Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Quelle place pour l’environnement dans l’après pandémie ?

Respectable Loge, Les Compagnons de l’Utopie – Progrès et Fraternité, Orient de Paris, Région 14

Mots Clefs : Environnement

L’environnement peut être entendu comme l’ensemble des composants naturels de la planète Terre. Cela intègre non seulement l’air, l’eau, l’atmosphère, les roches, les végétaux, les animaux, mais également et surtout l’ensemble des phénomènes et interactions qui s’y déploient. Quelle est l’état de l’environnement de nos jours ? Quelles sont les conséquences connues et envisagées des dysfonctionnements observés ? Quels sont enfin les questionnements qui pourraient nous permettre d’envisager des pistes d’amélioration de notre lien à l’environnement.

Le constat : une accélération des atteintes à l’environnement.

Très récemment une analogie s’est faite jour dans mon esprit, elle m’est apparue un matin comme une évidence. « Le COVID-19 est à l’Homme ce que l’Homme est à la planète ». Dans les faits c’est le cas : le virus s’attaque aux poumons de l’homme tout comme l’homme s’attaque aux poumons de la planète que sont les forêts et les océans.

Résumons la situation des forêts : l’ensemble des organisations intergouvernementales et ONG s’accordent pour estimer que chaque année plus de 10 millions d’hectares de forêts disparaissent sur les 4 milliards qui recouvrent le globe. Vu sous cet angle la situation n’apparaît pas catastrophique car cela représente – 0,25 % de surfaces forestières annuelles. La situation se complexifie si l’on analyse plus précisément la déforestation. Cette dernière touche essentiellement les forêts tropicales et  a contrario, les forêts boréales et tempérées font l’objet d’une augmentation de leurs surfaces. Les forêts tropicales sont surexploitées pour essentiellement répondre à la demande en bois des pays d’Amérique du Nord et de l’Europe. La déforestation s’accroît pour favoriser l’exploitation minière et l’extension de l’élevage ou le remplacent des forêts millénaires par des productions agricoles à forte valeur ajoutée et à croissance rapide (cas des palmiers à huile).

Le second poumon atteint est celui des océans. Plusieurs phénomènes se cumulent et mettent à mal l’état de santé global des océans. Ces derniers sont tout d’abord le réceptacle naturel des déchets plastiques. Ces derniers se rencontrent tant au fond des océans que sur les plages. Sur les 300 millions de tonnes de plastiques produits chaque année dans le monde, 8 à 12 millions finissent dans l’océan. La biodiversité marine est également mise à mal. En 1974, 10 % des « stocks » de poissons étaient surexploités, ce chiffre est passé à 31 % en 2013. Autre problématique, celui du dioxyde de carbone produit par les activités humaines qui s’évacue pour 45 % dans l’atmosphère, 30 sur terre – principalement via les forêts – et 25 % dans les océans. Le puits de carbone que constituent les mers et océans a un coût : celui de leur réchauffement et de leur acidification. Pendant la période préindustrielle, le PH global des océans était de 8,2 et pourrait atteindre 7,8 à la fin du siècle. Les conséquences de cette acidification sont connues : réduction de la production de plancton – ce qui porte atteinte à l’ensemble de la chaîne alimentaire marine – et disparition des coraux avec les conséquences connues en termes de biodiversité.

Les atteintes à l’environnement sont en augmentation du fait d’une double croissance et des conséquences de cette double croissance, la croissance démographique et la croissance de l’économie. La population mondiale, qui était de 7,3 milliards d’individus en 2015, est passé à 7,7 en 2019 et devrait atteindre 9,7 milliards en 2050. La croissance s’établit essentiellement dans les pays d’Asie et d’Afrique alors que le solde est négatif en Europe. Cette croissance démographique génère une croissance des besoins en alimentation, hébergement, transports … La croissance de l’économie n’est pas établie qu’en termes de valeurs financières. Elle est marquée par une croissance de la production et de la consommation. La croissance de la production touche tous les domaines : croissance mondiale du nombre de véhicules individuels, de navires de commerces et paquebots, d’avions de ligne.

Plus nombreux, plus grands, plus loin, plus vite …. Avec toutes les conséquences que cela implique.

Quelles sont les conséquences actuelles et futures des atteintes à l’environnement ?

Les conséquences de ces atteintes, multiples, portent sur le monde du vivant, celui des hommes, de la faune et de la flore. Les conséquences climatiques impactent l’ensemble de la biosphère, la surexploitation des matières premières provoque des mouvements de population à grande échelle et la destruction des espèces animales génère une décroissance extrême de la biodiversité qui elle-même contribue à l’appauvrissement des espaces naturels.

Les évolutions climatiques ressenties et prévisibles sont connues. La banque mondiale estime qu’entre aujourd’hui et 2050, 140 millions de personnes seront déplacées pour des raisons climatiques en Afrique, Asie et Amérique Latine. Toutes les régions du monde seront touchées par les déplacements climatiques, celles de départ comme celles d’arrivée. Les effets du réchauffement climatiques portent sur la  hausse du niveau des mers, l’aridification des sols, l’augmentation de la violence des incendies et des phénomènes météorologiques extrêmes (ouragans).

La perte de la biodiversité au niveau mondial compte également au nombre des conséquences des atteintes à l’environnement. La 6ème extinction massive de la biodiversité est en cours, c’est celle de l’anthropocène. Est évoquée la disparition de 25 à 50 % des espèces entre 2020 et 2050.

