Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

COVID : Appel à vigilance démocratique pendant et après !

Respectable Loge, Le Coeur et L'Esprit, Orient de Voiron, Région 6 Est et Loges de Suisse

Mots Clefs : DémocratieInitiationLibertésTyrannieVigilance

Constats : la pandémie s’installe

Lors de la première saison du Confinement, chacun a voulu croire qu’il y aurait un après, et que cet après serait caractérisé par une mise sous contrôle de la pandémie et un retour à la vie « normale ». Depuis nous avons appris que vivre déconfinés ne signifie malheureusement pas vivre sans COVID. Il convient donc de lever une confusion : penser l’après-COVID ne nous projettera probablement pas dans un monde débarrassé du virus. Nous devons apprendre à vivre avec lui, sous sa menace réelle, supposée, fantasmée, et s’il doit disparaître nous garderons la mémoire d’une épreuve qui mérite d’être réfléchie.

Une crise aussi totale demande de mobiliser une intelligence très incertaine, prospective autant qu’imaginative, située à l’intersection du sanitaire, du politique, du sociologique, du philosophique et de l’économique. Quoi qu’il en soit, cette intelligence exige de s’affranchir des diktats de la bien-pensance.

Perspectives : incertitude et coercition

Pour ce qui concerne la France, on voit qu’un troisième pouvoir (après le politique et l’économique) a gagné durant la crise une place opérationnelle centrale, place qu’il conservera presque certainement sur le plan institutionnel : le pouvoir sanitaire, déclinaison du pouvoir scientifique associé à la décision politique. Les lecteurs de Max Weber, auteur du célèbre ouvrage Le Savant et le Politique, sauront qu’une telle alliance ne va pas de soi : politique et science n’obéissent pas aux mêmes temporalités, aux mêmes impératifs éthiques, aux mêmes contraintes et modalités d’action. Ce pouvoir sanitaire, qui hier s’estimait négligé, regagne ses lettres de noblesse, non seulement au regard de l’émotion collective qui s’est exprimée chaque soir aux balcons durant la saison 1 du confinement, mais aussi au regard froid et structurant de l’État.

Le déconfinement n’a cependant pas marqué la fin de l’incertitude. Celle-ci prospère partout. On peut en effet redouter que…

  • tant que le virus ne sera pas éradiqué,
  • tant que notre capacité à guérir de sa maladie ne sera pas acquise grâce à un remède ou un vaccin,
  • tant que nous ne déciderons pas de nous exposer à une mort possible pour ne pas lui céder nos libertés,

…nous devrons obéir alternativement aux règles de confinement et de déconfinement, ou au moins aux restrictions des libertés et des usages relationnels (gestes barrière) et à leur assouplissement. La saison 2 du confinement, démarrée début novembre 2020, indique que la pandémie se chronicise, et avec elle les mesures coercitives prises au plus haut sommet de l’Etat.

L’État d’urgence = état chronique ?

Indépendamment de la légitimité des motifs, dont il ne convient pas de discuter ici, l’unanimisme relatif qui s’exprime (en dépit de quelques tribunes faiblement relayées par la presse) a de quoi inquiéter les esprits démocratiques.

Un malheur n’arrive en effet jamais seul : à la suite de la pandémie et des mesures prises pour la contrer, nous pourrions nous trouver confrontés à un autre désastre nous faisant chroniquement glisser vers un despotisme occidental concurrent du modèle chinois qui nous a précédé dans la « coronavie ». La chronicité des désastres et l’intensification de l’invivabilité de la vie quotidienne sont de nature à banaliser l’état d’exception, faisant, comme l’explique le philosophe Giorgio Agamben (2003), de l’application de mesures sécuritaires et liberticides une condition normale d’existence. On voit bien les menaces qui pèsent sur la démocratie et quel usage font les gouvernements des chocs qu’ils administrent : l’urgence autorise à passer outre les délibérations démocratiques, dans un climat confus de terreur diffuse.

Ce qui semble au départ provisoire s’installe alors durablement. Rien n’assure en effet que les restrictions apportées à l’existence et les contraintes politico-sanitaires parviendront à se déverrouiller complètement. Elles se sont introduites dans la sphère de la sociabilité courante, chaque individu étant sommé de ne plus s’approcher de son prochain. La distanciation sociale devient le catéchisme de la bonne conduite. Sont touchés par les « gestes barrière » les échanges intra-familiaux et amicaux, même les relations intimes. Rien n’est laissé indemne, partout se diffuse la méfiance envers autrui face au risque de contamination. Nous avons fait un pas de plus vers l’atomisation du social, la numérisation de l’existence et la destruction de l’action collective, non par sa répression a posteriori mais en empêchant son origine : le rapprochement.

Aucun réseau social numérique ne remplacera les propriétés de la rencontre sensible. La société de contrôle tisse cependant sa toile, outillée de technologies informatiques, cette fois avec la santé pour prétexte. On pourrait même parler de terreur sanitaire. Va-t-on basculer dans un monde au sein duquel boire l’apéritif avec des amis pourrait devenir une action clandestine ?

On dirait même, ces dernières semaines, que nos faiblesses exposées au grand jour attirent les fanatiques de la destruction qui ajoutent sciemment la peur à la peur, obligeant nos sociétés à renier toujours davantage leur art de vivre en se repliant sur elles-mêmes. Eux n’ont pas peur de la mort.

Mobiliser notre vigilance

Par peur de mourir, nous laisserons-nous embarquer vers un avenir ou la valeur de la vie sera réduite à sa gestion comptable et son suivi statistique par les technocraties en place ? Une telle vie, dépourvue de son intensité relationnelle et de ses contenus existentiels dans un monde où la liberté de mouvement et de rencontres sera devenue un souvenir, méritera-t-elle encore d’être vécue ? La civilisation du gouvernement par l’anxiété et de la gestion des vivants comme s’ils étaient des choses réduira l’humanité, sa conscience du monde. Elle confinera les esprits et amputera les existences. Il est probable que cette époque soit initiatique car toute initiation est une confrontation symbolique à la mort. Que ferons-nous pour nous élever plutôt que pour nous affaiblir ? Peut-être vivons-nous un glissement vers une période post-démocratique, aussi devons-nous être vigilants. Il se pourrait qu’au plan politique, insidieusement s’amorce une tyrannie qui anéantira nos libertés et notre vigueur psychique pour une version du bien fort discutable. En tant que francs-maçons, il nous faut en discuter sans tarder.

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