Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Renforcer le pacte républicain par une nation apprenante

Respectable Loge, L’Etoile bleue, Orient de Toulon, Région 2 Alpes Côte d'Azur

Mots Clefs : ÉducationEmploiSociété

Le constat

Quelle école pour quelle société : société ou les inégalités sont de plus en plus marquées et où l’école est une matrice de la reproduction sociale, société qui a besoin d’une meilleure répartition des richesses pour préserver notre modèle démocratique et lutter contre le glissement vers des modèles autoritaires avec l’émergence de démocratures ? Définir l’école : instruire, éduquer, acquérir des compétences, une socialisation, réduire les écarts, permettre une évolution sociale, … Définir le rôle de l’école : doit-elle préparer des jeunes gens à devenir uniquement employables ? Doit-elle permettre de réfléchir par soi-même ? Doit-elle préparer des jeunes gens à devenir des consommateurs et des employés dociles » répondant aux injonctions de la société de consommation et aux critères des fiches de poste ? Doit-elle contribuer à préserver le pacte républicain, partout en France ? Doit-elle être définitivement inclusive ? Une école sélective ou vers des quotas : la sélection rien que la sélection ne remet elle pas en question la valeur d’un diplôme lorsque ce dernier est obtenu dans une école classée dans le top 5 et celui obtenu dans le tiercé de queue ? Y-a-t-il un risque de creuser des écarts et son corolaire de créer un système éducatif multi vitesses ? Y-a-t-il un risque de créer des déserts éducatifs avec in fine des déficits de compétences ?

La scolarité débute à la maison avec le bain langagier, l’accès à la culture, aux livres, à l’art, à la musique. A leur rentrée en CP, les écoliers les mieux lotis maîtrisent 2 500 mots, les plus défavorisés 500. Notre École filtre, restreint l’accès, sélectionne, même si ce n’est pas toujours assumé. Les critères de sélection sont en fait plus largement fondés sur l’échec que sur le mérite. La scolarité, pour de nombreux élèves issus des milieux défavorisés, est une longue histoire marquée par l’incompréhension, avec des enseignants recrutés via « pôle emploi » ou des titulaires débutants pas ou mal formés qui ne perçoivent pas l’écart entre leurs discours, leur langage, et la capacité de leurs élèves et de leurs parents à les comprendre. Les enseignants les plus expérimentés et les mieux rémunérés ne sont pas sur les postes clés dans les réseaux d’éducation prioritaires et dans les collèges défavorisés mais dans les classes préparatoires aux grandes écoles. La logique des groupes-classes condamne les apprenants à passer de longues heures dans des cours où ils n’apprennent rien et s’ennuient. Les plus calmes s’endorment, les plus énergiques pénalisent les autres qui sont en difficulté. Ce temps gâché pour notre jeunesse représente à l’échelle du pays un gisement d’épanouissement : arts, sports, … Les rescapés de cette scolarité mutilée entrent dans le supérieur avec des lacunes amplifiées qui les condamnent à une massification universitaire, une orientation par défaut avec des conditions d’encadrement très défavorables, avec au bout très souvent l’échec et la frustration. Plus qu’ailleurs, en France le baccalauréat et les filières sélectives du supérieur constituent avant l’âge de 25 ans, des avantages acquis pour le reste de l’existence, les carrières rémunératrices et les postes à responsabilité. Le fonctionnement d’un système aussi brutal et source de gaspillage contribue à l’aggravation des inégalités sociales, territoriales et de genre et produit triche, stratégies de contournement et dérive marchande. Le système actuel entraîne une baisse des exigences du corps enseignant, un grand stress, une frustration et, quelquefois, colère, dégradation de l’estime de soi, perte de confiance dans l’institution… L’échec scolaire se traduit par un gaspillage budgétaire et un coût social inacceptables. Le pays se prive de brillants cerveaux issus des minorités et de catégories sociales défavorisées. A l’autre extrémité de l’échelle aucun Bill Gates, Steve Jobs, Larry Page, Sergei Brin, Mark Zuckenberg ou Elon Musk dans les promos de Polytechnique…

Qui est aux commandes ? Qui définit les orientations des programmes et des référentiels de formation : qui les commande ? Que doivent-ils développer ? Compétences, savoirs, savoir-faire, savoir-être, employabilité, autonomie ? Le Conseil supérieur des programmes fonctionne d’une manière « top-bottom » très éloignée de la réalité du terrain et de l’apprenant moderne. Ce dernier consulte neuf fois par heure son smartphone, il est impatient et ne reste pas attentif plus de 4 minutes devant un support, il a développé des réflexes d’autonomie numérique (Google, tutoriels YouTube, TED, MOOC, forums, …). Enfin 50 à 70% des métiers[1] sont amenés à changer radicalement avec le déploiement des robots car d’ici 2025, les machines accompliront plus de tâches professionnelles que les humains. 75 millions d’emplois pourraient disparaître dans de nombreux secteurs d’ici 5 ans[2]. Les actuels étudiants auront déjà exercé 8 voire 10 emplois différents à l’âge de 38 ans[3]. Nous entrons dans la 2ème phase de développement numérique « avec la plus énorme perturbation au sein de la main-d’œuvre mondiale ». Un jeune actif aujourd’hui a 5 chances sur 6 d’occuper en 2030 un métier inexistant à l’heure actuelle. 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui, c’est un défi pour le monde de l’éducation, de l’orientation et de la formation professionnelle. La crise du COVID-19 pourrait encore accélérer ce processus.

