Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Pour un vrai droit au travail

Respectable Loge, Freedom of Conscience, Orient de Londres, Région 10 Nord - Pas de calais - Picardie et Loges d'Angleterre

Mots Clefs : EmploiSecteur quaternaireSécurité sociale

Passer de l’idée du revenu d’existence à celle du droit au Travail pour tous.

La question sur l’instauration d’un revenu universel, présente dans certains ouvrages utopiques anciens, a été posée de manière pragmatique il y a au moins 30 ans par certains économistes (y compris libéraux). Elle a depuis fait l’objet de recherches et de propositions, y compris au GODF, et a même été reprise dans le programme d’un des candidats à la dernière élection présidentielle. Le manque de succès de cette idée vient à notre avis moins de son caractère utopique ou irréaliste que de sa négation de la valeur-travail dans nos sociétés développées économiquement. C’est pourquoi nous pensons que l’octroi à chaque citoyen d’un revenu sans aucune contrepartie est à revoir au profit d’un système où la qualité de citoyen donne droit à avoir un travail qui contribue au fonctionnement de la société, qu’il soit rentable économiquement ou pas.

Le revenu d’existence, tel qu’il est imaginé, est supposé donner à chacun les moyens de vivre décemment. Or les différents avatars du système, tels que construits sur des bases économiques afin d’en assurer la faisabilité, ne proposent aux bénéficiaires éventuels que des revenus de subsistance, c’est-à-dire nécessaires à la satisfaction des besoins primaires. C’est dire qu’on est loin d’un revenu permettant de vivre en participant effectivement à la vie de la société, c’est-à-dire en permettant la satisfaction des besoins de socialisation, d’estime de soi et des autres, et d’accomplissement de soi. C’est même un des ressorts du système, puisqu’il suppose que les gens soient débarrassés des soucis de subsistance, mais qu’ils puissent en toute liberté rechercher des activités professionnelles plus rémunératrices, plus valorisantes ou plus intéressantes, qui, elles, permettront la satisfaction des besoins d’ordre supérieur. Cependant, ce présupposé trouve sa limite dans les besoins réels de l’économie, où nombre d’emplois, par ailleurs nécessaires, sont jugés peu gratifiants. Pour ce qui est des emplois vraiment attractifs, il est à craindre que leur offre limitée face à une demande forte de la part des candidats ne crée des goulots d’étranglement, voire des courses à la baisse des rémunérations. Enfin, nous dirons que le système du revenu d’existence existe déjà partiellement sous la forme des allocations de chômage et des revenus type RSA d’une part, et des différentes allocations et prestations accordée aux plus fragiles telles primes de rentrée scolaire ou de Noël, ou encore la CMU. Or, il ne semble pas que ce système ait participé à une amélioration réelle des conditions de vie des bénéficiaires (en dehors d’une satisfaction minimale des besoins primaires), ni du fonctionnement de l’économie marchande ou même des administrations locales ou nationales. On voit bien enfin que les seules choses qui influent favorablement sur les chiffres du chômage sont la reprise économique et la hausse concomitante des salaires.

Réflexions sur le sujet.

C’est pour toutes ces raisons (entre autres) que nous préférons l’idée, au moins également utopique, de la notion d’emploi universel. Le principe est le suivant : la citoyenneté donne le droit à chacun d’avoir un travail correspondant à ses capacités, à ses compétences et à ses aspirations si possibles. En effet, le travail n’est pas seulement pour l’homme le moyen de se procurer le nécessaire à sa subsistance ; c’est aussi le principal intégrateur social. C’est la perspective d’avoir un métier qui donne une motivation à se former ; c’est l’intégration dans une organisation qui permet la prise d’indépendance et la fondation d’une famille; c’est l’évolution dans le métier qui donne une véritable identité sociale et permet la participation à la vie de la cité en termes de consommation, mais aussi en termes de participation aux loisirs, à la vie associative, aux sports, à la culture, etc. Dans la mentalité générale, en effet, le travail est la condition psychologique essentielle de cette participation. Le premier obstacle est, bien sûr, l’existence d’un certain niveau de chômage, réductible en cas d’économie florissante, mais relativement impossible à faire disparaître malgré l’adaptation des entreprises et le phénomène de destruction créatrice, et le second obstacle réside actuellement dans l’écart existant entre les emplois disponibles et nécessaires pour le fonctionnement économique et les capacités, compétences et les aspirations des travailleurs. Pourquoi donc se priver d’une réflexion sur la faisabilité d’un tel système ? En effet, comme pour l’idée de revenu d’existence, des gisements d’emplois et leur financement existent déjà, au moins partiellement.

Propositions : Le secteur quaternaire et la Sécurité sociale de l’emploi.

