Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La santé

Respectable Loge, Thélème, Orient de Paris, Région 14 Paris 4 et Loges d'Europe de l'Est

Mots Clefs : PatientTerritoire

Difficile travail que celui consistant à s’exprimer sur un thème aussi vaste et prégnant que celui de la santé dans le cadre du travail autour du livre blanc qui trouve sa genèse dans une crise pandémique. L’enjeu de cette synthèse est de proposer à la loge des axes de travail susceptibles de faire consensus.

Le thème est vaste et fait déjà l’objet d’écrits nombreux qu’ils soient philosophiques, techniques, économiques et pratiques. L’enjeu consiste donc dans cette planche synthétique à définir le sujet et les axes sur lesquels, nous thélémites, pouvons l’aborder de manière constructive, non polémique et fidèle à nos engagements, indépendamment des sensibilités politiques et économiques qui irriguent notre collectif ici rassemblé.

La partie santé de notre Livre Blanc recouvre la santé, l’aide aux personnes les plus fragiles (séniors et personnes en situation de handicap) et l’aide aux personnes en précarité sociale (enfants ou adultes). En France, cet ensemble recouvre 90% de l’économie sociale et solidaire vivant de subsides directs ou indirects des contribuables. Ce vaste champ rassemble 10% des actifs français mobilisés dans l’aide à la personne, le soin, la médecine, la lutte contre l’exclusion, l’aide à l’inclusion, ou encore l’enfance en danger…

Posons tout de suite un fait : la France ne manque pas de ressources pour financer la santé et se trouve encore et toujours parmi les dix pays du monde avec la plus importante dépense par habitant. Débattre sur la taille de l’enveloppe n’est donc pas l’enjeu.

La santé est un droit pour tout français mais également pour toute personne résidant sur le sol français. Les maçons, sensibles à la notion de droit, savent bien qu’un droit n’est pas un dû et qu’un droit se défend, se pratique, s’améliore et ne peut pas seulement se déclamer. Voilà un sujet sur lequel nous pouvons être tous d’accord et c’est ce sur quoi nous, membre de la commission santé proposons d’axer la partie santé de notre Livre Blanc.

Le confinement et les mesures préventives non moins coercitives mises en œuvre, la cacophonie administrative, le mille-feuille décisionnel, les errements de communication, les conséquences directes et indirectes encore méconnues des mesures sanitaires prises sont autant de retours d’expériences possibles qui incitent à travailler sur les axes suivants (axes non hiérarchisés) :

1er axe : Faire un choix de modèle

La santé est organisée et pensée comme un pouvoir régalien d’état pour en garantir l’accès à tous mais rappelons que les opérateurs relèvent de plusieurs régimes : le régime public entièrement financé et administré par l’état, le régime privé non lucratif, financé par l’état mais géré par des acteurs sans buts lucratifs avec délégation de service public (fondation, associations, …), le régime privé relevant de sociétés dont la particularité est d’être financées en partie par des deniers publics du fait de leur missions de service public.

Dans deux de ces trois modèles, la société civile est absente des circuits décisionnels au profit d’une administration d’état dans le premier cas ou, à l’inverse, d’une logique d’entreprise. Ce premier axe consiste donc, à travers notre Livre Blanc, à renforcer le modèle privé non lucratif et le privilégier dès lors que l’Etat choisi de déléguer des prérogatives liées à la santé. J’en suis sûr mes frères, cette proposition sous-tendue par les fondamentaux de la Loi de 1901 auxquels, nous thélémites, sommes attachés, saura retenir votre attention.

2ème axe : Donner du pouvoir d’agir aux territoires

La crise COVID a mis en exergue l’hyper centralisation des décisions prises et une déclinaison administrative par des organes techniques. Pour faire simple, le ministère décide, les Agences Régionale de Santé, désormais célèbres, diffusent et contrôlent. Reste aux opérateurs, quels qu’ils soient à mettre en œuvre avec les moyens du bord des politiques souvent perçues comme inappropriées et non contextualisées. Ce second axe portera donc sur l’impérieuse nécessité d’avoir des politiques de santé locales déclinées sur mesure en fonction des besoins et ressources d’un territoire nécessitant de relocaliser la souveraineté en matière de décisions et d’organisation. Relocaliser la souveraineté en matière de santé induit deux choses :

  • Une représentation citoyenne dans les organes de décision locaux, qu’ils s’agissent d’assemblées délibérantes ou d’autorités administratives ;
  • Une place donnée aux associations de patients et d’usagers ou leurs représentants pour asseoir la mise en œuvre efficace des politiques territoriales de santé.

3ème axe : Donner du pouvoir d’agir aux acteurs de santé :

Que nous parlions de praticiens libéraux, d’établissements sanitaires ou médicaux-sociaux, de services d’aides à domicile…. Nous avons tous été les spectateurs de formidables initiatives mises en œuvre souvent avec bon sens, peu de moyens mais une détermination à trouver des réponses justes, adaptées et les plus satisfaisantes possibles. La crise COVID a révélé la possibilité et la capacité d’entreprise des acteurs de santé. Derrière ce mot choisi, provocant pour certains nous le savons, il s’agit de réinterroger un paradigme. Les acteurs de santé, de par leur mission de service publique, ne peuvent être associées à des entreprises. Pour autant, c’est bien la capacité d’entreprendre dont il est question. Soyons pragmatiques, sans budget dédié à la recherche et au développement, aucun acteur économique ne peut faire évoluer ses moyens techniques, technologiques, ses pratiques et prestations. Hormis les hôpitaux universitaires et quelques acteurs identifiés et disposant de fonds dédiés à la recherche, rares sont les acteurs de santé ou du médico-social ayant une possibilité matérielle et économique d’entreprendre et de développer.

