Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Un nouvel Horizon, une Prospective Maçonnique

Respectable Loge, Parole et Création, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : Nouvel horizon

Première partie : Une démarche tout à la fois individuelle et collective, intime et sociétale…

Face au défi des enjeux colossaux dont dépendent l’avenir et le progrès de l’humanité, il est souvent difficile de trouver la juste voie, celle qui permet d’adopter un comportement conscient, d’avoir un jugement positif et de défendre avec conviction les positions prises pour le bien commun. C’est pourtant là un impératif catégorique. Sans Éthique profonde en effet, il est impossible, dans notre monde contemporain, de dépasser le quotidien et d’envisager le jour d’Après. Sans Rêve réaliste, il est chimérique de construire un Monde d’Après qui ne soit pas que le pâle reflet de celui d’Avant. Sans Utopie constructive, il est illusoire de concevoir un avenir différent du monde que nous avons connu et qui nous a mené aux catastrophes humaines, économiques, sociales et environnementales que nous avons connues aux XXème et XXIème siècles… Fions-nous à Jacques Attali quand il écrit : « L’utopie est la volonté de modeler l’image de la Société à partir d’un idéal éthique, d’une certaine conception de la justice, du bonheur, de l’efficacité, de la responsabilité. »

Pour relever ce défi, il nous faut mettre en œuvre une démarche qui soit tout à la fois intime et sociétale. En effet, comme l’écrit Helder Camara, archevêque d’Olinda et Recife connu pour sa lutte contre la pauvreté dans le monde, « Lorsqu’on rêve tout seul, ce n’est qu’un rêve alors que lorsqu’on rêve à plusieurs c’est déjà une réalité. L’utopie partagée, c’est le ressort de l’Histoire. » Nous sommes cependant devant une difficulté majeure que les réactions de nombreux acteurs du monde contemporain à la pandémie due au SARS-CoV-2 ont mis en exergue : dépasser le quotidien en plein doute existentiel, ne peut se faire que si, éclairé par notre espérance et notre comportement éthique, nous parvenons à relier notre vie de tous les jours à la conscience que nous avons de notre existence. Cessons aussi de penser l’infiniment petit pour penser l’infiniment grand parce que c’est bien à l’échelle de l’univers que tout se joue. Oublions, un instant, notre vie au jour le jour qui est une confrontation permanente entre des événements bien ordinaires souvent dénués d’importance et la recherche de l’Infini inaccessible bien qu’il reste une préoccupation fondamentale pour l’Homme. Progressons dans notre quête d’éternité même si toute réflexion, toute discussion sur l’infini, sur l’absolu, prend rapidement un tour philosophiquement abyssal tant il transcende nos facultés de compréhension parce que, conscients de notre finitude, nous sommes incapables d’atteindre la Vérité.

Deuxième partie : Suivant l’exemple de nos pères…

La question du nouvel horizon induit donc celle de l’ancien horizon. Quelles valeurs, quelles intentions, quelles impérieuses nécessités ont-elles conduit à la situation actuelle ? La normalité que nous vivions avant l’épidémie reste-t-elle si normale aujourd’hui alors que nous ne pouvons toujours pas entrevoir ce fameux « retour à la normale » que nombre de nos contemporains appellent de leurs vœux ? Il nous faut nous interroger alors sur ce que nos prédécesseurs ont entrepris lorsqu’ils ont emprunté le chemin parallèle ou de traverse qui a mené à l’esprit et à la création de l’ordre maçonnique. Se replonger dans l’histoire de notre ordre nous ramène au XVIIème siècle, jusqu’à ce jour de 1717, dans cette fameuse auberge de l’Oie et du Gril, qui fut notre point de départ. Si l’on considère que les faits, les décisions, les entreprises, et leur succès, donnent à réfléchir sur l’air d’une époque, que signifiait de vouloir se réunir dans un lieu de riche pitance, pour créer un nouvel espoir ? Si l’on considère qu’une génération porte l’héritage de ses parents et grands-parents, de façon intime, de la centaine d’année qui la précède, et qu’elle s’y inscrit soit en continuité, soit en opposition, on peut imaginer que cette nécessité de créer et le succès qui s’en suivit, est l’héritage à la fois de la renaissance de la pensée individuelle et de l’échec des religions à diriger la société des humains. Après plus d’un millénaire de domination religieuse monothéiste, et après un siècle de guerre de religion, le temps était venu de remettre l’homme et sa pensée, au centre de sa raison d’être, l’homme libre de penser par lui-même, par opposition à celui qui voyait sa conduite imposée par une transcendance qui tout à la fois le dépassait et l’élevait pour peu qu’il s’y plie. N’en sommes-nous pas revenus au même point ?

