Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Quelle réforme pour notre système de santé ?

Respectable Loge, Valmy Fraternité, Orient de Reims, Région 4 Champagne - Ardenne - Alsace - Lorraine et Loges d'Allemagne

Mots Clefs : Déserts médicauxÉconomieMédecine ambulatoireSanté publiqueTarification à l’acte

Constat et historique :

La médecine française souffrait d’être l’une des meilleures du monde. Selon les macro-économistes, l’emprise excessive des dépenses de santé sur le PIB imposait une réduction du budget santé. Contaminés par cette analyse, le pouvoir politique et l’administration ont sabordé ce joyau dont les perles étaient les soignants d’excellente expertise clinique en nombre suffisant pour assurer leurs missions de soins et leur implication dans les orientations en politique de santé.

Cette politique fut mise en place dès la fin des années 70. L’une des premières mesures fut l’instauration du numerus clausus (loi votée en 1979 dont le principe était de réduire le nombre de souris pour diminuer la taille du fromage). Ainsi de 6.000 étudiants entrant en seconde année en 1981, le nombre a été réduit à 3.500 en 1993, pour revenir à 6.000 en 2005. Associée à la liberté d’installation, cette politique a créé les déserts médicaux et la vacance des postes dans le secteur public. L’ouverture aux diplômes européens et étrangers (54000/276000) n’a pas répondu à la désertification et l’a créée dans les pays formateurs (et à leur frais). L’archaïsme de nos modalités de sélection reste un mystère eu égard aux connaissances actuelles : maturité décalée de plusieurs années entre filles et garçons au profit du sexe féminin alors que la sélection se fait dans l’année qui suit le baccalauréat et repose essentiellement sur les capacités de mémorisation sans évaluation par entretien des motivations et du profil psychologique des candidats aux carrières médicales.

Dans le souci de maitrise des dépenses et des lois du marché, la tarification à l’acte est devenue l’outil principal de gestion des établissements. Il a fallu alimenter l’outil informatique en code diagnostic, en code acte de soins et ajouter des comorbidités pour faire du chiffre et accroitre la rentabilité du produit – autrefois le malade devenu patient puis client. La clinique commerciale est devenue le modèle du système de santé, le malade qualifié en produit financier pour chaque établissement. Les filières de soins gérées par une administration primée en cas d’équilibre ou de retour à l’équilibre budgétaire, se fixent des critères de rentabilité sans lien avec la qualité du soin, à leur complexité ou aux résultats ; vivant ou mort, le tarif est le même. Il n’y a aucune valorisation de la compétence, de la difficulté et de l’implication des personnels soignants dans la prise en charge d’une affection.

Pour diminuer les dépenses, la médecine ambulatoire a été développée ; cela a entrainé une réduction du nombre de lits d’hospitalisation de 15% entre 2000 et 2015 (6.4000lits), ce malgré l’augmentation des besoins : accroissement de 10% d’une population vieillissante et apparition de pathologies nouvelles. Il est saisissant de constater que les directions hospitalières formées à la comptabilité et dépourvues de toute connaissance médicale aient pu mettre en place des réductions de personnel par la mutualisation des services, faisant fi de l’âge des patients, des pathologies et de la nécessaire formation de ces personnels aux compétences techniques et psychologiques. Comment a ton pu concevoir l’idée d’un pool général du personnel destiné à répondre à des défections imprévues. Cette conception administrative méconnait l’exigence de soins dans la myriade de typologies de maladies et de malades. Pour parfaire cette approche, une reconstruction des structures fut imaginée afin de faciliter la mutualisation. Ces reconstructions, dans un contexte de déficit budgétaire, étaient assujetties aux économies dépendantes de la suppression de postes médicaux et paramédicaux, administration exceptée. A titre d’exemple, la reconstruction du CHU de Reims était financée par la suppression de 250 postes d’infirmières et 50 de médecins, soit une économie de 540 millions sur 30 ans, opération faite à coût nul. Le pouvoir absolu des directeurs dans la gestion, la nomination et les orientations médicales a conduit à une prolifération de non soignants dont le ratio est d’un pour deux soignants soit 34% en France vs 25% en Allemagne, 26 en Italie et 24 en l’Espagne. Le passage aux 35 heures, les charges administratives, les réunions multiples et variées, improductives, ont conduit à une réduction drastique du temps de soins consacré au patient avec comme corollaire une dégradation des soins.

Le temps consacré à la recherche médicale, à la publication de travaux et à l’enseignement est ainsi très limité alors qu’il devrait représenter 2/3 du temps des universitaires. C’est l’industrie pharmaceutique qui assure l’essentiel de la production en partenariat avec les médecins. Selon les critères de valorisation des publications scientifiques, la France se situe au 5éme rang en biologie fondamentale et au 8éme en rang médical.