Cet axe ne consiste pas à choquer mais à réintroduire la nécessité, y compris dans une mission de service publique, de financer, non pas la prestation elle-même, mais bien l’évolution et l’amélioration de la prestation qu’il s’agisse d’opérer à cœur ouvert à 8000 Km de distance ou plus simplement de permettre à l’infirmière de campagne de faire une téléconsultation médicale à domicile avec le bon matériel.

4ème axe : Donner du pouvoir d’agir au patient et à l’usager

Ces deux mots ne choquent pas à l’oreille dans la mesure où nous les entendons souvent. Pour autant, rappelons-nous que le patient patiente et que l’usager use. A ces termes sont souvent associés ceux de « prise en charge » et d’ « actes médicaux ». D’autres termes usuels non moins interpellants qui ne doivent pas nous faire oublier non plus l’autre réalité, celle du citoyen consommateur de service qui les aborde comme un dû jusqu’à une dérive croissante de judiciarisation des relations avec les acteurs de santé.

Le quatrième axe consiste à rendre le citoyen acteur volontaire, mesuré et engagé de son parcours de santé. Un vaste programme. Il s’agit ici d’aborder l’éducation à la santé dès le plus jeune âge et tout au long de la vie mais également le sujet majeur qu’est la prévention. L’utilisation des modèles théoriques, de l’intelligence artificielle et des nombreux repères dont nous disposons pourrait inviter demain, non plus à répondre de manière réactive à une maladie ou un besoin, mais à mieux les identifier, les anticiper et les accompagner s’ils sont inéluctables.

Nous parlons bien d’aller chez le médecin un jour, non plus pour se faire soigner, mais pour éviter d’avoir à le faire. Evidemment il y a un corollaire, celui de la responsabilité individuelle et de la nécessité de s’en saisir. Simple question ouverte à l’assemblée, pourquoi n’avez-vous pas encore fait ouvrir par votre médecin traitant votre Dossier Médical Partagé ?

5ème axe : Refondre le financement du système de santé

Nous savons déjà que ce n’est pas la taille du gâteau qui pose problème mais sa répartition. Nous ne reviendrons pas sur la T2A dans sa forme actuelle pour laquelle nous partageons tous une aversion certaine.

Certaines études de coûts récentes montrent notamment sur les dispositifs médico-sociaux que 50% des financements ne profitent pas directement aux bénéficiaires (patients ou usagers). Les deniers publics, au-delà, des actes et prestations directes aux personnes, financent donc : du management, de la logistique, des systèmes d’information, du patrimoine et de la maintenance, des taxes, …des prestations indirectes néanmoins nécessaires au bon fonctionnement et la bonne exécution des prestations directes.

Il nous appartient de soutenir l’émergence d’un système de santé qui finance non pas des institutions et des organisations mais bien des réponses concrètes et opérationnelles aux besoins des personnes qu’il s’agisse de besoins en matière de santé, d’autonomie ou d’accès à la vie sociale. Les modèles dessinés lors du Ségur de la Santé et ceux naissants (type SERAFIN pour le médico-social) sont à soutenir avec toutes les précautions d’usage que constituent les retours d’expérience de la T2A.

6ème axe : Rendre accessible la santé

La crise COVID a été un accélérateur formidable pour le développement des solutions numériques favorisant l’accès à la santé. La réforme de la carte hospitalière, sur laquelle une reculade est en cours, n’est pas le sujet qui nous préoccupe ici. Il s’agit davantage de traiter les nouvelles technologies permettant à chacun, où qu’il soit, d’accéder à de la médecine générale et spécialisée pour accompagner son parcours de santé.

La téléconsultation et la téléexpertise, sous réserve d’un cahier des charges strict et d’indicateurs clairs de qualité, sont désormais des outils de droit commun pourtant très, trop peu répandus et exploités malgré les besoins. Il est évident que la e-santé et les technologies doivent s’inscrire dans un parcours de santé construit et dans une logique complémentaire aux actes traditionnels.

Dans un contexte où la crise pandémique est loin d’être achevée, il est délicat d’intégrer dans ce travail les conséquences des modalités de gestion de crise sur notre société et notre santé physique et psychique. C’est pourquoi ce sont ces axes qui sont proposés à l’étude ce jour, sans volonté limitative ou restrictive.

A lire aussi

Le peuple, Le citoyen et la démocratie

C’est quoi le peuple ? Le peuple est une façon de suggérer un monde commun, alors qu’ont disparu les vieilles références aux classes sociales, à la classe ouvrière. La distinction cruciale entre société civile et État...

Lire la suite
Démocratie

Une nouvelle forme de développement avec les territoires ruraux ?

Zones urbaines et zones rurales : une disparité toujours plus importante Au fil des années les territoires ruraux ont subi de grands chocs. Le développement de l’agriculture intensive, l’augmentation de la part du secteur tertiaire, en...

Lire la suite
Le citoyen, l'état, le monde

De l’Avant à l’Après

Constats : On parle aujourd’hui d’extension de la couverture numérique en 4G par exemple, mais force est de constater qu’encore trop de territoires sont toujours « a-connectés ». La réduction de la fracture numérique ou « illectronisme » touche près...

Lire la suite
Le citoyen, l'état, le monde