Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Reconsidérer le temps

Respectable Loge, La Vie est belle, Orient de Antibes-Sophia Antipolis, Région 2 Alpes Côte d'Azur

Mots Clefs : ÉlasticitéRelativité nouvelleTempsValeur

Avons-nous perdu le temps ?

La vacuité de nos emplois du temps, en ces temps de confinement plus ou moins oisif, nous laisse le loisir de nous pencher sur un sujet qui ne concerne ni l’avant ou l’après, ni même le pendant, juste le maintenant : Le temps.

Cette crise, et son corollaire le confinement, a ce bénéfice de nous reconnecter à la notion de temps.

Notre immobilisme nous contraint à reconsidérer le temps, à prendre conscience de son cours et de son immuabilité, il existe et est incontournable tout en étant relatif puisque, selon notre sensibilité propre, il ne s’écoule pas de la même sorte pour chacun d’entre-nous.

« Le temps est la loi à laquelle toutes choses sont soumises », selon Héraclite qui a pensé ceci mais il semblerait que nous ayons oublié cette loi impérieuse.

Depuis que l’homme pense il a conscientisé le temps. La notion du temps, mystique ou devenue mathématique, nous marque tous de son empreinte. Nous ne changerions pas alors que le temps est en perpétuel mouvement, bien que nous courions vers notre mort en vieillissant et donc en perdant notre immuabilité.

Le temps cyclique, éternel recommencement des saisons où la genèse se fait après la répétition d’événements réguliers, la religion monothéiste, et sa vie après la mort, a imposé le temps linéaire où notre existence se déroule selon une perspective prédéterminée par notre naissance, notre vie et notre mort, balisant ainsi un passage sur terre limité avant de connaître un temps infini, ni cyclique, ni linéaire.

Vivons-nous le temps ?

Les philosophes tentent de résoudre la problématique de l’éternité du temps. Le temps peut-il avoir un début et une fin ? Depuis, Einstein nous a fait relativiser le temps en transformant l’espace et le temps en une seule et même entité pouvant être influencé par l’objet.

Notre monde moderne nous fait appréhender le temps sur des bases qui divergent de plus en plus selon le moment, qui n’est qu’une photographie à l’instant T du temps, et de la personne ou du lieu. En fonction de ces considérations, sa valeur va ainsi changer.

Depuis 1881, année où le temps fut unifié en France, nous vivons au rythme de contraintes temporelles qui ne sont plus rythmées par le défilement des jours et des mois, de l’angélus du village, le bruissement régulier de la pendule mais par une abstraction que ce sont les horaires ferroviaires, du travail, de l’école.

Ce temps, dorénavant linéaire, borne nos existences plus qu’il ne nous structure.

En supprimant ces manifestations physiques, que nous considérons comme des contraintes intolérables, nous le perdons de vue, nous le dématérialisons.

Nous dévalorisons le temps en le considérant comme un carcan, on l’oublie en ne lui conférant plus l’importance qu’il a pour structurer une pensée.

Dorénavant nous monétisons le temps. « Le temps, c’est de l’argent » qui n’a pas entendu cette sentence sur son lieu de travail ou en famille ? La course au rendement est lancée.

Nous sommes constamment dans la double et contradictoire injonction de mener une pensée aboutie, et donc efficace et d’aller de plus en plus vite sans laisser le temps à la pensée de s’organiser.

Cette période de crise qui met nos dirigeants sous ce double impératif met en exergue nos propres paradoxes. Nous exigeons des résultats, des moyens, des idées. Ces demandes sont parfaitement légitimes, mais nous les voulons immédiatement. L’attente est insupportable, intolérable.

Mais, en même temps, nous réclamons une infaillibilité des idées et des moyens.

Nous ne prenons plus le temps du recul nécessaire pour embrasser une problématique. Nous réclamons une solution rapide à ces questionnements. Il faut la solution avant d’avoir lu l’énoncé.

Nous sommes confinés car dehors, règne une terreur invisible qui soudainement, par le biais de l’enfermement, nous reconnecte avec le temps qui passe et l’issue fatale de notre vie.

C’est cette grande peur de la mort, et du temps qui passe, qui nous y amènent en nous terrifiant.

Qu’importent les risques, qu’importe le temps nécessaire, qu’importe tant que j’ai l’impression de me jouer du temps et de, peut-être, sauver ma peau.

Le temps ne joue plus contre moi, c’est moi qui joue contre le temps.

Cette improbable inversion des valeurs nous amène dans une impasse.

Retrouver le temps.

Va-t-il falloir reconsidérer notre futur en nous reconnectant au temps, en oubliant l’hystérie temporelle qui a prévalue sur ces dernières années, celle qui nous fait accélérer en permanence et semer les plus lents, ceux qui n’ont pas accès à la vitesse par leur situation sociale ou géographique, ceux qui ne sont pas, par leur constitution, prévus pour aller vite.

Un siècle et demi plus tard, il va devenir nécessaire de réaligner le temps pour tous,

Paradoxalement, le progrès qui, selon Aristote, ne vaut que si il est partagé par tous, est devenu la cause de déséquilibres sociétaux et d’injustice en remettant en œuvre le temps variable selon notre catégorie socio-professionnelle ou notre répartition géographique par l’absence ou la qualité des liaisons internet.

Nos voitures, nos ordinateurs, nos trains, nos avions, internet nous précipitent en une folle bousculade qui obère la pensée,

Nous ne voyageons plus mais nous nous déplaçons le plus rapidement possible d’un point A à un point B.

Nous sautons certains apprentissages, nous oublions la notion de découverte.

Nous sommes lancés à toute vitesse sur une ligne droite temporelle, le temps est devenu linéaire alors qu’il devrait être circulaire dans le renouvellement permanent des saisons. Nous suivons religieusement une trajectoire qu’on nous affirme essentielle parce que correspondant à une théologie où la seule finalité de l’existence est la mort, viatique pour un monde meilleur obtenu tout au long de notre séjour sur terre.

Il parait urgent de reconsidérer notre temps, au sens large. 

Le désir de se jouer du temps amène par la multiplication des moyens de locomotion énergivore à une destruction de notre écosystème et une diminution de la qualité de l’enseignement. Le ratio gain de temps/ valeurs apportées n’est plus en faveur de l’homme.

Ralentissons !

Place au « slow thinking » en lieu et place du « low thinking ».

Redonnons du temps aux apprentissages premiers à l’école, apprenons l’alphabet avant le mot.

Réduisons la vitesse de transmission de l’information et prenons le temps du recul et de l’analyse.

Freinons nos déplacements et reprenons la conscience du voyage, plus important que le son but.

Reconnectons-nous au cycle du temps, des saisons et des âges de l’être.

Attendons celui qui est plus lent, donnons lui du temps, offrons-nous des pauses.

Réfléchissons sur l’utilisation que nous faisons du temps et reconsidérons le.

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