Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Crises, société et écologie

Respectable Loge, La Défense Maçonnique, Orient de Paris, Région 11 Paris 1

Mots Clefs : CriseEcologieFraternitéHumanismeSociété

La crise comme miroir de nos faiblesses

Une des rares vertus des crises est, dans un retour d’expérience, de favoriser les interrogations. Nous sommes toujours en situation de crise, mais nous pouvons d’ores et déjà réaliser certains constats et les mettre en perspective, avec l’ambition chevillée à l’engagement des francs-maçons de contribuer sans relâche à l’amélioration de l’homme et de la société.

Des crises sanitaires, nous en avons déjà connu, le virus Ebola et le Sida, les grippes saisonnières, mais globalement, elles étaient supposées laisser indemnes nos sociétés occidentales. Elles ne touchaient qu’une minorité d’entre nous, d’autres continents ou bien des communautés particulières, les drogués, les homosexuels.

Des scientifiques nous ont alertés et nous alertent encore, sur les dangers de l’expérimentation in vitro, de l’extinction des espèces animales, de la déforestation et de la culture intensive, sur les dangers liés au réchauffement du climat et à la fonte de la calotte glaciaire.

La crise sanitaire liée au coronavirus a ébranlé nos certitudes. Le coronavirus frappait à notre porte, nous avons été invités à le croire, comme si les croyances sauvaient, mais il n’avait rien d’une grippe saisonnière.

La confiance relative que nous accordons généralement à nos gouvernants s’est trouvée fortement altérée. Nous leur avons reproché, à tort ou à raison, leur gestion empirique de la crise, mais surtout certains choix antérieurs, guidés par des impératifs économiques, au détriment du bien-être des populations.

Nous nous sommes arrêtés, nous sommes passés en « mode survie ». La peur l’a emporté sur la confiance. Nous nous en sommes remis à la capacité des États, du pouvoir politique, de sauvegarder notre intégrité.

Nous nous plaignons aujourd’hui d’une concentration des pouvoirs : état d’urgence, groupes d’experts, conseil de défense, mais la gestion des crises nécessite une opérationnalité immédiate des décisions arrêtées. Les acteurs économiques marchands enfin, se sont trouvés dans l’incapacité de proposer leurs ajustements voire leurs régulations, à défaut d’un recours massif aux concours des États.

Qu’avons-nous appris de cette crise ?

Nous sommes collectivement fragiles, non seulement sur un plan sanitaire, mais également social et économique. La crise a exacerbé la pauvreté et les écarts entre les extrêmes de l’échelle sociale. La crise révèlera ultérieurement, nous n’en sommes qu’aux prémices, combien notre société est inégalitaire : alimentation, scolarité, logement, etc.

Les mécanismes de solidarité à l’œuvre dans notre pays et dans bien d’autres se sont révélés insuffisants lorsque nous nous sommes trouvés confrontés au soudain délitement de nos ressources.

Nous avons vérifié la permanence de la règle générale selon laquelle les moins nantis sont toujours les plus fortement impactés dans les crises. Les malades, les mal-logés, les précaires de toute sorte, les jeunes également, ont vécu et vivent cette crise plus durement que les autres.

Nous avons constaté également, ce que nous savions déjà, que les crises entraînent souvent, comme les traumatismes, d’abord un état de crainte et ensuite une sidération, une colère enfin, mais nous n’y sommes pas encore, qui rendent difficile le fait d’agir pour soi comme pour les autres.

Nous avons toujours été dépendants les uns des autres, cela nous caractérise comme des êtres sociaux. Mais la mondialisation a contribué au dévoiement de cette dépendance, la crise nous l’a révélé. Nous pensons notamment à nos circuits d’approvisionnement en équipements et substrats médicaux.

