Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Reterritorialiser les activités économiques pour inventer une mondialisation post covid.

Respectable Loge, Triple Union, Orient de Dinan, Région 9 Ouest

Mots Clefs : Territoires

Les trois visages de la mondialisation ou la quête permanente du profit.

L’Histoire de la mondialisation depuis le 19ème siècle peut se résumer en trois visages : l’Économie internationale, l’Économie mondiale et enfin l’Économie globale. Ces trois visages sont les témoins d’un renoncement progressif aux principes fondateurs du commerce international, d’une fascination croissante pour l’accumulation effrénée du capital et l’argent facile.

Tout d’abord, le commerce international. Il se développe, comme son nom l’indique, entre des nations qui se constituent et dont l’apogée est le 19ème siècle. Ce premier visage de la mondialisation est sympathique, presque naïf puisque l’idée de base du commerce international est que les échanges doivent profiter à tous et que les exportations serviront à payer les importations. On comprend déjà que les premiers pays industrialisés profiteront davantage de ce système mais la conception du libéralisme de l’époque est pacifiste.

Cette époque prend fin avec la première guerre mondiale. L’entre-deux guerres est une période de doute et de transition entre deux systèmes. Le second visage : l’Économie mondiale, se développe après la seconde guerre mondiale. Dès la fin des années cinquante, la reconstruction européenne achevée, le commerce international se développe encore mais on observe surtout un essor sans précédent des délocalisations de firmes, de banques et des transferts de technologies qui contribuent à créer un nouveau capitalisme mondialisé dont les leaders sont américains. Les firmes multinationales sont les acteurs privilégiés de cette économie. En délocalisant dans de nombreux pays plus pauvres, on peut diffuser le capitalisme et jouer sur les différences de développement entre les pays pour augmenter la rentabilité des investissements. Cette économie mondiale n’a rien de planétaire et est focalisée sur l’Amérique du nord, l’Union Européenne et l’Asie du sud-est. Cette expansion fordiste continue porte déjà les limites écologiques, consuméristes et capitalistes d’un monde qui s’emballe mais conserve un intérêt car ce copier /coller de firmes entre pays participent tout de même au développement des pays d’accueil.

Les deux chocs pétroliers vont remettre en cause cette organisation pour faire place au troisième visage de la mondialisation : l’Économie globale, beaucoup plus court-termiste et avide de rentabilité immédiate.

La crise du Covid marque t’elle la fin d’une globalisation libérale dévastatrice ?

Avec la globalisation, nous sommes entrés dans une époque de course à la performance et aux dividendes pour des actionnaires et/ou fonds de pension complètement déconnectés de la réalité des firmes et des pays d’origine.

Grâce ou plutôt à cause du développement technologique, d’internet, de l’augmentation de la vitesse de circulation des informations et de la réduction des coûts de transport, les sociétés transnationales utilisent le globe comme un Monopoli géant.

Les avantages comparatifs chers à l’économiste anglais Ricardo sont dépassés dans un monde ou tout, même le pire, devient possible.

Dans cette logique, ces firmes transnationales vont éclater les processus de production. Il faudra par exemple mobiliser 40 pays pour fabriquer une voiture car chaque catégorie de pièces sera produite dans le pays ou cela revient le moins cher, où les droits sociaux et environnementaux sont les plus laxistes et où on pourra éviter la case impôt.

Dans ce contexte, la finance se globalise, le temps s’accélère et les Etats nations, héritage nostalgique de l’époque du commerce international, en sont réduits à supplier les firmes globales de bien vouloir rester sur leurs territoires.

Des lors, la recherche d’une performance globale pousse chaque filiale à étrangler des sous-traitants pour une dixième de point gagné. Si la pandémie du COVID devait coïncider avec la fin de cette mondialisation, alors il est encore possible d’imaginer un capitalisme plus humain et plus écologique, même à un niveau mondial.

Reterritorialiser les activités industrielles pour réussir enfin un développement régionalisé.

Une solution serait peut-être d’encourager les reterritorialisations d’activités industrielles pour recréer un développement économique plus proche, plus écologique et plus humain. L’exemple de Kusmi tea, leader français du thé de haut de gamme est assez révélateur du potentiel de cette démarche.

En 2003, cette entreprise française produit 100 % de sa production en France et est au bord du dépôt de bilan quand elle rachetée par la société familiale Orientis.

Celle-ci décide de délocaliser la production de boites de thé en fer vers la Chine pour une raison de coût et la production des sachets de thé en mousseline vers le Maroc. Cette période ne va durer que quelques années car une économie globalisée est aussi beaucoup plus incertaine. La montée des printemps arabes préoccupe l’entreprise et l’instabilité des approvisionnements chinois inquiètent l’industriel français qui décide finalement de relocaliser l’ensemble de de sa production vers le Havre ; pour quelles raisons ?

Même si cette relocalisation se traduit par une robotisation croissante des chaines de production, celle-ci permet à Kusmi Tea d’être plus proche de ses clients, notamment les millenials  ( 16 millions en France) qui attachent une grande importance à l’empreinte carbone des produits qu’ils consomment et suivent la RSE des entreprises.

Par ailleurs, en produisant en France, cette entreprise peut faire des petites séries et être plus réactive.

La société Kusmi Tea ne subit plus les éventuelles instabilités politiques des pays où elle est implantée.

Enfin, elle participe au développement local par des emplois directs et indirects.

Cet exemple ne concerne pas un produit stratégique comme un médicament où des masques mais peut être dupliqué. Il ne s’agit pas de tout relocaliser mais de réfléchir sur notre action en tant que « consom’acteur » pour encourager la consommation régionale (européenne) et ainsi créer une nouvelle économie mondiale.

Ce mouvement de reterritorialisation n’est pas un repli sur soi mais au contraire une augmentation des convergences entre pays d’une région comme l’Europe. Nous devons apprendre à développer nos complémentarités industrielles entre pays de l’Union européenne. Cela permet de conserver les emplois, d’être moins sensible à des ruptures d’approvisionnement liées à des futures crises sanitaires ou autre et de construire un projet commun.

Par ailleurs, en consommant local/régional, on intègre l’enjeu environnemental et on ne cautionne plus l’exploitation de travailleurs pauvres vivant à 10 000 km.

Face à une économie globalisée qui éclate les processus de production dans de nombreux pays dans une course effrénée à la rentabilité immédiate et dont la crise du COVID n’est qu’une conséquence, la reterritorialisation d’activités industrielles en Europe dessine une nouvelle mondialisation plus  proche, plus humaine et plus écologique.

 

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