Sans oublier le dénuement de la psychiatrie, des modes de prise en charge, de la détresse des soignants dans un secteur extrêmement difficile. Même chose pour le monde du handicap ou les manques de moyens et des méthodes de prise en charge sont flagrants et sont heureusement compensés par l’engagement du secteur associatif.

Réponses :

Aujourd’hui l’état sanitaire détermine le niveau d’activité économique. La santé est le seul secteur où le progrès technique fait monter les coûts, progrès dont doivent bénéficier tous les patients. Il n’y a eu aucune diminution des dépenses de santé aux USA depuis 1930, la santé y est le premier secteur de l’économie. Privilégier une politique de santé publique qui assure une qualité de vie en bonne santé devrait être une priorité nationale axée sur la prévention. Les priorités des dépenses doivent se porter sur le personnel de soins, insuffisant en nombre et à une réduction des personnels non soignants. Priorité doit être donnée aux investissements en matériel dont les performances assurent une qualité diagnostique et thérapeutique. Les décisions doivent se prendre en concertation entre médecins et administration. Diriger une structure hospitalière devrait impliquer une double formation, médicale et administrative. Les orientations en politique de santé doivent être identifiées par des études épidémiologiques et mises en œuvre dans une concertation impliquant prioritairement les professions médicales, les politiques et l’administration, ce à l’échelon régional et non de la grande région. Cela remet en cause les Agences régionales de santé, gendarme du contrôle des dépenses de santé dans une logique de réduction des coûts ainsi que des autorisations d’implantation et d’activités des établissements privés, selon les besoins identifiés par elles-mêmes.

L’obsolescence du mode de recrutement et de formation des personnels médicaux inviterait aussi à réformes. Aux USA 3 années d’undergraduate conduisent à l’entrée en médecine après interview, même chose en Australie. En Allemagne, en fin d’études sont proposés des examens d’entrée en spécialité, bien différents dans le principe de la loterie française de l’internat national classant qui reçoit tous les inscrits quel que soit la note obtenue et qui permet aux mieux classés de choisir une spécialité sans apprécier les connaissances et les compétences du candidat dans le domaine choisi. La liberté d’installation exigée par les jeunes médecins est contestable. Les études de médecine sont quasiment gratuites et à l’instar du Canada un service minimum obligatoire exercé dans les déserts médicaux devrait être considéré.

Prioriser l’organisation du système de santé par des représentants de tous les corps de métier du soin afin d’éviter les échecs type Segur de la santé. Comme le suggère un collègue psychiatre, la création au sein de la Cité, de coopérative de santé regroupant soignants et soignés, salariés et bénéficiaires et dont le financement serait assuré par les recettes et les salaires encadrés pour être équitables selon les qualifications dans les différents métiers.

Concevoir une progression dans la carrière basée sur l’investissement métier. Passage possible du statut d’aide-soignante à celui d’infirmière par validation des acquis autrement que par le passage de 3 années dans les écoles. Spécialisation des infirmières comme cela existe pour les infirmières de bloc, et d’anesthésie réanimation, dans les domaines des urgences, de la réanimation adulte ou pédiatrique, de l’oncologie, de la gériatrie et valorisation des salaires en fonction des responsabilités nécessaires à l’exercice de leur fonction dans les pathologies considérées et à leur investissement dans l’amélioration des soins. Piste de réflexion pour valoriser le travail et les salaires des infirmières travaillant à la prévention en santé et à l’éducation thérapeutique (diabète obésité.). Aux antipodes de la progression à l’ancienneté, il serait préférable de valoriser les motivations. Redéfinir le rôle des cadres de santé qui jadis avaient la responsabilité de formation et d’exemplarité et qui aujourd’hui relaient l’administration dans des missions d’organisation et de réalisation de plannings. Leurs missions doivent assurer le perfectionnement des personnels des services et la direction de projets de recherche en soins infirmiers.

Considérer comme au Canada ou aux USA, la création d’un corps d’infirmier(e)s médecins, capables de prendre en charge de petites unités de malades sous la responsabilité de médecins, et autorisés à certains gestes et prescriptions. Même chose pour les manipulateurs radio et à la responsabilité à la formation et à la surveillance des effets des rayonnements.

Mettre en place un ensemble coordonné de partenariat public privé pour couvrir l’ensemble des besoins par la création de réseau de soins pour assurer de véritables complémentarités.

Une politique de santé axée sur la prévention, le recrutement de personnels qualifies, un investissement massif dans le matériel médical, une réforme du management, une véritable territorialisation, une réforme du cursus de médecine, une liberté d’installation encadrée, une inclusion des professionnels de santé dans le processus décisionnel, une spécialisation et une revalorisation des paramédicaux, instauration de partenariats public privé.

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