Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

L’écologie

Respectable Loge, Thélème, Orient de Paris, Région 14 Paris 4 et Loges d'Europe de l'Est

Mots Clefs : Ecologie

L’écologie est pleinement entrée dans le débat public au début des années 1970, aidée sans doute en cela par le mouvement de mai 1968 qui facilita la mobilisation associative. C’est ainsi que naquirent la Fédération française des sociétés de protection de la nature en 1968, Friends of the Earth en 1969, la branche française de cette dernière l’année suivante, ou encore Greenpeace en 1971.

Pour autant, l’écologie trouva longtemps peu d’écho dans le débat public, en tout cas en France. Elle dut ainsi faire face très longtemps au dédain plus ou moins ostensible des responsables politiques et à une indifférence prononcée de la part d’une grande partie de l’opinion publique. Et lorsque les « questions environnementales » étaient ponctuellement mises en avant, elles se révélaient extrêmement clivantes. Ce n’est que très récemment que la place de l’écologie, comme sa représentation, ont changé.

Qu’est-ce que l’écologie ? Une définition est évidemment nécessaire.

Ernst Haeckel utilise ce terme pour la première fois en 1866. Il le définit comme l’étude des relations unissant les organismes vivants entre eux et avec leurs habitats. Etymologiquement, le mot lui-même vient des termes grecs « oikos », qui signifie « maison », et « logos », qui signifie « science », « connaissance ». L’écologie est donc, littéralement, la connaissance de notre maison « la Terre ». Adopter une posture écologique implique donc, au premier chef, de nous reconnecter à notre planète et, ainsi, de renouer avec des postures et des traditions anciennes.

En effet, durant des millénaires, ce lien à la Terre et à ses cycles naturels, a été un élément central dans l’organisation des sociétés humaines. Et c’est la négation même de ce lien qui est sans doute à l’origine des crises écologiques majeures auxquelles il va nous falloir faire face à brève échéance, y compris d’ailleurs la crise actuelle de la Covid-19.

Par ailleurs, la définition proposée plus haut révèle un caractère très spécifique de l’écologie : contrairement à beaucoup d’autres disciplines, celle-ci implique de réfléchir et d’agir globalement tant il est vrai qu’elle concerne toutes les activités humaines. Parler d’écologie, c’est parler de l’économie, de l’humanité, de la solidarité, de l’éducation, de la santé etc. Une action écologique efficace ne peut donc être que globale et planétaire, une intervention ponctuelle ou localisée ne peut plus suffire, et cela implique d’agir sur les logiques et les organisations mêmes de nos sociétés.

La volonté de dompter la Terre est venue avec la révolution industrielle, au milieu du 19è siècle. Le progrès technique puis les avancées technologiques et scientifiques de plus en plus nombreuses et de plus en plus rapides ont fait croire à l’homme qu’il pouvait faire de la Terre et de ses ressources ce qu’il voulait. Son hubris a pris le dessus.

Il est indiscutable que la science et la technique ont apporté des progrès réels et ont considérablement amélioré les conditions de vie d’une part importante de l’humanité. On vit ainsi deux fois plus vieux en Europe aujourd’hui qu’au 19e siècle ; en France, la durée de vie moyenne est passée de 43 ans en 1850 à 82,5 ans en 2017[1] la mortalité infantile est passée de 220 ‰ en 1860 à 3,8‰ en 2019[2]. Sans parler des progrès réalisés dans les transports, le partage de l’information, l’éducation ou encore les règles sociales (droit du travail, droit international etc.)

