Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Quels problèmes économiques la situation de pandémie a-t-elle fait apparaître ? Comment les résoudre ?

Respectable Loge, Intersection, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : Conséquences géopolitiquesConséquences sur l’organisation de la production et du travailCrise mondiale simultanéeDéséquilibresNiveau de vieUn nouveau paradigme

L’épidémie de coronavirus est un événement d’ampleur historique. Une nouvelle étape dans le récit politique   et économique global, comme le fut le 11 septembre 2001. Certains y verront la fin de la croyance dans la mondialisation. Les stratégies macro-économiques des États et celles micro-économiques des entreprises et des individus sont contraintes de prendre en compte les fragilités globales brutalement révélées par cette crise. 

Au niveau macro-économique : une ampleur inédite, potentiellement dévastatrice

 L’impact de la pandémie sur l’économie mondiale est massif : contraction du PIB mondial en 2020 estimée à -5,2% (Banque Mondiale) et à -3% (FMI), soit la plus forte et la plus généralisée récession en temps de paix depuis 150 ans. L’épidémie est caractérisée par sa diffusion très rapide, entraînant des déséquilibres synchrones et une crise mondiale simultanée, sans possibilité pour une zone géographique d’avoir un effet d’entrainement par rapport à aux autres, et au contraire la possibilité que la sortie de crise d’une zone soit impactée par la diffusion de l’épidémie ailleurs. C’est un des effets les plus clairs de l’interconnexion des économies. Toutes les régions du monde subissent des baisses de croissance : Asie du Sud – 2,7%, Moyen-Orient -4,2% ou Amérique latine -7,2%. 

 L’autre caractéristique est une incertitude très forte, liée à la possibilité d’une crise à répétition. La récession pourrait atteindre 8% (Banque Mondiale) en cas de reconfinement. Les impacts touchent tous aspects de l’économie : défaillances d’entreprises, montée du chômage, hausse de l’endettement des ménages et des entreprises, pression sur les finances publiques, crise sociale potentielle accentuant la crise économique.

 Cette épidémie a un effet massif sur le niveau de vie des populations. L’impact sur l’emploi est inédit : l’OIT estime l’équivalent de 195 millions de travailleurs à temps plein a été détruit. Aux États-Unis, le taux de chômage est passé de 3% à 20% en deux mois.  En France, 10 millions de personnes ont basculé dans le dispositif de chômage partiel. Les mesures de confinement totales ou partielles ont affecté 2,7 milliards de travailleurs, soit les 4/5e de la main-d’œuvre mondiale. Entre 70 et 100 millions de personnes pourraient basculer dans l’extrême pauvreté (Banque Mondiale), effaçant ainsi les progrès des trois dernières années de lutte contre la pauvreté. 

 C’est le potentiel de croissance à moyen-terme de l’économie mondiale qui est durablement impacté, même si une reprise globale, à hauteur de +4 à 5% est attendue en 2021. Le très fort endettement des États et des entreprises mettra du temps à se résorber. La crise va creuser la dette, qui atteindra 120% du PIB des pays riches. La dette américaine (25 trillions) représentera 107% du PIB en 2021, soit un ratio aussi important qu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Tous les pays de l’Euro-zone frappés par la pandémie ont laissé filer leur déficit. L’Allemagne a renoncé à maintenir son équilibre budgétaire, le déficit de la France sera de 220 milliards, sa dette atteindra 115% du PIB. 

   Ainsi, la pandémie de coronavirus impacte l’économie au niveau macro sur tous les aspects et impose un nouveau paradigme pour les politiques économiques des États : sur les équilibres fondamentaux entre croissance interne et commerce extérieur, au niveau de la dette publique et privée, au niveau de chômage et des amortisseurs keynésiens, sur la politique monétaire (en testant les limites de la politique accommodante mise en place depuis 2008) et la coordination des politiques budgétaires.

   Du fait de son caractère global, il est probable que cette crise aura d’importantes conséquences géopolitiques : stratégies opportunistes des régimes autoritaires (Chine, Turquie), intensification des cyber-attaques, montée des partis xénophobes dans les grandes démocraties. Parallèlement les structures de coopération internationales sont fragilisées. Les politiques de relance budgétaire transnationales (BEI : appui aux PME, financements sectoriels) faciliteront la sortie de crise, via des programmes d’investissements coordonnés pour accélérer la transition environnementale. Mais le risque est que certains pays (Chine, États-Unis) préfèrent favoriser l’investissement militaro-industriel, pour relancer leur économie tout en renforçant leur influence géostratégique.