Nous proposons deux axes de réflexion : la création d’un secteur quaternaire de l’économie et celle de la sécurité sociale de l’emploi. A l’heure actuelle, des initiatives sont menées, souvent en ordre dispersé et dans l’improvisation et le manque de moyens, mais qui illustrent bien ce que peut être le secteur quaternaire : ici, une municipalité crée un emploi d’épicière communale, et garde ainsi son épicerie-bistrot qui était sur le point de disparaître faute de rentabilité. Là, on rémunère des habitants d’un quartier pour qu’ils réalisent eux-mêmes la réhabilitation des logements ; ailleurs, une association fait vivre une ancienne ligne de chemin de fer en lui donnant une vocation touristique, et, bien entendu, il y a tous les exemples d’associations intermédiaires ou de travail social plus ou moins bénévoles…Toutes ces activités gagneraient à être développées, structurées, voire généralisées, mais il faudrait pour cela qu’elles soient répertoriées. C’est l’objet de cette idée du secteur quaternaire, qui regrouperait toutes les activités non rentables du point de vue de l’économie marchande, mais présentant un intérêt social à la fois sur le plan de la socialisation de leurs auteurs, et sur le plan du service rendu à la société. Il peut inclure des activités libres, choisies, correspondant à des motivations existantes dans la société, mais faiblement développées à cause du manque de disponibilité des personnes ou à cause de leur coût élevé. On y trouvera des activités manuelles (artisanales ou artistiques), relationnelles (sociales ou pédagogiques), intellectuelles (culturelles ou scientifiques), sportives (enseignement ou encadrement), civiques (participation à la vie publique et politique) et de services aux collectivités ou aux particuliers (écologie, personnes âgées, etc.). On peut y ajouter les besoins de main d’œuvre générés par des politiques ponctuelles de grands travaux, ou pérennes pour une maintenance des infrastructures. Ce secteur a donc vocation de répertorier et d’organiser comme gisement d’emploi les activités non mécanisables, correspondant à des besoins sociaux actuellement laissés en friche, et non rentables selon les critères marchands. On peut parler là d’une rentabilité citoyenne.

Si l’on fait le compte exact des aides sociales de toutes sortes et des coûts directs et indirects du chômage, on s’apercevra certainement que les disponibilités sont suffisantes pour financer de tels emplois ; c’est, je crois, un candidat à la présidence de la République qui disait dans sa campagne que le coût d’un chômeur était de 120 000F annuels (à l’époque, on parlait en francs), et que cette somme était sans doute suffisante pour créer un emploi. Je crois même me rappeler que ce candidat a gagné… De plus, ces emplois ne seraient pas exempts du paiement des cotisations sociales, ni de celui des impôts directs, à la différence des bénéficiaires d’indemnités de chômage ou du RSA. De plus, s’il est vrai que le secteur quaternaire est celui des emplois non rentables économiquement, cela ne veut pas dire que leurs produits ou services seraient gratuits ! Notre épicière communale de tout à l’heure ne donne pas ses marchandises, elle fait même une marge en les vendant ! Simplement, cette marge est insuffisante à elle seule à financer son activité et son salaire, mais elle participe à son financement. De même, si une activité artisanale est maintenue alors que sa faible rentabilité la condamnerait à disparaître du secteur secondaire, ses produits rapporteraient quand même de l’argent, et les « subventions » ne représenteraient alors que l’appoint nécessaire à la rémunération des travailleurs, ce qui coûterait bien moins cher que de les mettre au chômage.

Enfin, le système nécessiterait une organisation de coordination, que nous pourrions appeler la Sécurité Sociale de l’Emploi, qui serait la même chose que l’assurance chômage, plus le droit de se voir proposer un emploi correspondant à ses capacités. Ce nouveau droit se développerait corrélativement au développement du secteur quaternaire, qui seul pourrait générer l’émergence d’emplois disponibles en nombre suffisant. Bien entendu, il ne s’agit pas de « mettre les chômeurs au travail » de façon autoritaire, comme le disent quelquefois les « grands Y’a qu’à » du café du commerce, mais de créer des fonctions nouvelles : orienter et proposer un placement aux travailleurs, de façon définitive ou transitoire, et organiser les formations nécessaires pour que les travailleurs intéressés accèdent aux compétences requises.

Comment faire fonctionner une telle institution ? Bien sûr, la mise en œuvre de ce système est du ressort de l’Etat et des collectivités locales. Si Pôle Emploi est capable de gérer une population de 7 ou 8 millions de sans-emploi face à un marché de l’emploi complètement déprimé, elle pourrait, au cas où des emplois quaternaires se développeraient en nombre suffisant, jouer sans difficulté un rôle d’orientation et de coordination. Ce que nous n’avons pas encore, c’est un Etat qui prend en charge de façon volontariste non plus le chômage, mais la création d’emplois, et qui pilote et coordonne l’action des structures existantes, après les avoir réformées et réaffectées. La sécurité sociale du travail est possible, mais c’est l’Etat central et ses prolongements décentralisés les collectivités locales qui doivent en bâtir les structures.

La création d’un véritable droit au travail dans notre société développée est souhaitable et possible, bien qu’encore utopique. Souhaitable parce que seul le travail rémunéré permet à l’homme de se sentir autonome, et parce que seul le travail de l’homme contribue au bon fonctionnement de la société. Elle est possible parce que les gisements d’emploi existent dans un secteur quaternaire de l’économie, et parce que nos états modernes disposent des ressources financières et organisationnelles nécessaires, même si elles sont à adapter à leur nouvelle mission.

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