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Livre blanc

Le travail est-il devenu une marchandise comme les autres ? Comment le travail est-il rétribué, en fonction de quelle utilité, dans quel but ? Comment faire l’adéquation entre utilité du travail effectif et sa rémunération ?

Respectable Loge, Le Réveil Maçonnique, Orient de Libourne, Région 16 Sud-Ouest

Mots Clefs : Marchandisation

Le travail est-il devenu une marchandise comme les autres ?

De tout temps, il y a toujours eu une différentiation entre le travailleur, protagoniste, et la production de son travail, la marchandise ou le service. Mais dans tous les cas, une valeur marchande dont la valeur provenait à la fois de la matière et du travail de la matière, qu’elle fut matérielle et physique (tissu, métaux, biens agricoles, …) ou immatérielle (services).

Les métiers étaient constitués autour de castes, d’Ateliers, de Loges, elles-mêmes gérées de l’intérieur sur le principe de l’apprentissage entre un maitre et un apprenti. Cet apprentissage était basé sur la relation entre l’apprenant et l’élève, mais surtout dans le temps pour franchir les étapes de l’apprentissage avant de devenir un maître dans son art. Il reste des traces fortes de cette méthodologie au sein des Compagnons du Tour de France, et cela reste fortement ancré dans la culture allemande par exemple. Nous en trouvons des traces symboliques très importantes au sein de notre méthode initiatique.

 

Constat

La mondialisation a eu comme conséquence de mettre sur le même niveau de valeur la matière et celui qui la traite, le travailleur. Sous la poussée inflationniste et néolibérale des années 1980 (il fallait « exporter » notre inflation), ainsi que par l’accélération des échanges commerciaux maritimes d’après-guerre, il est apparu une forme de concurrence sur le travail entre différentes zones géographiques dans laquelle le produit fini pouvait avoir une valeur inférieure à la matière si elle devait être usinée chez nous. Quitte à faire travailler des enfants dans certains secteurs d’activité dans les pays dits « émergents ». Le travail n’était considéré que comme une variable « faible » du prix et disparaissait derrière la valeur marchande du produit.

 

Contexte

De la même façon, cette notion de valeur interne du prix du produit et/ou du service est arrivée dans les pays occidentaux jusqu’à ne faire des travailleurs qu’une matière, un paramètre de la valeur du produit. Cette méthode de pensée économique a poussé hors des champs initiaux la notion de travail et de contrat de travail, qui eux aussi devaient devenir des paramètres du prix.

Ainsi, on a vu apparaître des usines clés en main avec le personnel associé aux murs et aux outils. On a vu aussi les contrats de travail évoluer vers des extrêmes qui n’existaient même pas aux prémices des grandes grèves de reconnaissances de la valeur de travail par les premiers syndicats. Par exemple, les contrats dit « 0 » heures en Angleterre ou aucune durée de travail n’est inscrite dans le contrat mais dans lequel le travailleur ne peut pas travailler pour une autre entreprise : une nouvelle forme d’esclavagisme.

On peut par ailleurs se poser la question du traitement des athlètes professionnels, les agences de mannequins voire même des agences d’interim où l’on traite des êtres humains comme du bétail : performance, durée de vie professionnelle restante, valeur amortie.

Comment le travail est-il rétribué, en fonction de quelle utilité, dans quel but ?

Etat des réflexions déjà produites

Il y a pléthore de formes de rémunérations. Salaires (payé en sel aux soldats romains à l’origine), honoraires (payés à l’origine au magistrat romain pour reconnaitre l’honneur qu’on lui faisait et aujourd’hui aux professions régies par un code d’honneur), libéralités (dons généreux faits de façon « libre »), …

La question à se poser est la valeur de la rémunération perçue en fonction de l’utilité du travail qui est fourni. Par exemple : est-il justifiable de payer un dirigeant d’une société jusqu’à 1 000 fois plus que le salarié de base de la société qu’il dirige ?

Un autre exemple : est-il normal de payer au minimum de ce que la loi exige un éboueur alors que sans son travail, c’est l’hygiène et la santé publique de toute une ville qui est en jeu. Ils nous évitent les proliférations de toutes sortes de nuisibles qui peuvent conduire à des épidémies dramatiques. Il n’y a pas de ramassage d’ordure cohérents en Guyane avec pour conséquence d’avoir un territoire français sous menace régulière du choléra.

