Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La fraternité à l’aune du covid-19

Respectable Loge, Picardie, Orient de Amiens, Région 10 Nord - Pas de calais - Picardie et Loges d'Angleterre

Mots Clefs : Maçonnerie

La logique de l’urgence a présidé toutes les décisions gouvernementales alors que la pandémie prenait de l’ampleur. L’urgence est mauvaise conseillère. Les exemples de décisions improbables et contradictoires pourraient nourrir un épais recueil. La logique sanitaire s’est imposée. Elle a occulté toute autre logique. Des vies ont été sauvées mais combien ont été psychologiquement meurtries. Les citoyens ont été accompagnés à partir de leur numéro de carte vitale et non de leur identité propre. La population s’est retrouvée confinée pendant des semaines sans une vision claire sur le terme de cette injonction. Beaucoup ont été de ce fait isolés avec la préconisation de ne pas voir leurs propres familles. Internet pour certains était le seul lien possible. Mais la fracture numérique, notamment pour les personnes en situation de précarité ou les personnes âgées, a accentué gravement le sentiment d’abandon. Les personnes âgées dans les EHPAD ont été isolées dans leurs chambres, coupées de leurs liens affectifs. Les usagers des établissements pour personnes ayant un handicap ne pouvaient plus retrouver leurs familles. Les enfants de l’Aide sociale ont vu leurs droits de visite supprimés. Les citoyens frappés par la précarité économique n’espéraient plus le soutien des assistants sociaux en arrêt de travail ou en télétravail. Le coronavirus a été combattu mais le virus de l’isolement s’est imposé et a provoqué des blessures qui devront être à l’avenir considérées.

La gestion de la pandémie du COVID-19 rappelle que toute personne est à la fois unique et sociale. Ses besoins sont pluriels et indissociables. Certes la santé est primordiale, mais comprend-t-elle que la santé physique ? Les dimensions psychologique, affective et sociale sont également primordiales. La gestion da pandémie a privilégié le sanitaire au détriment du reste. Mais sur le terrain des quartiers, des EHPAD, des écoles, des services et établissements médico-sociaux, la souffrance de la solitude a été entendue. La proximité a permis que la prise en compte sanitaire n’étouffe pas les autres nécessités vitales de toute personne, âgée, porteuse d’un handicap ou en situation de précarité… L’enjeu primordial se révélait être celui de la fraternité, pas celle qui se décrète d’en haut mais celle qui se construit à travers des rencontres. Et il ne peut y avoir de rencontres que s’il y a proximité. Ainsi l’autre n’est plus autre, mais voisin. Un échange devient possible se traduisant par une nécessaire bienveillance, un altruisme, une capacité d’entre-aide… Des notions qui s’apparentent facilement avec la fraternité, fondement de notre république et de notre ordre.

Le Coronavirus, au-delà de ses dégâts sanitaires, a, en contre-point, réinterrogé notre désir de fraternité. La gouvernance de notre monde ne peut plus se satisfaire d’une logique politique qui agit « pour ». Elle doit penser autrement en affirmant que la société se bâtit avec une conviction que toute politique ne se fonde qu’avec les citoyens. La démocratie ne peut plus être intermittente du spectacle triste de nos élections. Chaque jour le citoyen doit pouvoir participer à la construction de sa cité. Les politiques doivent être à l’écoute de collectifs de citoyens porteurs de l’intérêt général. Ils doivent s’appuyer sur des associations, des coopératives, des syndicats qui portent des valeurs et qui ne sont pas et ne doivent pas être des bras droits de l’administration.

Il n’y aura pas de révolution de l’après COVID-19. Il peut cependant y avoir un petit déclic qui bouge des hommes, des femmes sur le terrain des cités et des campagnes. Ces collectifs qui, à leur mesure, mettent en œuvre un projet de société où à travers l’associatif, le coopératif, le syndicalisme, la fraternité n’est pas un mot vide. Jean-François Serres promoteur de MONALISA (Mobilisation nationale contre l’isolement des âgés) nous invite à repenser les fondamentaux des collectifs dans son dernier écrit intitulé : « La fraternité républicaine doit être la matrice du monde de demain ». Il prône une société qui se construit sur la coopération et non sur la concurrence, qui valorise la logique des statuts et non plus des contrats, qui fonde les rapports humains à partir de relations horizontales et non plus hiérarchiques, et enfin il invite à une participation de tous au pouvoir de quelques-uns. Ces défis peuvent être les nôtres !

La sagesse ancestrale de la civilisation chinoise, quelque peu oubliée par le régime dictatorial actuel, peut-être intéressante pour notre réflexion sur la fraternité à l’aune du Covid-19.  En chinois, l’écriture est celle d’idéogrammes. Ainsi le mot « Crise » s’écrit avec deux caractères, le premier signifie « danger » et le second « opportunité ». La crise sanitaire, de toute évidence, est un danger mais elle est aussi une opportunité pour bouger, notamment pour que la fraternité vécue lors du confinement devienne encore plus virale.

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