Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Violences conjugales : l’épidémie ignorée

Respectable Loge, Étoile de Marianne, Orient de Niort, Région 9 Ouest

Mots Clefs : Féminicide

Constats

  • C’est l’épidémie dont on ne parle pas et qui pourtant fait des ravages … Chaque année en France, plus de 220 000 femmes sont victimes de violences conjugales. Ces violences touchent les femmes sans distinction d’âge et de milieu. Le plus souvent, il s’agit de violences répétées, 70 % des victimes reconnaissant avoir été agressées à plusieurs reprises au cours des deux dernières années, et dans plus de la moitié des cas, les enfants sont témoins de ces scènes de violences. Le chiffre est accablant, pour autant il est bien en deçà de la vérité compte tenu de la proportion importante de victimes qui gardent le silence, soit pour protéger leurs enfants, leur réputation ou simplement leur vie. Selon une enquête nationale sur la violence faite aux femmes, 1 femme sur 10 serait touchée en France par la violence conjugale, mais seules 16% d’entre elles déposent plainte, la grande majorité restant muette, plongée dans un climat de peur permanente.

Malgré une prise de conscience de la Société et les manifestations d’ampleur qui se sont déroulées en 2019 contre les violences faites aux femmes, le problème n’a jamais été aussi présent et, jour après jour, le compteur macabre des féminicides continue de s’égrener. En 2019, 146 femmes ont été tuées par leur partenaire, soit 24 victimes de plus qu’en 2018, ce qui représente une augmentation des cas de féminicides de 21 % sur un an. Entre janvier et août 2020, 62 nouvelles femmes ont été assassinées en France par leur conjoint ou ex-conjoint.

Ces chiffres sont là, terribles, pour nous rappeler que la violence faite aux femmes n’est pas une abstraction ou une lubie féministe, mais une réalité que vivent quotidiennement des milliers de femmes humiliées, violentées ou battues à mort parce que femmes. La violence à l’égard des femmes est une violation grave des droits fondamentaux des femmes. Peu importe quand, où et comment les actes de violence sont commis. Ils sont inacceptables.

  • La violence conjugale est la forme la plus fréquente de violence envers les femmes. Elle se situe au plus près de nous, dans nos environnements personnels, professionnels et sociaux. Ces agressions ne sont pas que le résultat d’actes individuels et spontanés d’inconduite. Elles relèvent d’un processus complexe trouvant son origine dans la vision que l’homme auteur a de la femme victime. Dans toutes leurs composantes, elles constituent des attaques du statut de femme, de mère et d’individu et sont profondément ancrées dans la relation structurelle d’inégalité qui existe entre les femmes et les hommes dans nos sociétés, y compris les plus évoluées.

L’impact humain et économique de cette forme de violence est tout à fait considérable. Une étude sur l’estimation du coût de la violence faite aux femmes publiée par l’Institut Européen pour l’égalité des sexes évalue à plus de 29 milliards d’euros par an le coût des violences conjugales en France. La totale mesure des conséquences de ces violences reste cependant difficile compte tenu des impacts psychiques qui sont le plus souvent méconnus. Ces violences conjugales peuvent aussi avoir des répercussions significatives sur la vie professionnelle des victimes, les blessures visibles, le dénigrement, la perte de confiance en soi, le contrôle de l’activité économique et des déplacements par le conjoint pouvant aller jusqu’à perturber, voire rendre difficile l’accès ou le maintien dans l’emploi.

Associée aux pressions économiques et sociales que provoque la pandémie de Covid 19, la crise sanitaire a accru les tensions au sein des ménages et donc significativement les risques de violence domestique. Durant le confinement, le stress, la distanciation sociale, la perte de revenus et les difficultés à accéder aux services de protection ont rendu la cohabitation et le huis clos avec un conjoint violent encore plus dangereuse pour les femmes et leurs enfants.

Selon les chiffres publiés par le Secrétariat à l’Égalité, au cours du seul mois d’avril, les forces de l’ordre ont effectué 44 % d’interventions en plus pour différents familiaux par rapport à la même période en 2019. Plusieurs associations soulignent que beaucoup de victimes se sont manifestées pour la première fois lors du confinement et que parmi les victimes déjà connues, un grand nombre indiquait que les violences de leurs compagnons s’étaient intensifiées.

Malgré les moyens d’urgence mis en place par le gouvernement (campagnes de communication pour favoriser les signalements, Sms 114, points d’accueil dans les pharmacies et supermarchés, renforcement des moyens d’accueil d’urgence, permanences judiciaires pour audiences de comparution immédiate), la crise sanitaire a révélé – une fois de plus- dès les premiers jours du confinement l’ampleur des violences conjugales commises en France et l’extrême vulnérabilité des femmes qui en sont victimes.