Troisième partie : Pour construire un nouvel Humanisme ?

Plutôt que de parler du « Monde d’Après », la question qui se pose donc aux populations actuelles et plus spécifiquement à nous Francs-Maçons, collectivement, est bel et bien « Quel projet de société instaurer et défendre ? » Après une société établie pour un être supérieur par l’Obéissance, après une société construite pour l’homme lui-même par le Progrès, après une société construite pour le profit par le Libéralisme, peut-on imaginer une société érigée pour la vie par la Conscience, où l’homme occuperait une humble place parmi d’autres êtres et organismes vivants et établirait une nouvelle normalité. Force est de reconnaître que la normalité de la vie et les valeurs qu’elle sous-tend revêtent un ensemble d’évidences bien différentes selon que l’on se trouve à différentes latitudes ou dans différentes tailles et formes de groupes sociaux. La Maçonnerie compte ainsi parmi ses valeurs celle du Progrès. Mais l’Humanité peut-elle encore progresser ? Et doit-elle toujours progresser ? Pour quel bénéfice ? Et pour qui ? Un investisseur se pose toujours la question du rapport Coût / Bénéfice, mais cela signifie qu’il en supporte le coût. Dans le cas de notre société actuelle, qui est le bénéficiaire, et qui supporte le coût ? Nos sociétés s’établissent sur la seule dualité des revenus du Capital et du Travail, omettant de prendre en compte la prise de risque (individuelle et collective) et la rémunération de celui-ci comme vecteur de progrès certes technologique mais bien davantage encore humaniste. Elles sont dirigées par des technocrates issus d’une élite qui se reproduit entre elle sans lien avec le peuple, sans passer par les élections et capables d’engager des dépenses sans en assumer le risque. La liberté est grande pour un demandeur qui n’est pas payeur, elle est même infinie.

Et pourtant, il est intéressant d’observer comment, en moins d’une décennie, le terme de « croissance », qui était l’indicateur absolu et indiscutable d’un bénéfice, s’est transformé, dans le monde civil, subtilement en « Développement durable », pour être substitué par « Transition écologique ». L’homme, pour survivre, peut continuer à prétendre entretenir le mythe de l’arche de Noé et organiser de façon méthodique le futur à de l’indispensable, si tant est qu’il lui soit possible de l’identifier. Il peut aussi, plus discrètement, considérer que sa trace devra être moins visible, « réduire son empreinte », s’économiser ou juste ralentir. Plutôt que d’aller vite et loin, marcher et rester proche, proche de ce qui l’entoure physiquement ou intellectuellement. Mais s’il regarde bien, que voit-il ? Une famille peut-être, des voisins, des collègues, des personnes qui partagent le même espace que lui ou plus largement qui partagent le même environnement et les mêmes incertitudes. Et s’il reste attentif, sans bouger, il observera nombre d’autres êtres vivants. Il pourra observer ce fameux écosystème, qui, s’il n’est pas « géré » par l’homme, atteint un équilibre bien moins précaire. Ces deux mois de confinement nous l’ont démontré de façon criante ou chantante.

Homo erectus a vécu 1,5 Millions d’années. Sapiens aurait 200 à 300 mille ans. Mais saura-t-il vivre encore quelques siècles ? Sapiens est-il nommé, mais c’est à se demander si le Savoir et la Connaissance ne sont pas à l’origine de tout ce qui détruit. Quel horizon pour la Maçonnerie dans tout cela en particulier et pour le monde en général ? Après 300 ans d’existence de notre Ordre, il est grand temps de relire nos textes fondateurs. L’Humanisme qui s’opposait au Déisme de l’époque, ne peut-il laisser sa place au « Naturisme », au retour à une gestion plus rationnelle du bien commun au sens large ? Un mot est incontestablement à trouver pour qualifier un monde à inventer.

Paul Éluard écrivait : « C’est la douce loi des hommes de changer l’eau en lumière, le rêve en réalité et les ennemis en frères. » Voilà de quoi nourrir l’utopie constructive et le rêve réaliste qui doit nous conduire à une redéfinition de notre éthique humaniste maçonnique. En intégrant les dimensions tout à la fois humaines, économiques, sociétales et environnementales dans un projet de société qui dépasse le cadre tant des illusions individuelles que des convictions hégémoniques collectives, une sorte de République universelle.

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