Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Quelle société pour demain ? Vers un humanisme écologique

Respectable Loge, Etoile Eutopia, Orient de Dunkerque, Région 10 Nord - Pas de calais - Picardie et Loges d'Angleterre

Mots Clefs : ConfinementCroissanceÉcologieModèle de sociétéTransition

Du confinement à l’interrogation de notre modèle de société

Avec l’épreuve du Covid 19, nous devons nous interroger sur la finalité des choses, sur notre place dans la société et l’univers. L’importance des relations sociales n’est découverte qu’une fois que la distanciation est imposée. Nous avons compris l’importance vitale du travail quand il a été suspendu. Un adage africain dit : « on ne connaît l’utilité des fesses quand il y pousse un furoncle, autrement, on s’assoit dessus à loisir sans y penser ». Le confinement oblige à la réflexion, à s’éloigner de l’action pour réinventer un quotidien qui n’est plus lié au productivisme et à l’efficacité. Cette période subie nous révèle par la pratique ce qui est essentiel, ce qui ne l’est plus. La vacuité de larges pans de l’activité économique est révélée par un arrêt brutal.

Les mesures liées au Covid 19 restreignent les libertés, soulignent et creusent des inégalités préexistantes, les conditions de confinement n’étant pas les mêmes pour les catégories aisées et les plus pauvres : surface habitable, jardin, équipement pour le travail et l’enseignement à distance, accompagnement scolaire… La situation de confinement porte aussi le paradoxe de créer une forme de solidarité par le repli et l’éloignement des autres, par le respect de comportements individuels isolés. Elle s’accompagne du flux incessant des informations et des réseaux sociaux, « qui empêche de penser et de prendre du recul », le contexte de pandémie de Covid 19 saturant l’espace médiatique.

À cela s’ajoute l’usure de la Ve République, de ses modes de fonctionnement, des partis politiques dits de gouvernement, qui laissent le citoyen sans possibilité d’exprimer une réaction avant le prochain scrutin.

Cette période nous impose une forme de responsabilité collective avec un impact direct sur nos vies, un travail sur soi qui est inédit et plutôt angoissant, puisqu’aujourd’hui l’individu et ses intérêts priment souvent sur le reste. L’homme ayant rendu à la nature un peu de tranquillité, la faune craintive a refait son apparition dans des endroits inattendus. Faudrait-il repartir avec la même insouciance comme si de rien n’était ? Faudrait-il produire avec frénésie pour assouvir notre gloutonnerie d’hyper-consommateurs ?

Nous avons, par le biais de nos technologies et de nos cultures, un impact majeur sur la Terre.  Nous avons les moyens d’en être conscients et responsables. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Si encore cette débauche de moyens et de travail aboutissait au bonheur et à la fraternité universelle… mais là aussi, c’est un échec. Dans un monde aux ressources limitées, la croissance de la population humaine ne peut être infinie ; les problèmes se posent déjà (pollution, climat).

Ignorer ces principes fera de toute façon la fin de l’humanité. Les préoccupations dans un monde en crise écologique (nourriture, eau, climat) ne seront pas d’ordre humaniste. L’humanisme écologique doit permettre de penser le futur de l’humanité, pour que l’humanisme tout court continue d’exister.

Sur la période du confinement et ses leçons, quelle prospective ?

Les améliorations spectaculaires de l’atmosphère

Vous avez sans doute tous vu les images satellite qui montrent que les villes chinoises ont retrouvé un ciel plus pur ; la pollution au CO2[aD1]  et aux particules fines a baissé d’environ 20 % pendant 30–50 jours. Le même phénomène a été observé en Inde, en Europe…

Le retour des animaux sauvages durant le confinement

(Bruno David, paléontologue et biologiste, président du muséum national d’Histoire naturelle) « Il faut savoir qu’en ville toute une faune est présente. Il y a des fouines, des hérissons, des renards et des chauves-souris. C’est une véritable période d’accalmie pour les animaux. Il y a beaucoup moins de circulation, de présence humaine. Ce qui fait que les animaux reprennent de la place. Les animaux sont à la recherche de nourriture. Ils s’aventurent plus profondément dans les villes parce qu’ils ne sont plus nourris. Ils ont moins de nourriture disponible, moins de détritus. Ils viennent donc pour chercher à se nourrir. »

Pour améliorer la situation, tout arrêter et laisser faire ?