Documentation de référence

Travaux de l’Observatoire National des violences faites aux femmes

Grenelle des violences conjugales www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr 

Publications de la Fondation des Femmes et du Collectif #Nous Toutes

Un enjeu de santé publique de 1er plan et une responsabilité citoyenne :

Durant la dernière décennie, chaque gouvernement a pris des engagements pour agir contre les violences faites aux femmes, le sujet étant régulièrement érigé « en grande cause » nationale. Pour autant les chiffres sont toujours là et ce fléau perdure, tous les moyens financiers n’ayant jamais été véritablement dégagés pour accompagner les actions et faire évoluer les mentalités.

A l’issue du Grenelle sur les violences conjugales, le gouvernement a annoncé en novembre dernier 30 nouvelles mesures, dont 10 d’urgence, axées sur la prévention de la violence et la protection des victimes, sans qu’à nouveau les budgets ne soient significativement augmentés (361,5 millions d’euros programmés sur ce poste en 2020 pour des besoins estimés au minimum à 506 millions par les associations). Neuf mois après la conclusion du Grenelle, la plupart des mesures annoncées, y compris d’urgence, ne sont toujours pas appliquées … Face à ce nouveau constat, les associations engagées contre les violences faites aux femmes dénoncent tour à tour l’échec de ce Grenelle compte tenu du manque de moyens associés à ces actions pourtant estimées globalement adaptées.

Vu l’ampleur du problème, et le nombre croissant de féminicides, il y a urgence à protéger les femmes victimes de ces violences et à créer les conditions d’un changement radical dans les comportements citoyens. C’est une priorité sociétale et éthique car notre Société ne peut laisser perdurer une violence sexiste qui fragilise sa structure sociale et menace ses fondements.

Affecter des moyens conséquents et pérennes à la lutte effective contre les violences conjugales. Il s’agit déjà d’évaluer au plus près les coûts des mesures annoncées suite au Grenelle (formation des forces de l’ordre et de justice, prise en charge psychologique des auteurs de violence …) et d’y consacrer effectivement les budgets nécessaires pour une mise en œuvre au plus tôt. Il convient également de débloquer les fonds suffisants pour financer la création de nouvelles structures d’accueil et les places d’hébergement d’urgence supplémentaires nécessaires au plan local (besoins estimés entre 16 000 et 30 000 places par la Délégation Droits des femmes du CESE contre 6 000 existantes). Plus globalement, il s’agit de doter l’ensemble des acteurs de terrain (collectivités, associations, services sociaux, police, justice, …) de tous les moyens leur permettant d’améliorer significativement la prise en charge des femmes victimes et d’engager des actions de prévention.

Mieux épauler les victimes. Le plus souvent, face aux violences de leur conjoint, les femmes sont totalement démunies. Dès le 1er contact (appel d’urgence, dépôt de plainte, consultation médicale), un accompagnement individualisé doit donc être mis en place au plus près des besoins des victimes : lieux d’accueil et interlocuteurs dédiés aux victimes de violences conjugales dans les commissariats et gendarmeries, mise en relation immédiate avec une association, identification de référents spécialisés dans tous les tribunaux, accès direct et en urgence aux unités médico-judiciaires avant même tout dépôt de plainte, hébergement d’urgence … Pour faciliter cet accompagnement, des formations initiales et continues doivent être rendues obligatoires pour tous les services d’accueil des victimes de violences conjugales (police, police municipale, gendarmerie, services sociaux, justice, personnel médical) afin de les sensibiliser et les former aux différents aspects de ces situations.

Développer la conscience citoyenne et faire évoluer les mentalités. Pour reconnaître le féminicide et éradiquer la violence faite aux femmes, il est nécessaire que notre société tout entière s’empare du sujet et prenne conscience du caractère immoral et illégitime des violences exercées sur les femmes.

Cette violence ne peut en aucun cas être seulement l’affaire des femmes victimes. La représentation que les hommes auteurs ont des femmes dans notre Société et la persistance des inégalités entre les femmes et les hommes en sont le moteur. Agir contre les violences faites aux femmes, c’est dénoncer cette violence pour ce qu’elle est, une violence sexiste. C’est aussi agir pour la reconnaissance dans notre Société d’une véritable égalité entre les hommes et les femmes.

Pour redonner un sens à la citoyenneté, il faut continuer à sensibiliser la société à la problématique des violences conjugales, à responsabiliser les témoins de ces violences en les invitant à signaler les situations et à aider les victimes qu’ils connaissent. Réagir peut tout changer.

Développer la conscientisation et la responsabilité individuelle implique par ailleurs de s’attaquer véritablement et simultanément à tous les ressorts qui construisent ces violences en luttant contre les stéréotypes de genre et ce, dès le plus jeune âge. Une véritable éducation citoyenne doit donc être mise en œuvre : campagnes d’information nationales et locales régulières (affiches, clips vidéo …), présence active des collectifs engagés pour les droits des femmes sur les réseaux sociaux, généralisation de programmes d’enseignement en classes maternelles et élémentaires pour transférer des valeurs d’égalité et de respect entre filles et garçons, éducation à l’égalité femmes-hommes dans les collèges et lycées …

Nul doute que nous avons nous aussi, Francs-Maçons, un rôle à jouer pour mettre un terme à cette forme majeure d’injustice et de violation des droits humains.

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