Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Un modèle économique de « parfaite » solidarité : les mutuelles

Respectable Loge, Parfaite Sincérité, Orient de Marseille, Région 15 Provence- Alpes - Corse et Loges de Sardaigne et d'Italie

Mots Clefs : Économie solidaireMutuellesSouveraineté nationale

La crise comme révélateur des forces de notre modèle social mais également des faiblesses de nos activités stratégiques de production de biens et services

Pour contribuer aux réflexions nationales de mesure des impacts de la crise sanitaire et proposer des solutions afin d’atténuer le « choc économique et social » qui en découle, le présent propos s’attèle au modèle économique et de gouvernance susceptible de pérenniser les organisations sensibles du pays des Lumières, lequel avait une « utopie constructive » assise sur un cadre de pensée humaniste.

Il est de notre responsabilité de proposer aux décideurs et aux relais d’opinions notre vision des choses.

Certains paradoxes actuels peuvent devenir insupportables à l’esprit Humaniste maçonnique. C’est sans doute le cas de la spéculation sur les matières premières et agricoles en pleines émeutes de la faim (2007-2008) ou bien des mouvements financiers actuels concernant les entreprises pharmaceutiques ou de bio-ingénierie alors que la crise de la COVID-19 perdure. Cela est d’autant plus insupportable que des alternatives existent : les sociétés d’entre-aide (coopératives et mutuelles). Elles répondent aux enjeux de partage, d’hospitalité, de solidarité et d’altruisme mais elles offrent aussi des garanties fortes en matière de sécurité sur le plan juridique, économique, managériale et sur celui de la gouvernance.

Le besoin de sécuriser les activités stratégiques en les soustrayant aux mouvements erratiques des marchés financiers.

Lors des privatisations des années 1986 et 1987, le gouvernement avait pris le parti de créer des « noyaux durs d’actionnaires », afin d’assurer une stabilité de la gouvernance et favoriser une vision stratégique de moyen à long terme. La cession de pans entiers de l’économie s’accompagnait de participations croisées et des débuts français de l’actionnariat salarié. Les « champions nationaux » voyaient leur capitalisation augmenter et, dans le même temps, ils étaient protégés des raids boursiers que l’ouverture de leur capital faisait craindre.

La dilution de la part détenue par l’État a été, un temps, neutralisée par la prise de participation d’autres champions eux-mêmes privatisés. Cet entre-soi du grand capitalisme français aurait dû être tempéré par l’introduction de l’actionnariat salarié, permettant ainsi tant la constitution de noyaux fidèles d’actionnaires qu’une nouvelle forme de rémunération des efforts de productivité consentis par les salariés de ces groupes.

Les « noyaux durs », « Golden Share », « Poison Pill » et autres tentatives de contenir les forces des marchés financiers devenus dérégulés, désintermédiés et progressivement sans aucune logique économique se sont toutes soldées par des échecs cuisants ; qu’il s’agisse de l’affaiblissement durable de l’entreprise concernée (EDF, Air France, PSA, Vallourec), de sauvetage/fusion avec un « chevalier pas si blanc que cela » (Caisses d’épargne, GDF), voire la disparition de leur activité de mission publique (Orange, TF1). S’ensuivent alors logiquement des années durant lesquels les plans d’économie s’enchainent et épuisent la capacité de création et de rebond de ces organisations dont l’objectif, unique et à très court terme, est une course à la rentabilité. En outre, le droit européen est venu contraindre encore plus le rôle de l’État. Avec « l’arrêt Total » de 2002, la CJCE a considéré qu’un État ne saurait conserver un droit de regard « injustifié » dans une entreprise privatisée.

Il est pourtant une structure permettant la développement économique et social tout en garantissant, par le droit et son mode de financement, sa résilience aux soubresauts de la finance débridée et ce, indépendamment de la présence de l’État à son capital : la mutuelle. Celle-ci est fondée sur 4 grands principes : il s’agit d’une organisation à but non lucratif, avec un fonctionnement basé sur la solidarité des cotisations, une autogestion par les décisions et un partage équitable des revenus.

Les statuts des coopératives ou des mutuelles offrent la garantie de l’indépendance tout en permettant de se financer grâce à un modèle économique viable et pérenne. Mais pour recourir à un mode de financement le plus large possible (type crowdfunding, si populaire et efficient), seules les mutuelles sécurisent le cercle le plus large possible des apporteurs de ressources. En effet, notre pari est que l’instabilité chronique et croissante des marchés financiers incitent les apporteurs de capitaux à diversifier de plus en plus leur portefeuille. Ce dernier doit désormais contenir des actifs sans risque afin d’équilibrer les prises de positions les plus rémunératrices. Cela est dans leur intérêt économique en cas de retournement de tendance car moins couteux que les mécanismes de couverture classiques. Par ailleurs, les ratios prudentiels internationaux y contraignent tant les banques que les compagnies d’assurances. Il y a donc des acteurs majeurs de la finance qui pourraient être disposer à placer leurs fonds sans recherche du profit, si tant est qu’on les y incite. 

La mutuelle comme structure de couverture des risques économiques et sociaux.

Au fil des siècles, la mutualité a joué un rôle prédominant dans le développement des systèmes de protection sociale et de retraite que nous connaissons aujourd’hui. Il s’agit du mouvement social le plus ancien de l’histoire de France, avec une première mention d’une société de secours mutuel répertoriée en l’an 1319. Une mutuelle désigne donc un organisme à but non lucratif, régie par le Code de la Mutualité, qui opère dans les secteurs de la prévoyance et de l’assurance. Son financement est solidaire. La mutuelle se caractérise aussi par sa gestion, qui est réalisée par les employés eux-mêmes sur le principe de l’autogestion. Les décisions sont prises de façon décentralisée le plus souvent possible, et les revenus sont partagés entre les salariés équitablement.

Il ne s’agit donc pas d’une solution pour toutes nos entreprises mais bien un moyen de prévenir la déstabilisation d’entreprises d’intérêt stratégique par une logique de profit immédiat et, dès lors, voir leur activité de fourniture de biens et de services, nécessaire à l’intérêt collectif, entravée. Le recensement des entreprises concernées est laissé à l’appréciation du régulateur et suit la logique de préservation de la souveraineté nationale.

La thèse proposée ici serait donc de généraliser à certains secteurs économiques prescripteurs de « bien public » un modèle économique et de gouvernance protecteur pour la structure comme pour les bénéficiaires et les salariés. A titre d’exemple, le monde de la santé publique (dont l’industrie pharmaceutique et la recherche publique font intrinsèquement partie) se prête particulièrement bien à notre thèse : la mutualité répond à plusieurs des questions soulevées par tant la nécessité de renforcer la souveraineté que favoriser les activités à forte valeur ajouté à partir de fonds limités. Il s’agit à la fois d’améliorer notre système de santé pour le rendre plus robuste et fiable et, en même temps, de configurer un nouveau modèle juridico-financier comme base d’un nouvel ordre commercial mondial. Des entreprises clefs des secteurs stratégiques et de biens ou services de premières nécessités (santé, alimentation, industries de réseaux comme les transports ou l’énergie/environnement, voire le secteur de la culture ou des NTIC) sont susceptibles d’entrer volontairement dans ce dispositif de « protection des marchés financiers ».

Un statut de mutuelle adapté pour sécuriser les activités stratégiques nationales

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