Cela ne se fera pas sans problème. Par exemple, comme le souligne le Shift Project, « la chute vertigineuse des prix des énergies carbonées (au premier rang desquelles le pétrole) – sous la double impulsion des tensions géopolitiques et d’un déséquilibre offre-demande inédit – est de nature à renforcer leur attractivité à court terme, et donc de ralentir les mesures nécessaires à leur remplacement. Mais à plus long terme, ces industries pétrolières et gazières sont elles-mêmes menacées par leur perte de solvabilité dans de telles conditions de marché : faute d’investir, leur capacité de production future se dégrade. Une crise majeure de ce secteur causerait des dégâts à toute la société. »

À quelle échelle doit-on changer ?

Pour limiter le réchauffement à 1,5 °C (accord de Paris) : en 2010, il fallait réduire nos émissions de CO2 de 3,3 % par an, en 2020, de 7,6 % par an, en 2025, si rien n’est fait (ce qui est le cas actuellement), de 15 ,5 % par an. Pour faire le lien avec le Covid, l’épisode du confinement a provoqué une diminution des émissions évaluée entre 4 et 8 % pour l’année 2020 – potentiellement atteignant l’objectif qui nous est assigné. Mais ce qui est demandé en 2025 correspond au niveau d’activité mondial en plein épisode COVID – c’est-à-dire l’équivalent d’un confinement au niveau international.

Propositions

Être à l’écoute des scientifiques – garantir une science indépendante

On l’a vu dans la gestion de l’épidémie, on ne peut faire l’impasse sur la connaissance scientifique pour faire face à l’imprévu et gérer les crises. Il faut laisser la latitude et les moyens aux chercheurs pour améliorer nos connaissances, afin que dans les situations d’urgence nos actions soient mieux fondées. Il faut également que la recherche ne soit pas soumise aux pressions des acteurs économiques (financement public).

Organiser la transition plutôt que la subir

Les faits scientifiques ne sont pas des opinions, ils s’imposent à nous. Les limites physiques de la Terre s’imposeront à tous, que ce soit dans l’évolution climatique ou dans la raréfaction des ressources naturelles. Il faut organiser la transition de nos sociétés vers des modèles compatibles avec ces limites physiques ; ne rien faire conduira à des situations de crises extrêmement graves.

Faire la transition écologique, changer les habitudes des citoyens

Un modèle de société qui fasse transition écologique va nécessairement bouleverser la vie quotidienne, par l’ampleur et la multiplicité des secteurs qui seront concernés. Cette transition peut exacerber les oppositions, elle doit respecter les principes fondateurs démocratiques, et particulièrement l’égalité.

Relocaliser des productions, prendre en compte l’impact des « externalités »

La crise a montré les limites d’un modèle basé sur la spécialisation des acteurs et l’échange à grande échelle de marchandises. Les productions essentielles doivent redevenir locales, et il faut interroger les conséquences de la fabrication, de l’utilisation, de la fin de vie des objets manufacturés : ces externalités doivent être prises en compte dans nos choix (normes environnementales, analyses de cycle de vie).

Faire durable : innovation technique, société de consommation raisonnée

Nous devons produire plus durable, en épargnant au maximum les ressources. C’est un champ sur lequel l’innovation technique, aujourd’hui orientée vers des objectifs mercantiles à court terme, peut apporter beaucoup : modularité, réparabilité, durabilité, réutilisation… Il s’agit également de décomplexifier nos systèmes pour les rendre plus robustes. Nous posséderons moins, mais mieux et plus longtemps – une consommation raisonnée.

Vers l’équilibre : permettre notre vie et celle des autres formes de vie présentes sur Terre

Nos sociétés sont aujourd’hui basées sur un modèle de croissance : économique, de la population, des surfaces aménagées, des besoins et équipements individuels… Imaginons un modèle basé sur l’utilisation des flux et non des stocks, un modèle d’équilibre entre les activités humaines et les autres formes de vie sur Terre. Il faudrait également travailler philosophiquement et démocratiquement la cohabitation entre l’Homme et la Nature, qui est aujourd’hui un rapport de consommation, pour permettre l’émergence de cet équilibre.

Placer l’écologie[1] comme un cadre de pensée, hors des débats politiques et devant être pris en compte par toutes les sensibilités.

 Annexes

Voici quelques éléments qui peuvent fonder le cadre dans lequel doivent s’inscrire les actions politiques d’aujourd’hui et demain. Ces données permettent d’interroger les organisations des sociétés humaines et leur capacité d’aggraver ou d’améliorer la situation.

