Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Rapport de moi à moi, moi à l’autre. Confinement, besoin du contact, temps

Respectable Loge, Locarno Fraternité, Orient de Paris, Région 13 Paris 3

Mots Clefs : ContactTemps

Toute société humaine est productrice de normes pour assurer une cohésion entre ses membres. Mais, il est à noter que des changements plus ou moins brusques et rapides sont le corollaire de notre adaptation au monde, voire de notre « survie ». Dès lors, vont s’élaborer des stratégies d’acteurs qui ont des intérêts communs ou qui vont défendre des intérêts spécifiques et créer des alliances (ex : mouvements des Gilets Jaunes, mouvements sociaux/manifestations, etc.). Ces prises de risques, nécessaires à l’invention des règles de demain par la prise en compte des différents points de vue, vont créer des ruptures et affirmer une capacité à imposer (tout ou partie) des décisions au pouvoir en place (ex : réforme des retraites ajournée). La défense et la prise en compte de valeurs des parties prenantes actives vont questionner les normes établies et permettre ainsi d’enrayer une potentielle dérive totalitaire (« risque normatif, monochromie éthique et fragilité analytique »). En effet, un refus du pluralisme et du courage intellectuel pourrait engendrer une sclérose des institutions et un affaiblissement de la démocratie. Il est alors nécessaire de garder à l’esprit quels sont les enjeux de pouvoir et de savoir qui sous-tendent les systèmes de normalisation et de contrôle social en place. De la même manière, L’individu, qu’il se réfère à un groupe ou non, est porteur de valeurs et peut entrer en résistance dès lors qu’une situation lui apparait comme restreignant sa liberté de penser ou d’agir. Différentes actions contrecarrent alors l’acceptation et la soumission à une idéologie dominante. En découlent des actes individuels, territoires propres à chacun, qui permettent, par exemple, une « sauvegarde » relationnelle. Ils sont formalisés par les espaces interstitiels en entreprise (pause-café, discussions informelles avec des collègues) ou encore par des actes de résistance aux injonctions (notamment pendant la période COVID : dépassement du temps et du périmètre imposés ; rencontres entre amis etc.) qui nécessiterait qu’on sache prenne son temps.

Pourquoi et comment prendre son temps ? Citons Théophile Gautier

« Tandis qu’à leurs œuvres perverses, les hommes courent haletants » Mars qui rie malgré les averses, prépare en secret le printemps ». Et si en plein confinement Covid le 16 mars 2020 c’était cela qui s’était produit ?  La nature qui se rappelle à nous et prépare, sous l’averse, le printemps ? L’hybris de l’homme mise à nue par un minuscule virus. Et nous incite à regarder en face les vraies peurs, les vraies souffrances mais aussi les vraies beautés, les vrais bonheurs du monde. Ce qui me frappe dans nos vies modernes, c’est l’accélération. L’accélération du temps, nous n’avons pas, nous n’avons plus le temps. C’est comme si nous avions fait nôtre la relativité d’Einstein dans notre quotidien. Nous ne vivons plus au rythme des saisons, et d’ailleurs, le temps quand on y prête attention est déréglée nous dit-on. Dans les entreprises, il faut vivre « agile » : s’adapter en permanence à ce qui est inattendu, rapidité, performance, course face aux ordinateurs et aux nouvelles technologies, hier les ordinateurs portables, la robotisation, aujourd’hui l’Intelligence Artificielle. Dans nos vies personnelles, il faut vite prendre des congés, vite faire ses courses, vite… Faire vite. Et regarder court terme. Sans planifier. La Terre tourne à 108 000 km/h et nous ne le sentons pas. Et puis soudain, la Covid 19. Tout s’arrête. Chronos fait une pause dans sa course et notre condition humaine, mortels nous sommes, nous saute au visage, nous prend à la gorge. Notre vie insouciante s’arrête. Confiné, l’autre disparait. Il est une menace, alors on vit derrière un masque, un mur, un écran et c’est la défiance. Pour certains, un avant-goût des vacances à la campagne, dans une maison avec jardin et une vie dans le monde physique réel retrouvée.

Pour beaucoup, une prison dans un petit appartement avec des sorties autorisées pour quelques courses, avec une vie par procuration digitale. Et soudain, pour tous, le sentiment que nous redevenons humain avec le temps de réfléchir, le temps de vivre, le temps d’aimer.