Mais il est également certain que le nécessaire équilibre n’a pas su être trouvé et que la machine s’est emballée, notamment depuis la mondialisation triomphante qui a démarré dans les années 1980 et se poursuit sans interruption depuis lors : la dérégulation financière, la convergence d’intérêts ente énormes multinationales et la Chine « atelier du monde », la baisse radicale du prix des produits de grande consommation et la fièvre consumériste qui l’accompagne, le tourisme de masse (1,6 milliards de touristes en 2019 !), les rêves de profits illimités…

Tous ces éléments ont rendu inaudibles les voix qui appelaient à la prudence et à la modération. La remise en cause d’une telle vision n’a été que très récente et demeure loin d’être unanimement partagée. Le 2 septembre 2002, dans son discours devant l’assemblée plénière du 4ème Sommet de la Terre, le président Chirac disait « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Depuis lors, il semble que nous ayons largement continué à fermer les yeux.

Certes, les mentalités commencent à changer, et peut-être même en profondeur en certains points du globe. Ainsi, d’après une enquête réalisée par Harris Interactive pour la radio RTL et la chaîne de télévision M6, 72 % des personnes interrogées affirment s’intéresser aux enjeux écologiques, 90 % chez les jeunes de 18 à 24 ans[3]

Mais le temps presse et les signaux d’alertes se multiplient.

Le changement climatique est évidemment le premier d’entre eux. Mais il est loin d’être le seul : la diffusion massive de la pollution, en particulier dans les sols, l’épuisement des ressources non renouvelables, la chute de la biodiversité, l’accès à une eau salubre sont autant de problèmes fondamentaux qu’il nous faudra traiter.

Jusqu’à la crise actuelle, qui est présentée comme une crise sanitaire mais qui est avant tout une crise écologique. En effet, nombreux sont les scientifiques qui affirment qu’elle trouve ses origines dans l’effondrement de la biodiversité et dans la promiscuité renforcée qui en découle entre hommes et animaux. Cette promiscuité est d’ailleurs renforcée par la multiplication des élevages industriels, qui facilitent la transmission de nouveaux virus des animaux à l’homme. Sans changements radicaux, notamment en matière d’élevage et de consommation, de nombreuses autres crises sanitaires du même ordre verront le jour à brève échéance.

Alors, que faire ?

