Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Quelles limites à la restriction des libertés individuelles et collectives ?

Respectable Loge, La Parfaite Union, Orient de Montauban, Région 17 Sud et Loges d'Espagne

Mots Clefs : Libertés collectivesLibertés individuelles

« Être libre, c’est être citoyen.  C’est pouvoir vivre l’expérience du dialogue, sortir de son espace privé pour aller sur la place publique ». Cette phrase d’un philosophe grec résume bien ce qu’est la liberté.

Dans les pays démocratiques, la liberté individuelle, regroupant la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté d’expression,  » consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui  » comme indiqué dans l’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 ; les libertés collectives, comme le droit de vote, de manifester, le droit de grève et la liberté d’association sont des droits qui garantissent la place de chacun dans la société.  Les citoyens sont eux-mêmes tenus de respecter les lois afin de vivre ensemble dans une société organisée. C’est l’assurance que la liberté, les droits et la sécurité soient garantis pour tous.

Aujourd’hui la crise du coronavirus, et les attentats répétés, perpétrés par des extrémistes dans les pays démocratiques, ont conféré aux gouvernements des pouvoirs sans précédents en temps de paix pour limiter nos libertés individuelles et collectives afin d’assurer notre sécurité : le couvre-feu, le confinement nous enferment et réduisent nos libertés de mouvement, de rassemblement ou de manifestation, le port du masque qui nous bâillonne réduit de façon drastique notre liberté d’échanges.

Pourtant, il devient nécessaire d’assurer notre sécurité au détriment de nos libertés pour combattre ces maux mais jusqu’où et pendant combien de temps ? Plus que jamais l’équilibre entre sécurité et libertés doit être au centre des débats surtout si dans les cas actuels, les libertés ne sont pas suspendues parce qu’elles menacent les pouvoirs mais plutôt les conditions de vie des citoyens. 

S’ajoute les nouvelles technologies qui offrent un champ de contrôles des populations jamais égalé pour répondre à des mesures sécuritaires ou qui permettent aux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) de disposer de nos données personnelles, réduisant ainsi nos libertés.  A des fins commerciales

Il y a donc lieu de s’inquiéter des conséquences à plus long terme des mesures mises en œuvre pour assurer notre sécurité. Certains pays ont déjà détourné les lois censées lutter contre la pandémie au Coronavirus à des fins politiques ; c’est le cas de Hong-Kong où les règles de distanciations sociales ont rendu toute mobilisation politique impossible et où des arrestations politiques ont eu lieu portant atteinte à des libertés et droits civils, c’est aussi le cas de la Hongrie où Viktor Orban s’est octroyé des pouvoirs illimités et s’apprête entre autres à bafouer le droit européen en interdisant l’inscription du changement de sexe des personnes transgenres dans les informations personnelles du registre national hongrois.

En Chine, en Egypte, en Thaïlande, en Iran, on continue d’arrêter ou d’expulser quiconque critique la réponse de ces états au coronavirus.

Mais, si les réactions précédentes qui interviennent dans des pays à la démocratie relative ne nous surprennent pas, des dérives s’observent aussi dans nos démocraties établies : au Texas, l’avortement est devenu un droit non essentiel durant la pandémie, et cette décision a reçu l’aval de trois magistrats de la Cour d’Appel des Etats Unis ; suite aux attentats du 11 novembre 2001, la mise en place de la loi antiterroriste du Patriot Act a octroyé d’énormes pouvoirs aux services de sécurités, dont la détention sans limite et sans inculpation de toute personne soupçonnée de projet terroriste , ou encore des enlèvements extrajudiciaires et de tortures via la création de prisons « Black sites » en Pologne, Roumanie ou Lituanie en violation du droit international. En France, la secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature a déploré récemment le fait que « le gouvernement a choisi la voie dangereuse du régime d’exception au lieu de s’appuyer ou de renforcer les dispositions du code de Santé Publique, donnant lieu à une profusion d’ordonnances, de décrets et d’arrêtés municipaux et préfectoraux qui ont pour beaucoup peu à voir avec l’objectif sanitaire ».  La magistrate s’inquiète de ce que « ces dispositifs aient tendance à se normaliser et à entrer dans le droit commun, alors qu’ils sont attentatoires aux libertés fondamentales ».

Dans l’utilisation des nouvelles technologies pour lutter contre la pandémie, les risques d’atteinte aux libertés apparaissent élevés lorsqu’il s’agit des systèmes informatiques de traçage des individus. Même si ces systèmes ont fait leur preuve dans certains pays asiatiques, le coté très intrusif des systèmes mis en œuvre dans ces pays pose un problème majeur de liberté individuelle. C’est le cas de l’application

« Corona100m » mise en place en Corée du Sud qui, pour imposer des quarantaines très strictes aux malades, combine les données de localisation des smartphones à des enregistrements des transactions par carte de crédit et sont associées au nom de famille, au sexe, à l’âge et au lieu de résidence des individus. On voit mal ce type d’applications se développer en France compte tenu de nos racines culturelles.