Une autre dépendance s’est faite jour cependant, heureuse celle-ci dirons-nous, elle nous lie dans la proximité, non aux « premiers de cordée », mais aux anonymes et aux dévalorisés que sont les soignants, les caissiers, les routiers, les éboueurs, les agriculteurs …

Nous avons expérimenté les uns et les autres l’isolement qui naît de la mise en congé des relations sociales. Les communications électroniques nous ont aidés à faire face. Nous avons bien ressenti cependant qu’elles ne peuvent que difficilement les substituer.

Nous avons en outre été sevrés de culture, si l’on considère bien entendu que l’accès à la culture puisse avoir lieu autrement que par écrans interposés (musées et exposition, spectacle vivant …).

Vers un humanisme écologique

La conscience des autres et de soi cimente le vivre ensemble, elle est au commencement de la fraternité. La fraternité maçonnique favorise les échanges, elle favorise le rassemblement de ce qui est épars. Nous aurons besoin de cette fraternité pour nous confronter aux défis qui se trouvent devant nous.

Soyons optimistes, nous sortirons de la crise, les vaccins nous sauveront. Dans l’attente, nous souffrons en silence de nos libertés perdues, mais nous en découvrons aussi de nouvelles. Nous réduisons nos déplacements, nous redécouvrons dans les grandes métropoles l’usage du vélo, nous consommons moins.

La crise sera-t-elle seulement un intermède pour très vite revenir à notre vie d’avant, ou bien nous donnera-t-elle l’occasion de penser un projet de société davantage respectueux des hommes et de la nature ?

Le monde d’après pourra être pire que le monde d’avant, si nous ne procédons pas à l’édification d’une société nouvelle, humaniste. Le pire serait de ne rien faire, cela reviendrait à attendre que le pire se réalise.

Nous aurons sans doute du mal à nous faire entendre, les mauvaises habitudes sont tenaces, mais gardons cela à l’esprit, le combat sera beau, au fondement des valeurs maçonniques, il mérite d’être engagé.

Soyons utopistes, les utopies d’aujourd’hui dessinent la réalité de notre monde de demain. La crise que nous traversons pourrait faire œuvre de transition, entre notre société héritée de l’ère industrielle et une société empreinte d’un nouvel humanisme, considérant l’homme et son écosystème.

Une nouvelle adresse est apparue au firmament de la crise : « Prenez soin de vous ». Elle recèle en elle-même un nouveau projet de société, une société du « care », dans laquelle primeraient la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même.

La projection d’une société plus égalitaire, résiliente face aux crises, implique que nous portions haut le projet d’instauration d’un revenu universel, dans le cadre d’une expérimentation nationale.

Nous nous sommes crus supérieurs à la nature. L’ignorance des effets de nos actions sur notre environnement nous a fragilisés.

« Les terrestres (les humains) ont le délicat problème de découvrir de combien d’autres êtres ils ont besoin pour subsister.  C’est en dressant cette liste qu’ils dessinent leur terrain de vie. » écrit Bruno Latour, sociologue, anthropologue et philosophe des sciences.

Ouvrons la porte d’un humanisme écologique : L’écologie comme la recherche d’une harmonie entre les hommes et leur environnement, leurs territoires, leur écosystème en interaction avec les mondes animal et végétal. Loin de nous l’idée d’une sanctuarisation de la nature, comme on pourvoit à la survie de certaines espèces animales en favorisant leur reproduction dans les parcs zoologiques.

La démarche que nous préconisons est celle de l’élaboration d’un projet systémique du « vivre ensemble », réunissant les Hommes, le règne animal et les végétaux.

Une écologie à la croisée de l’écologie profonde – les êtres vivants ont une valeur intrinsèque indépendante de leur utilité pour les hommes – et du développement durable – la croissance économique s’inscrit dans une perspective de long terme qui intègre les contraintes économiques et sociales.

La crise aura mis l’accent sur nos faiblesses et sur nos fragilités. Nos valeurs d’égalité et de fraternité entre les hommes doivent être réaffirmées et se traduire en actions. L’écologie est l’humanisme du 21e siècle. L’homme est une espèce animale dont la survie est durablement liée à celle de son écosystème.

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