La problématique : analyse et réflexions

La structure organisationnelle et hiérarchique actuelle de l’éducation nationale répond-elle réellement aux enjeux ? Comment former les professionnels dont les entreprises ont et auront besoin demain, comment s’adapter à l’apprenant moderne, le former tout au long de la vie, pour maintenir son employabilité dans un environnement turbulent développer sa curiosité, sa créativité, son goût d’apprendre, donner du sens et du plaisir ? Les tentatives de réformes se sont succédées renforçant chez de nombreux enseignants une attitude attentiste, voire de rejet. Les textes, souvent d’excellente inspiration intellectuelle, souffrent d’une incongruence avec la réalité du terrain et donc une mise en œuvre très imparfaite, lorsqu’ils ne restent pas lettre morte. La turbulence de l’environnement et ses changements à haute fréquence, les outils digitaux à portée de main semblent condamner le cours magistral et la rente de l’édition des manuels scolaires. Une nouvelle ingénierie pédagogique est à créer. Les travaux en sciences de l’éducation, pédagogie, didactique, neurosciences, les expérimentations et succès à l’étranger (Finlande, Singapour,..) sont à portée de main. Les apprentissages complexes nécessitent des méthodes pour accéder au sens et d’aller bien au-delà de l’exposition répétée à des éléments culturels. Toutefois, il faut prendre au sérieux l’existence de puissantes forces de résistance. Alors que le même individu va devoir se former de manière construite tout au long de sa vie, l’éducation nationale, l’enseignement supérieur et la formation professionnelle fonctionnent de manière étanche : vision, impulsions, sources de financement, moyens matériels, ressources humaines, pédagogie. Le recrutement des personnels de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle doivent être remise à plat : sur concours pour l’Éducation nationale (connaissances), par cooptation pour l’Enseignement supérieur (réseautage) et sur CV et entretien pour la formation professionnelle.  La formation des enseignants est indigente, chaotique et l’inspection est un système infantilisant. Un enseignant français est recruté au niveau Master sur concours. On lui confie la jeunesse du pays. Il gagne 27 512 € en début de carrière contre 56 941 € en Allemagne (plus du double) et 47 657 € en fin de carrière contre 77 856 € en Allemagne (48 129€ au Portugal)[4].

Propositions concrètes, opérationnelles, disruptives

  1. Réduire très significativement les effectifs classe du primaire et du collège et se donner les moyens humains d’une école inclusive
  2. Travailler 5 fondamentaux dans toutes les formations : raisonner-développer le bon sens, s’exprimer oralement et par écrit, comprendre et s’exprimer en anglais, se cultiver et faire du sport, utiliser les technologies numériques
  3. Organiser la scolarité, les progressions, l’emploi du temps par compétences et permettre à l’apprenant de suivre un cours équivalent de la 6ème sur un sujet de géométrie qui lui pose des difficultés pour enchaîner sur un cours équivalent de la 3ème en algèbre car il avance très vite
  4. Valoriser les acquis mais réserver les évaluations et classements au niveau bac et postbac
  5. Former les enseignants… à l’enseignement : Montessori, méthode de Singapour, etc.
  6. Rémunérer les enseignants dans la même proportion que l’Allemagne, les Pays-Bas,…
  7. Permettre aux enseignants « épuisés » et « démotivés » de quitter leur fonction avec des solutions de reconversion
  8. Mettre en place un système de primes très incitatives en fonction des établissements et des classes : banlieues, collège, séries professionnelles
  9. A partir du CNED ouvrir une banque de ressources (préparation, évaluations) partagée et alimentée par tous les enseignants et supprimer les manuels scolaires
  10. Harmoniser le recrutement des enseignants (secondaire, supérieur, professionnel) : connaissances (concours) et motivation (entretien un jury d’enseignants en poste)
  11. Supprimer le corps d’inspection : infantilisant et devenu vide de sens
  12. Décloisonner le monde de l’enseignement en développant le co-enseignement : professionnels (arts, sports, entreprises…) et enseignant
  13. Fusionner les livrets, diplômes, certifications, Parcoursup, Ecandidat dans le CPF qui deviendra un passeport d’employabilité permettant en lien avec pôle emploi, les CFA, GRETA, AFPA…

[1]                                OCDE

[2]                                Rapport du Forum économique mondial

[3]                                Bureau du Travail américain

[4]                                Eurostat

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