A l’opposé, un médecin va avoir des revenus de l’ordre de 10 à 20 fois celui d’un éboueur. L’un nous évite des épidémies en permanence (donc de masse) alors que l’autre ne traite que les cas particuliers la majeure partie de sa vie.

 

État de l’art

Dans la situation actuelle, cette dérive de valeur de la notion de travail a conduit notre pays à importer la main d’œuvre de corps de métiers entiers pour faire face à la pénurie de vocations générée par notre système éducatif : celui-ci se base sur la valeur des diplômes plus que sur leur utilité. Plusieurs d’entre nous sur les colonnes sont les fruits de cette politique, fils de maçons italiens espagnols, algériens, portugais pour ne citer que cette branche professionnelle qui a été le terreau le plus important de main d’œuvre des 30 glorieuses.

Comment faire l’adéquation entre utilité du travail effectif et sa rémunération ?

Propositions concrètes

Le travail, sous toutes ses formes, doit retrouver ses notions d’honneur et de dignité. A l’image des anciennes guildes de professions. Il faut donc, en urgence, réhabiliter au sein de l’éducation les formations dites « non intellectuelles ». Remettre en concordance les formations des mathématiques et de la physique aux applications de tous les jours. Ce type de programme existe déjà : « Gunter Pauli », via ses « Fables de Gunter » alimente le système éducatif colombien mais aussi … chinois avec ce principe de formation pluridisciplinaire.

Au sein de la maçonnerie spéculative, la qualité du travail sur la pierre ne s’oppose pas à la beauté, la géométrie, la perspective pour enfin mériter son salaire et ses augmentations.

Propositions constructives

Le travail donne un sens à la vie. Mais encore faut-il lui adjoindre une reconnaissance effective. Celle-ci doit s’exprimer dans le montant de la rémunération perçue. A une époque encore proche de nous, celle de nos parents par exemple, il était très honorable d’être maçon, plombier, électricien. Dans d’autres pays qui n’ont pas suivi l’idéologie éducative française du « tout diplôme », il n’y a aucune honte à dire que l’on est éboueur ou équarisseur. Les hautes fonctions n’ont rien de plus nobles que le travail de la base.

Propositions disruptives

L’option du maximum de reçus au baccalauréat n’a fait que générer des générations de diplômés sans compétences métier et une discréditation du travail manuel. Peut-être faudrait-il revenir à la notion de diplôme préparant des élites pour les grandes écoles. Ces grandes écoles auraient l’obligation de faire suivre régulièrement des stages en entreprises en commençant systématiquement au bas de l’échelle afin d’intégrer toutes les complexités et contraintes de la vie professionnelle à tous les niveaux. Ceci afin de revaloriser les tâches de base fondamentales.

Proposition ou idée à mettre en exergue

Le travail est devenu une marchandise comme les autres et cela ressemble à une volonté économique mais aussi politique. Cela ne semble pas répondre pas aux aspirations des travailleurs qui semblent souhaiter avoir un travail qui leur plait avec une reconnaissance appropriée, pas seulement en termes de revenus mais aussi de considération.

C’est un changement philosophique majeur dans lequel nous devrons accepter que le travail de nos enfants soit peut-être moins intellectuel que celui de leurs parents.

C’est un changement psychologique dans lequel les parents devront aussi arrêter de se projeter dans leurs enfants et leur laisser le choix de prendre leurs orientations professionnelles. C’est un changement de société où il faudra peut-être accepter une forme de décroissance économique pour aller vers une sobriété heureuse.

Ainsi en va-t-il en Loge. Le travail maçonnique est primordial tant pour la construction personnelle que pour l’édifice tout entier de la Loge : le salaire doit être reçu par tous. Le but de cette rétribution symbolique permet l’élévation personnelle des individus et la construction de l’édifice, le Temple, de l’accès à la perfection que nous tentons d’atteindre. Et comme le propose Pierre Rahbi, de cheminer dans la joie et dans la sobriété.

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