Au niveau micro-économique, l’incontournable optimisation des processus de production et la possible refonte de la culture des organisations

   Le premier impact sur l’économie est la refonte des supply chain des industries de production et de distribution internationalisées : agroalimentaires, pharmaceutiques, énergétiques ou de prestations de services technologiques. Ces secteurs vont chercher à réduire les risques et l’exposition à des régions peu sûres, poussés par les investisseurs et les compagnies d’assurances. Cela impacte les stratégies d’expansion géographique, qui vont se recentrer sur des zones plus proches. Enfin, l’organisation interne des entreprises doit être repensée, cette crise démontrant la fragilité des organisations pyramidales classiques et confirmant la nécessité d’organisations plus horizontales et plus agiles. Elle devrait promouvoir des tendances émergentes : 

   – la généralisation d’organisations de travail flexibles qui mêlent présence dans l’entreprise et activité à distance. L’une des conséquences ambiguës de cette évolution sera de gommer encore plus la séparation entre la sphère privée et la sphère professionnelle ;

   – la structuration en équipes entrepreneuriales autonomes de petite taille, susceptibles de fonctionner en petites unités résilientes, avec peu de directives venant de la direction centrale en cas de crise majeure. Plusieurs groupes de taille mondiale (Google, Spotify) ont déjà mis en œuvre des organisations de ce type : tribus, squads ou guildes flexibles, avec un fort degré d’autonomie ;

   – la diffusion de méthodologies collaboratives pour travailler efficacement dans ces nouvelles organisations autonomes et entrepreneuriales. Ces méthodes fondées sur l’intelligence collective, créées dans les années 1960 et 1970, restent encore marginales dans la plupart des entreprises : design thinking, growth hacking, business agility. Elles sont destinées à devenir la norme ;

   – la promotion d’une culture interne favorisant la prise en compte des individus dans leur globalité, professionnellement et personnellement. Les organisations vont être soumises à une injonction paradoxale : prêter beaucoup plus d’attention qu’auparavant aux situations personnelles de leurs collaborateurs, tout en respectant leur droit à la vie privée. 

Vers un nouveau paradigme ?

   La crise sanitaire a bousculé les certitudes concernant la valorisation des différents métiers et activités, avec des dirigeants parfois discrédités ou des autorités contestées (y compris les scientifiques). Lors du confinement, l’interrogation sur l’utilité sociale des métiers d’encadrements vs métiers d’exécution était inévitable, les cadres étant réduits au télétravail pendant que les moins rémunérés assuraient la continuité du fonctionnement de la société. 

   Plus profondément, cette crise a crument posé la question de l’arbitrage entre la sécurité sanitaire des individus et l’impact des mesures de prévention (confinement, distanciation) sur les libertés publiques, sur l’économie et sur les relations sociales en général. La discussion sur la valeur absolue ou relative de la préservation de la vie et des conséquences sur les décisions politiques devra avoir lieu.

   Enfin, l’épidémie nous confronte à une interrogation fondamentale sur le degré d’acceptation du risque et sur la place de la souffrance et de la mort dans nos sociétés. Avec plus de 30 000 morts en France et plus de 800 000 dans le monde, l’épidémie reste « modeste » en comparaison du SIDA ou de la grippe saisonnière. Mais elle a provoqué un engorgement des systèmes de soins et des conditions de fin de vie douloureuses pour les personnes gravement atteintes. D’où le questionnement justifié sur la qualité de vie dans les EPHAD et la prise de conscience de la cécité de notre société vis-à-vis des plus âgés et de leur isolement (accentué par les mesures de lutte contre l’épidémie). 

   Il est beaucoup trop tôt pour savoir si la crise sanitaire va aboutir à une remise en cause de la mondialisation. On peut penser qu’à court-terme, un « effet rebond » après pourra sembler renforcer celle-ci et le consumérisme global. En revanche, il est très probable que le coronavirus et ses conséquences marqueront profondément les jeunes générations, d’une façon totalement globale et inédite dans l’histoire et conduiront à l’accélération de la transition vers un nouveau modèle économique, vraisemblablement plus résilient, plus local et moins fragile face à ce type d’événement.

Proposition phare : favoriser la coopération internationale, repenser l’organisation interne des entreprises.

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