Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La Liberté

Respectable Loge, Louise Michel, Orient de Limoges, Région 5 Centre

Mots Clefs : DroitInflation législativeLibertéResponsabilité individuelle

Le déclin des libertés

Depuis pas mal d’années (une trentaine peut-être mais il s’agit d’une estimation au doigt mouillé), nous avons l’impression que le principe de liberté recule dans notre pays. De plus en plus de lois viennent les restreindre. Il y a plusieurs conséquences à cela : une volonté de normer les comportements dits « déviants » et une habitude de la Société Française de régler les problèmes à coup de lois. Il y a quelque chose qui ne vas pas, « on va faire une loi » et le problème sera résolu.

Plusieurs avantages à cette pratique : une loi va marquer l’opinion et en outre ça ne coûte pas cher.

Pour autant est-ce bon ?

Pour juguler le phénomène de la prostitution, on a fait une loi sanctionnant l’utilisateur. Cela ne coûtait pas cher. Mais cela règle-t-il le problème ? Rien n’est moins sûr. Un problème comme la prostitution ne peut être réglé que par une politique ambitieuse de prévention, d’éducation, de prise en charge et de répression du proxénétisme. C’est compliqué, ça coûte cher, c’est long, ce n’est pas spectaculaire, alors qu’une loi…

Alors une loi… Pourquoi pas, ça ne mange pas de pain. Mais en tant que juriste de formation, j’ai conscience d’une réalité qu’on occulte le plus souvent. La loi, souvent prise sous le coup de l’émotion, pour endiguer un problème conjoncturel, perdure. Or, une loi, c’est une arme. Elle garde son caractère de dangerosité même si elle tombe en désuétude. Une bande de haineux sévit pour le net ? Faisons une loi pour censurer l’expression sur les réseaux sociaux. C’est simple et efficace. Oui, mais ce sera encore plus efficace lorsqu’un gouvernement d’extrême droite prendra le pouvoir dans notre pays. 

Le problème d’une arme, c’est que n’importe qui peut l’utiliser. 

Prenons l’exemple de la loi Gayssot. Une bande d’individus de sac et de corde ont choisi de faire parler d’eux en niant la Shoah. La loi Gayssot avait pour ambition de mettre un frein à ces pratiques. La loi n° 90-615 du 13 juillet 1990 dit notamment dans son article 9 :

« Seront punis des peines prévues par le sixième alinéa de l’article 24 ceux qui auront contesté, par un des moyens énoncés à l’article 23, l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale. »

Cette disposition instaurant un délit de contestation limite la liberté d’expression. Est-ce une bonne chose ? Oui, dans le sens où elle cible des gens évidemment animés de mauvaises intentions (nier la Shoah, ce sont forcément de mauvaises gens). Non, dans le sens où elle empêche également les historiens de bonne foi de se livrer à des recherches approfondies sur le sujet (opinion de vrais historiens absolument pas suspects d’être négationnistes ex : Claude Liauzu).

Au final, cette limitation de nos libertés est-elle efficace ? Si l’on en croit les derniers graffitis à Oradour sur Glane, pas totalement. Elle permet de punir les auteurs de telles infractions mais n’a pas « asséché » le source du négationnisme.

La liberté aujourd’hui

Les mesures prises après les attentats et pendant la crise du Covid relèvent d’une logique un peu différente. On restreint les libertés pour endiguer un danger immédiat.

Risque d’attentat ou de contamination. De telles décisions paraissent relever du bon sens, mais toujours cette notion d’arme-loi : où se situe le curseur du danger ? « Il y a des manifestations qui risquent de troubler l’ordre public, établissons un couvre-feu. »  Imaginons l’extrême droite ayant à sa disposition un tel outil.

Par ailleurs, encore faudrait-il que ces lois soient appliquées avec bonne foi, discernement et mesure, or cette période de confinement nous a montré que ce n’était pas toujours le cas : la Gendarmerie nationale a eu beau exprimer ses « regrets » pour la verbalisation non appropriée le 4 avril 2020 d’un homme qui voulait se rendre sur l’île de Ré au chevet de son père mourant, le mal était fait. L’homme n’a pas pu assister aux derniers instants de son père, le gendarme fautif ayant bafoué ainsi toutes les lois naturelles et humaines par application tatillonne et excessive d’un texte de loi par ailleurs pas très clair. Rappelons-nous Courteline, « Le gendarme est sans pitié ». Un homme se fait verbaliser par ce qu’il n’a pas mis de laisse à son chien dans un chemin ou c’était obligatoire. Un peu plus tard, il se fait également verbaliser car il a mis une laisse à son chien dans un endroit où ce n’était pas obligatoire…

Nous pensons sincèrement qu’aucune loi ne devrait restreindre les libertés. Mais attention, cela voudrait dire qu’on pourrait impunément nier la Shoah ? Nous vous avouerons que nous nous posons la question et ne savons pas trop quelle position adopter au final. En tout cas, la suppression d’une telle mesure si elle ouvrait une boîte de Pandore, de contestations tout azimut permettrait également de contredire les malfaisants qui auraient choisi cette voie trouble.

Cette position relève peut-être d’une thèse anarchiste mais je pense que le premier rempart aux excès est la responsabilité individuelle qui ne peut se développer que par l’éducation et l’enseignement.

Enfin, un mot sur « l’inflation législative ». Nous avons dans notre pays un empilement de textes souvent redondants.

Voici ce que disait le journal Les Échos en 2018 :

« Les actes pénalement sanctionnés sont devenus tellement nombreux que l’Etat n’a plus les moyens de les contrôler. Il fait aujourd’hui de plus en plus appel à des institutions privées (banques, entreprises spécialisées, avocats, notaires…) pour surveiller la bonne application du droit et dénoncer les infractions. Il devient difficile de se sentir libre dans de telles conditions.

Chaque année, plus de 70 lois, 50 ordonnances et 1.500 décrets viennent s’ajouter au droit français. Il existe aujourd’hui 88 codes et 50.000 textes non codifiés. Dès lors, les Français se perdent dans un dédale de textes de mauvaise qualité. L’idée, essentielle au bon fonctionnement d’une société démocratique, selon laquelle « nul n’est censé ignorer la loi » s’efface peu à peu pour ne devenir qu’une fiction».

Propositions :

Concrètement, dans la mesure où nous ne sommes pas dans un monde idéal peuplé de gens responsables, nous pensons que toute mesure attentatoire à la liberté devrait être d’abord identifiée comme telle. Ensuite, on devrait la faire passer par une grille d’évaluation* en se posant plusieurs questions précises dont voici une liste (qui n’est pas exhaustive) :

1) Quelle est la liberté diminuée par ce texte ? Combien de gens sont concernés ? Une durée a-t-elle été prévue ?

2) Quels sont les risques si on ne prend pas cette mesure ? S’agit-il de risques vitaux ? Pour combien de personnes ? Y a-t-il un risque pour le quotidien des personnes ?  Y a-t-il une solution alternative à la diminution d’une liberté ? 

3) Quelles seraient les conséquences en cas d’abus ? Quels préjudices ? Pour combien de personnes ? Quels principes fondamentaux seraient bafoués ? 

4) Des recours spécifiques auprès d’une autorité indépendante sont-ils prévus en cas d’abus ? La saisine de l’autorité indépendante est-elle facilitée ? Un suivi de ces abus est-il prévu ? 

5) Que se passerait-il si un gouvernement autoritaire décidait d’utiliser une telle mesure au-delà des délais et des compétences prévues par la loi ? Quelles seraient les conséquences pour les libertés fondamentales ? Quelles seraient les conséquences pour le quotidien des personnes ?

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