Climat :

Les rapports du GIEC sur l’évolution climatique, dont nous n’allons pas refaire l’exposé détaillé.

Selon les estimations, les activités humaines ont provoqué un réchauffement planétaire d’environ 1 °C au-dessus des niveaux préindustriels, avec une fourchette probable allant de 0,8 °C à 1,2 °C. Il est probable que le réchauffement planétaire atteindra 1,5 °C entre 2030 et 2052.

Le réchauffement dû aux émissions anthropiques mondiales qui ont eu lieu depuis l’époque préindustrielle jusqu’à présent persistera pendant des siècles à des millénaires et continuera de causer d’autres changements à long terme (élévation du niveau de la mer, augmentation des épisodes météo extrêmes – tempêtes, sécheresses, vagues de chaleur, précipitations intenses).

L’objectif affiché des différentes agences intergouvernementales est de limiter le réchauffement à  1,5 °C, en réduisant les émissions de gaz à effet de serre (principalement le CO2), un objectif acté par l’accord de Paris signé en 2015.

Biodiversité :

D’après le rapport de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques, (IPBES), publié en en mai 2019 :

Environ 1 million d’espèces animales et végétales sont aujourd’hui menacées d’extinction, notamment au cours des prochaines décennies, ce qui n’a jamais eu lieu auparavant dans l’histoire de l’humanité. Depuis 1900, l’abondance moyenne des espèces locales dans la plupart des grands habitats terrestres a diminué d’au moins 20 % en moyenne. Plus de 40 % des espèces d’amphibiens, près de 33 % des récifs coralliens et plus d’un tiers de tous les mammifères marins sont menacés.

Les trois quarts de l’environnement terrestre et environ 66 % du milieu marin ont été significativement modifiés par l’action humaine. Plus d’un tiers de la surface terrestre du monde et près de 75 % des ressources en eau douce sont maintenant destinées à l’agriculture ou à l’élevage. La dégradation des sols a réduit de 23 % la productivité de l’ensemble de la surface terrestre mondiale.

Aparté FT : simplement pour fixer les choses : la biomasse humaine (le poids total de l’humanité) est évaluée à 280 millions de tonnes. Nous élevons 650 millions de tonnes d’animaux (chevaux, chats, chiens, cochons, vaches, volailles…). En face, l’ensemble des vertébrés sauvages représente… 30 millions de tonnes. Il y a 20 fois plus d’animaux d’élevage que d’animaux sauvages.

Énergie et minéraux :

Sources : L’âge des low-tech (Philippe Bihouix, Seuil, 2014), The shift project (theshiftproject.org), BP Statistical Review of World Energy 2020.

En 2018, pétrole, gaz et charbon fournissent 80 % de notre énergie primaire, les renouvelables 15 % et le nucléaire 5 %. Dans la structuration actuelle de l’appareil économique, la consommation d’énergie est directement corrélée à la croissance économique.

En dehors de toute considération d’émission de CO2, les ressources existent pour des décennies : 50 ans pour le pétrole et le gaz, 132 ans pour le charbon. Cependant, l’accès à ces ressources supplémentaires se fait à rendement décroissant : il faut de plus en plus d’énergie pour produire de moins en moins (cas extrême des sables bitumeux de l’Alberta, au Canada, qui demandent un baril d’énergie pour en extraire 3). De même, concernant les minéraux, l’état des réserves n’est pas inquiétant en soi, en revanche les ressources les plus accessibles ont déjà été consommées et les futurs gisements ne sont accessibles (voire rentables) qu’au prix d’une dépense d’énergie croissante.

Sachant que de larges pans de notre société sont basés sur l’utilisation de l’énergie à bas prix, de la production à la consommation (tous les secteurs qui font appel aux machines, de l’agriculture à l’industrie en passant par l’électroménager ou la construction), la potentielle crise de production d’énergie se doublera donc d’une crise d’extraction des matières premières, et d’une crise de la production/utilisation des objets manufacturés.


[1]    L’écologie étant ici comprise comme la préservation des paramètres physiques, chimiques, biologiques, systémiques à des niveaux qui permettent notre existence et celle des autres formes de vie présentes sur Terre.


Beaucoup de propositions « classiques » dans la série: il faut faire confiance aux scientifiques, relocaliser , faire du durable, préserver la diversité de la vie, prioriser la transition énergétique….tout cela sans que soit évoqué la façon d’y parvenir. So what? [aD1]

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