Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La libéralisation du cannabis

Respectable Loge, Demain, Orient de Paris, Région 11 Paris 1

Mots Clefs : CannabisCOVIDDroguesGouvernementLégislation

Problématique, constat, contexte de la contribution

Le cannabis sous ces trois formes, l’herbe, la résine et l’huile est la drogue la plus disponible et consommée en France. En 2017, 44,8 % des adultes âgés de 18 à 64 ans déclaraient avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie.

En juin 2019, l’Observatoire français des drogues et toxicomanies estimait, en France, le nombre de consommateurs de cannabis à : 18 millions d’expérimentateurs, dont 5 millions d’usagers dans l’année comptant 1,5 millions d’usagers réguliers, parmi lesquels 900 000 usagers quotidiens. En 2017, 67 500 condamnations ont été prononcées pour infraction à la législation sur les stupéfiants – étant précisé que ces chiffres concernent, dans 90% des cas, le cannabis.

D’un point de vue clinique, « une prise de cannabis fumé entraîne en général une euphorie modérée et un sentiment de bien être suivi d’une somnolence mais aussi un affaiblissement de la mémoire à court terme et des troubles de l’attention ».

Si l’usage du cannabis peut s’avérer problématique : risques associés à la conduite, troubles psychiques, voire – à la marge – psychiatriques, il est également, connu de longue date pour ses effets thérapeutiques. Reste qu’à ce jour, le cannabis est considéré comme dangereux par une majorité de Français.

Le 17 octobre 2018, soit il y a exactement deux ans, le Canada était le deuxième pays au monde à légaliser la production, la distribution et la détention de cannabis à usage récréatif. Médiatique, cette décision relançait, en France, les débats quant à la légalisation du cannabis.

État des réflexions sur le sujet

En matière de législation relative aux stupéfiants, la position du législateur tient à la recherche d’un équilibre entre santé publique (problématique de l’usage) et répression (lutte contre le trafic). En ce qu’il concerne des réseaux criminels, le trafic—production, fabrication, exportation, importation, transport, cession, acquisition et emploi, mais également détention et offre — est sévèrement sanctionné. 

S’agissant de l’usage, plutôt que la sanction, le législateur favorise l’emploi de mesures alternatives : rappel à la loi, injonction thérapeutique, consultations spécialisées. Si, jusqu’à très récemment, la loi ne distinguait pas entre les drogues : toute consommation des substances ou plantes classées comme stupéfiants
était sanctionnée pénalement de la même manière ; cette position a depuis peu évolué.

Fin 2018, l’assemblée nationale a validé un dispositif visant à permettre aux forces de l’ordre de se concentrer sur le trafic : une amende forfaitaire (200 Euros pouvant être ramenée à 150 Euros) vise depuis le 1er septembre 2020 les usagers en possession de moins de 10 grammes de cocaïne ou 100 grammes de cannabis. Il s’agit, en faits, d’une quasi – contraventionnalisation de l’usage du cannabis.

Propositions, concrètes

3.1 Sur un plan pratique :Mentionnons tout d’abord le fait qu’à la suite de l’avis (publié en juin 2018) du comité d’experts entériné par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) en juillet 2019, l’accès au cannabis à visée thérapeutique sera expérimenté en France à partir de 2020.

La France, comme nombre de pays, se refuse à franchir le pas de la légalisation jugeant que celle-ci constitue un risque en termes symboliques : la démarche à l’origine de la consommation étant de nature transgressive et la limite reculant, la crainte de voir des populations jeunes se porter vers des drogues dures est rhédibitoire.

Le Portugal a opté pour une voie diamétralement opposée : afin de lutter contre la consommation d’héroïne et le VIH, le législateur portugais a décriminalisé l’usage de l’ensemble des stupéfiants (cannabis mais également, cocaïne et héroïne) afin de concentrer ses moyens contre le trafic.

La plupart des défenseurs de la légalisation arguent d’ailleurs — comme c’est le cas aux Etats -Unis et au Canada — que celle-ci permettrait de mettre à mal les cartels mafieux, et de contrôler la qualité et la quantité des stupéfiants légalement distribués. Reste qu’au Canada, où l’expérience de légalisation du cannabis a été menée à la fin 2018, l’expérience n’est pas probante : les circuits parallèles n’ont pas disparu – les prix légaux étant bien au-dessus de ceux du marché noir —et les distributeurs officiels rencontrent des difficultés économiques certaines.

3.2 Au plan symbolique :C’est évidemment là qu’est l’enjeu au regard du débat auquel nous participons. Dans un article publié dans le journal Le Monde Pierre-Yves Gautier et Christophe Perchet soulignent à juste titre que « Les citoyens ne sont pas des enfants ».

Ils font état de ce que : « L’autonomie de l’individu, concept essentiel qu’a consacré la Cour européenne des droits de l’homme – celle-là même dont le juriste et Prix Nobel de la paix René Cassin (1887-1976) posa les bases –, consiste à lui laisser un minimum de part de responsabilité dans ses actes, le respect dû par tout État à sa liberté et sa dignité. Les citoyens ne sont ni des enfants, ni des sortes d’objets de l’existence desquels un groupe de médecins et de politiques disposerait de manière discrétionnaire, au motif, vertueux mais qui doit être pesé et vérifié, de protéger leur santé ou celle des autres. »

Ces mêmes principes doivent à notre avis s’appliquer en matière de libéralisation du cannabis.

Proposition phare

L’autonomie de l’individu, concept essentiel qu’a consacré la Cour européenne des droits de l’homme, consiste à lui laisser un minimum de part de responsabilité dans ses actes, le respect dû par tout État à sa liberté et sa dignité.

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