Après le « flop » de l’application « stop Covid », la France a lancé une nouvelle version « Tous anti covid » en octobre 2020. Fondée sur le volontariat, chaque utilisateur est libre de l’activer et de la désactiver. Cette application permet à l’utilisateur testé positif COVID 19 de prévenir les personnes qu’il aurait pu contaminer durant sa période de contagiosité. « Outil complémentaire pour lutter contre le Covid 19, plus cette application sera utilisée plus vite les cas contacts seront alertés » indique la communication gouvernementale. Elle compte à ce jour plus de 7 millions de téléchargements, beaucoup moins que les applications britanniques et allemandes qui totalisent chacune plus de 20 millions de téléchargement.  

Pour déployer ce type d’outillage, qui devient efficaces quand 60 % de la population le télécharge, il convient de répondre à 3 questions :

  • Savoir si le système sera efficient et proportionné au regard de l’objectif poursuivi,
  • savoir délimiter les lignes rouges et bannir les outils aux implications trop lourdes pour les libertés individuelles combien même ils seraient efficaces,
  • apporter des garde-fous comme : une utilisation sur la base du volontariat, garantir l’anonymat, sécuriser l’hébergement des données, limiter leur durée de conservation et le nombre d’institutions y ayant accès, et enfin, protéger les données contre les utilisations abusives.

Ce n’est qu’en apportant une réponse à ces questions que l’individu utilisera ces outils en toute confiance.

Toujours avec les nouvelles technologies, les 5 multinationales des GAFAM à la capitalisation boursière cumulée qui avoisine les 4 000 milliards de $ soit 14 fois le budget de l’État français, représentent une menace pour notre liberté de pensée et d’action mais aussi pour notre économie et notre souveraineté technologique, ainsi que pour l’éducation de notre jeunesse.  

En situation potentielle de monopoles, ces entreprises offrent des services, souvent utiles, dont on ne peut se passer, mais sous couvert de nous conseiller, elles nous orientent et guident nos vies, à toutes fins commerciales mais aussi, potentiellement, politiques. La question de la régulation des GAFAM est ainsi posée. De façon plus essentielle, cette régulation est peut-être la condition future de nos libertés individuelles, menacées par l’émergence d’algorithmes guidant nos pas, et de la souveraineté des États, dépassés par une infrastructure technologique les rendant à la fois dépendants et archaïques.

L’union européenne a tenté une réponse à la politique de protection des données avec la RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données), une législation utile mais qui présente le défaut de ne pas suffisamment responsabiliser l’individu. En effet, les utilisateurs, conscients théoriquement de l’importance de protéger leur vie privée ont en réalité un comportement généralement opportuniste et négligeant dans l’utilisation des plateformes informatiques. Le RGPD ne permet pas aux utilisateurs de saisir la richesse des données qu’ils détiennent, et donc, de les inciter à un comportement individuel responsable. Nos données sont une extension de nous-mêmes, nous devons donc disposer des droits associés à leur usage, en toute conscience. Les céder pour l’usage d’un tiers ne peut être réalisé sans que nous y consentions, avec la possibilité éventuelle d’accepter une rémunération en contrepartie.

Nos sociétés démocratiques, à tendance libérale, pourraient être tentées de maintenir les restrictions que nous subissons aujourd’hui. Si l’expertise scientifique est requise pour déterminer la dangerosité du coronavirus, les mesures d’ordre public de type confinement, restriction du commerce et de la liberté de circulation sont politiques et à ce titre intéressent tout le monde, et ce qui concerne tout le monde doit être discuté et approuvé par tout le monde.

La démocratie nécessite donc un débat permanent entre les citoyens et ses dirigeants, ce débat est un rempart contre l’autoritarisme sous toutes ses formes. Ce débat est d’autant plus important que les personnes au pouvoir ne sont plus élues aujourd’hui par la majorité des citoyens.

Il est donc de notre devoir de rappeler que la liberté n’est surtout pas l’exercice privé de sa volonté propre mais bien au contraire le partage de la parole dans la vie publique.

Notre société doit pouvoir se retrouver dans les cafés du coin comme à la chambre des députés, dans les manifs de rue comme dans les salons feutrés de l’Élysée.

Contre les GAFAM ou toute utilisation de nos données personnelles, la solution pourrait résider dans la création de droits nouveaux, réglementés par l’État, qui nous donnent la possibilité de gérer nos propres données. De les donner ou les monétiser en notre nom, de le faire nous-mêmes, de négocier leur mise à disposition limitée dans le temps, la qualité ou le nombre.

A nous d’être vigilants, responsables et de s‘assurer que les restrictions à notre liberté ne perdurent pas quel qu’en soit le motif.

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