Pourquoi courir ? Nous ne sommes pas des machines, quelle est donc cette alinéation collective ?

Et ce sentiment que nous sommes à un moment clé, le Kairos. Tout peut changer, tout peut rester pareil. Que choisirons nous ? A la fin d’une vie, les infirmières, que l’on a tant applaudi dans leur combat contre la maladie, nous disent que peu de gens regrettent une promotion, une carrière ou des achats. Beaucoup regrettent le temps perdu :  celui qu’ils n’ont pas passé avec leur proche, leur famille, leurs amis. A la recherche de quoi sommes-nous ? Du temps perdu souvent. Alors comment retrouver ce temps ? Comment garder du temps pour s’occuper de ce qui compte vraiment ?

Ce qui fait que l’on tient à la vie, ce fil ténu et indéfinissable, ce n’est pas que la santé du corps. C’est bien souvent la santé de l’esprit. « Mens sana in corpore sano » Et surtout la motivation, la raison de vivre, cette motivation que l’on peut appeler l’instinct de survie. On peut mourir de chagrin. De solitude. Une belle vie est bien souvent une vie remplie de rire et joies avec les autres, serrements de main, sourires complices, rire. L’essentiel est invisible pour les yeux. Du temps pour nos enfants ? 2 mois de confinement ont montré que nous passons peu de temps à les éduquer, à leur donner les vraies saveurs de la vie. Comment garder du temps pour nos ainés ? Les EPHAD ont remplacé les hospices depuis que les femmes travaillent et ne peuvent plus soutenir les anciens dans les familles comme ce fut le cas traditionnellement. Ce lien intergénérationnel, comment le retrouver, le restaurer dans nos sociétés individualistes ? L’alternative est-elle « confinée sans voir ses proches » ou « mourir de la covid » ? Comment garder du temps pour soi ? Ce qui est vraiment important pour soi ? Dans la liste de nos envies/ en vie ? Qu’est ce qui fait une vie d’honnête homme, d’honnête femme ? Il faut cultiver son jardin nous dit Candide. Et s’il avait raison ? Comment retrouver le temps de vivre, le temps d’aimer ?

Quelques propositions

Du temps pour la société :

Elaborer un vrai projet de société et réhabiliter le long terme, en France et dans l’Union Européenne. Quelle société pour demain ? Et donc quels métiers possibles ? Et exposer à tous ce projet de société équilibré entre économie et social/sociétal. A l’ère de l’anthropocène, proposer un projet ou l’homme et la nature vivent en harmonie Proposer à chacun la possibilité d’avoir 2 métiers : une première partie de carrière en économie, la seconde en social pour un équilibre. Ou encore 4 jours sur un métier majeur et 1 journée par semaine en service civique (croix rouge, pompiers etc…) Service civique, actions humanitaires, soutien aux personnes vulnérables, malades, handicapés, âgés, enfants. Chacun pourrait choisir dans sa vie une cause ou 2 à soutenir, avec une obligation à la fin des études de 6 mois, puis une sorte de service civique tous les 5 ans 4 weeks ends par an… Des services régaliens qui fonctionnent : des médecins qui ne sont pas absents tous en même temps dans un cabinet ou au mois d’aout, une police qui répond pour secourir sans délai, réhabiliter la notion de bien commun, de projet commun, de services publics.

Du temps pour la famille :

Congés rémunérés pour s’occuper des enfants pendant 1 ans, alternativement la Mère et le Père ; congés rémunérés pour s’occuper des ainés y compris en EPHAD, Donner des cours sur comment s’occuper d’un enfant, d’une personne âgée, organiser des vies ma vie pour mieux comprendre et s’occuper de l’autre : un savoir faire humain qui se perd.

Du temps pour soi :

Proposer des cours sur le cycle de vie de l’Homme, se soigner le corps, l’âme, le cœur

Réhabiliter la spiritualité, sans parler religion : contemplation, immersion en nature

Réhabiliter le voyage comme grande formation initiatique pour tout adolescent en fin d’étude et promouvoir plus que jamais Erasmus ou des dispositifs similaires

Travailler sa connaissance de soi, du monde et proposer largement cours de philosophie, d’histoire, de musique, de peinture, de sculpture…

Equilibrer temps digitaux et temps nature

Et comme Candide, continuer à cultiver son jardin… Un programme bien maçonnique en somme.

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