs d’intérêts individuels. Les mécanismes d’économie non régulée, tels la contractualisation et la recherche de rentabilité supportent cette tendance d’effacement du Politique face au marché, soutenue par nos comportements consommateurs de « pays riches » (recherche de prix bas, de marqueurs sociaux, …).

Mais la Citoyenneté sans le Politique, c’est à dire ce qui définit la Loi et régule les intérêts privés, n’a pas d’existence. Aujourd’hui, il semble que le bien-être individuel se définit par l’intensité de sa propre consommation et cette tendance est aussi très résiliente au travers de la crise du Covid 19.

La Loi, le Politique et donc la Souveraineté, mais aussi le bien-être et les choix individuels sont altérés par les dynamiques des Marchés. Nombre de nos relations humaines, sociales, individuelles, amoureuses, etc sont régies par des processus de marché. Tout peut devenir marchandable y compris nos propres sentiments et notre humanité.

Un vaste chantier philosophique pour élargir la pensée sociale et politique

Comment redonner aux individus l’envie de redevenir Citoyens ? Comment redonner du poids au Souverain, donc à une Loi qui ne renonce pas face aux intérêts privés ? Il est nécessaire de réanimer un débat dans toutes les instances de la Cité pour élargir la pensée sociale et politique, en particulier sur les thèmes suivants :

  • Réguler l’économie, pour réaffirmer la primauté de la Loi et donc du Politique sur le marché, et non l’inverse. Cette régulation doit atténuer les excès du marché et garder ses aspects positifs (innovation, réduction des monopoles, …)
  • Élargir les perspectives de bien-être individuel et social : vaste chantier appelant à recréer de nouvelles formes d’épanouissement au travail, réaffirmer le rôle de l’Ecole de la République à former des Citoyens libres, égaux et respectueux, lisser les effets délétères des inégalités extrêmes
  • Replacer l’Homme dans les écosystèmes, faute de quoi il sera soumis à plus d’événements extrêmes, individuellement imprévisibles, mais aux impacts systémiques prévisibles (climat, zoonoses, …). Ce repositionnement appelle une réflexion individuelle et collective qui bouscule la pensée anthropocentrique.
  • Affirmer et promouvoir des liens de solidarités. Solidarités internationales pour développer entre pays des engagements réciproques, sans aliéner la souveraineté des peuples et Nations. Solidarités sociales pour sortir des isolements communautaires et individuels, au travers de la Sécurité Sociale, de l’Ecole, du Droit du Travail, de la Santé Publique. Solidarités écologiques à construire en abordant les interdépendances des écosystèmes, dont les équilibres sont complexes à identifier et dangereux à modifier.
  • Intégrer l’imprévisible dans nos schémas mentaux et nos processus sociétaux. Le Politique ne doit pas tomber dans la Technocratie pour faire illusion de maîtrise. Il devrait reprendre une approche Humaniste et humble : gérer de façon flexible et ouverte les choses en acceptant et faisant accepter l’erreur, mais en agissant avec responsabilité, c’est un point clé de survie démocratique. L’imprévisibilité doit aussi mieux s’aborder à l’échelle individuelle, et l’école a certainement un rôle à jouer à ce sujet.

Notre « luxe » est de pouvoir aborder ces thèmes dans un monde où, selon l’ONU, 20% de la population détient 90% des richesses (nous en faisons partie), 2.8 milliards de personnes (environ la moitié de la population mondiale) vivent avec moins de 2 dollars par jour, 876 millions d’adultes sont analphabètes, dont deux-tiers de femmes, plus d’un milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau salubre, 30 000 enfants de moins de 5 ans meurent quotidiennement de maladies évitables. Ce constat de 2015 s’est certainement aggravé. Notre réflexion universaliste ne peut ignorer la complexité et la variété des comportements individuels et collectifs induits par ces états de fait.

Le discours de Stockholm d’Albert Camus résonne encore vers cet Après : « Chaque génération se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse ».

La Commission appelle à élargir la réflexion au-delà des lignes de force de « l’avant » (mondialisation, libéralisation, consommation, certitudes technologiques) en abordant les thèmes suivants, tant dans les instances Maçonniques que Profanes :

1. Repenser la régulation des marchés et les implications en matière de solidarités internationales et écologiques.

2. Imaginer de nouvelles perspectives de bien-être en rééquilibrant le consumérisme (et le sentiment de jouissance associé), en affirmant l’importance des solidarités sociales (École, Santé Publique, Sécurité Sociale, …), en lissant nettement les inégalités économiques et sociales croissantes et délétères.

3. Replacer l’Homme dans son environnement et contribuer activement à la protection de ce dernier, en augmentant notre compréhension des interdépendances entre écosystèmes.

4. Aborder avec humanisme et humilité les évolutions du Monde, en intégrant dans nos schémas mentaux et sociétaux l’imprévisibilité, appelant une gestion politique flexible et agile des nouvelles situations, mais en responsabilité, lucidité et respect des Citoyens, attitude clé pour la Démocratie.

Notre Loge soulève l’enjeu ardu de concrétisation Profane des réflexions de l’Obédience. Il s’agit de construire sur les avancées du monde Profane. Nous, Franc Maçons, sommes individuellement les artisans de cette concrétisation. La Loge suggère que le GODF soit à l’initiative d’une action conjointe avec les autres Obédiences dans le Monde, pour étendre la réflexion. Elle forme le vœu de largement diffuser ce Livre Blanc auprès de ces autres Obédiences.

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