Voici quelques pistes d’actions possibles : Tout d’abord, concernant la population mondiale : celle-ci comptait 7,5 milliards de personnes en 2017. L’ONU projetait récemment le chiffre de 11 milliards en 2100. Or une population trop importante ne peut que dégrader quasi-mécaniquement notre éco-système. Certes, sur ce front, les choses vont peut-être un peu moins mal que prévu. Ainsi une étude parue dans « The Lancet » en juillet 2020 et réalisée par « Institute for Health Metrics and Evaluation de Seattle » fait état de « seulement » 8,5 milliards de personnes en 2100. Ce relatif progrès est lié en grande partie au développement de l’éducation des filles et à un accès facilité à la contraception. En matière d’économie ensuite, il n’est plus envisageable d’obéir à des modèles qui se fondent uniquement sur la croissance permanente. Le rapport Meadows, publié dès 1972 à la demande du Club de Rome et intitulé « Les limites à la croissance (dans un monde fini) » souligne les incohérences et les risques de tels modèles. Notre monde est fini, les ressources qu’il met à notre disposition le sont également. Cela est vrai des énergies fossiles, ça l’est également de l’eau potable, des ressources alimentaires, des terres cultivables, du sable de construction même ! Aujourd’hui, nous consommons annuellement les ressources produites par l’équivalent de 2,9 terres[4]. Même si ce chiffre peut être critiqué dans son élaboration, il n’en demeure pas moins vrai que nous consommons les ressources plus vite que la Terre ne peut les produire, nous les épuisons donc. Pour résoudre ce problème de dépendance et de surconsommation à des ressources insuffisantes, il importe d’avoir une méthodologie claire et détaillée, des objectifs précis, chiffrés, évalués. Il existe de nombreux groupes de réflexion travaillant sur le sujet. L’un d’entre eux nous semble particulièrement intéressant : « The Shift Project » qui élabore actuellement un « Plan de transformation de l’économie française » auquel il tente d’associer l’état, les entreprises, les citoyens, les associations. Deux objectifs principaux sont posés : la décarbonations de l’économie et la résilience de l’économie ; ainsi qu’un constat : réfléchir en termes de « croissance » ou en termes de politiques sectorielles constitue aujourd’hui une voie sans issue. La décarbonation permet de desserrer la double-contrainte carbone : la menace du dérrèglement climatique d’une part, mais aussi une autre menace presque jamais évoquée : la dépendance de nos activités aux énergies fossiles importées dont l’offre risque de se resserrer fortement dans les décennies à venir pour des raisons géologiques. La résilience est la capacité de résistance de l’ensemble des activités humaines (production et consommation de biens et de services : travailler, se chauffer, se déplacer etc.) à des chocs externes : changement climatique, crises sanitaires, pic pétrolier etc. En termes de méthodologie, « The Shift Project » propose d’abandonner les abstractions pour ancrer la transition écologique dans les réalités concrètes. Par exemple, cesser de parler de « croissance » ou de « dette », qui sont des notions relativement abstraites, pour s’intéresser à des éléments concrets : « métiers », « tonnes », « joules » etc. De même, il faut penser la transition en fonction de l’utilité (du gain, de l’objectif atteint) et non du coût. Il convient aussi d’adopter une démarche scientifique : les lois de la physique et de la biologie s’appliquent à toutes les activités humaines, y compris l’économie. Or nous sommes maintenant dans un régime de contraintes physiques fortes et ce n’est pas pris en compte, notamment par une classe politique qui est largement déficiente en matière de culture scientifique.
Enfin, il s’agit d’avoir une approche à la fois sectorielle et transversale : ne s’attaquer qu’à un secteur comme s’il était coupé du reste du système est absurde, et c’est pourtant ce qui est fait aujourd’hui. Parallèlement, comme tous les pays ne sont pas à un même niveau de développement, et que l’objectif de réduction de la pauvreté et des inégalités demeure, il va bien falloir adopter une meilleure répartition du « développement » : certains pays devront accepter une forme de décroissance pour permettre à d’autres de progresser. De tels objectifs sont impossible à atteindre sans une forme poussée de gouvernance mondiale et d’actions multilatérales. C’est un autre axe de travail nécessaire : même si la compétition peut avoir des vertus, il va nous falloir adopter des modes de fonctionnement bien plus coopératifs entre les nations qui prendront en compte l’intérêt de tous et qui pourront se déployer sur le long voire le très long terme.

Parallèlement, au sein de nos sociétés dites développées, il va nous falloir examiner et repenser les rouages de nos existences : revoir notre relation au travail, valoriser les emplois réellement fondamentaux, en finir avec les « bullshit jobs » tels que les présente l’anthropologue David Graeber, apprendre à ralentir pour durer et privilégier quand c’est possible le « low-tech » au « high-tech »

En guise de conclusion (toute provisoire)…

Lacan disait : « Il n’y a pas d’autre définition possible du réel : le réel, c’est quand l’impossible est caractérisé ; quand on se cogne, le réel, c’est l’impossible à pénétrer » Quand nous aurons tellement dégradé les conditions de notre vie sur cette planète, sans doute prendrons-nous conscience du réel. Mais il sera alors trop tard.

Paradoxalement, la période actuelle est peut-être la plus favorable à une action rapide et à grande échelle. Comme le dit Hubert Védrine dans son livre « Et après », « il s’agit d’un rendez-vous à ne pas manquer. Les esprits, ébranlés par ce qu’ils auront subi, seront disponibles, les décideurs comme les peuples. Des positions très arrêtées seront abandonnées, des alliances nouvelles apparaîtront (…) Certes il est difficile d’imaginer en 2020 un monde (…) à la fois plus technologique et plus humaine, compétitif mais plus plus coopératif, plus interdépendant mais plus solidaire, une économie écologiste et plus équitable.Il le faut pourtant. Nous disposons d’un an ou deux pour ne pas rater ces rendez-vous. »


[1] source Banque Mondiale

[2] source Insee

[3] source Harris Interactive

[4] selon l’ONG Global Footprint Network

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