L’homme apparaît impacté par la réduction globale de la qualité de son environnement. Dans les pays dits développés, si l’augmentation de la durée de vie est actée, une stagnation de la durée de vie en bonne santé est constatée. Par ailleurs, 3,4 millions de personnes décèdent annuellement du fait de pollution des eaux et 2,1 millions du fait de la pollution atmosphérique. Comme le rappelle un rapport récent d’un organisme gouvernemental britannique, « Les enfants britanniques qui naissent aujourd’hui sont susceptibles de passer une plus grande partie de leur vie en mauvaise santé que leurs grands-parents ».

Des questionnements pour envisager des pistes d’amélioration de notre lien à l’environnement.

La croissance économique est-elle une fatalité, une absolue nécessité ?

La croissance économique, fondée sur la production toujours en plus grands nombres de biens matériels et de richesses en un minimum de temps, pour un maximum de rentabilité et au profit des propriétaires des biens de production et des investisseurs, ne peut à l’évidence contribuer à la réduction des atteintes à l’environnement de même qu’elle ne semble pas pouvoir, bien au contraire, réduire les inégalités sociales. Des études menées aux États-Unis d’Amérique ont mis en évidence le fait que le PIB et l’indice de santé sociale évoluaient de façon équivalente jusqu’en 1973 et qu’à partir de cette date, alors que le PIB s’accroît, l’indicateur de santé sociale s’effondre. Comme le propose Aldo Léopold, l’un des premiers environnementalistes américains, il convient de passer du paradigme de l’exploitation et de la conquête de la nature à un paradigme de « prendre soin des besoins essentiels ». Les besoins essentiels relèvent du patrimoine naturel et du patrimoine humain, ce dernier portant sur la cohésion sociale et la qualité du travail. La résolution de la question environnementale doit être une opportunité et non une contrainte, elle doit être l’occasion de renouer avec le plein emploi tout en favorisant la désintensification du travail.

L’environnement peut-il être la pierre angulaire de toute décision ?

Lorsque l’on analyse les causes des actes des États, des acteurs économiques et des individus, nous nous apercevons qu’il y a systématiquement l’énoncé d’une affirmation lorsque la cause environnementale n’est pas ou peu prise en considération. Peut-on accepter de modifier le paradigme qui est le nôtre avant d’acquérir un bien. Avant d’acheter un bien la seule question que l’on se pose est « en ai-je les moyens » (ceci est à relativiser eu égard aux nombreux organismes qui ne cherchent qu’à placer des emprunts), peut-on envisager de la remplacer par la question suivante « est-ce bon pour l’environnement » ? Ce type de questionnement pourrait commencer par être celui de l’individu et se diffuser jusqu’au niveau national voir au-delà après avoir essaimé au niveau local, départemental et régional …

Des espaces peuvent-ils être mis à l’abri de l’action humaine ?

Il est extrêmement difficile en France de favoriser le retour voire la réintroduction des espèces susceptibles de porter atteinte aux habitudes de vie et agricoles  qui se sont développées au fil des siècles. De nos jours la notion de « biodiversité » est devenue un label dont chacun s’empare pour justifier de ses actions. Ainsi les agriculteurs estiment qu’ils concourent directement à la biodiversité en montagne en y faisant paître leurs troupeaux. Certes sans ces pâturages les paysages se fermeraient sans doute mais serait-ce pour autant la fin de la biodiversité ? N’est-il pas temps de préserver totalement des parties de territoire, en montagne, plaines, milieux aquatiques intérieurs, mers et océans,  de toute présence humaine. D’y interdire les survols à basse altitude, les activités agricoles, de transport, de recherche scientifique (non directement liée à l’étude de la faune et de la flore ou de loisirs), bref, de laisser la nature vivre sa vie sans son premier prédateur qu’est l’homme ?

Doit-on accepter de sacrifier une partie de nos libertés en faveur de la protection de l’environnement ?

Nos libertés sont multiples, elles sont sans fin dès lors que l’on ne porte pas atteinte à la liberté d’autrui et que l’on reste dans la stricte application des principes édictés par les lois de la République. Ces libertés sont telles qu’elles nous permettent de ne pas nous questionner sur nos actes et leurs conséquences pour la planète. Nous pouvons vivre comme nous le souhaitons en fonction de nos revenus. Nous pouvons acquérir ce qui sied à une personne de notre rang social et d’ailleurs pour être reconnu parmi nos pairs il nous faut absolument acquérir ces biens et le faire savoir. Cette pression sociale, accentuée par la nécessité de consommer voire surconsommer (les milieux financiers et le cénacle des décideurs n’ont qu’une crainte actuellement, que la consommation ne « reparte pas »), n’ouvre pas la porte au principe selon lequel nous devrions faire des sacrifices pour le bien de la planète et l’avenir de cette dernière. Ces sacrifices n’en seraient pas, ils seraient l’expression populaire de la compréhension des enjeux, l’intégration de la dimension environnementale dans les actes du quotidien. Une partie de nos libertés sont de fausses libertés et la société de consommation ne s’entend que par notre liberté  d’acheter et de consommer. Et si la liberté c’était de ne pas adhérer à ce système, de ne pas rentrer dans le moule qui est imposé depuis notre plus jeune âge ?

La notion de développement-durable est-elle encore d’actualité ?

Le rapport produit par Gro Harlem Brundtland en mars 1987, à la demande de l’Assemblé générale des Nations unies en décembre 1983, pose le principe du développement durable « Le genre humain a parfaitement les moyens d’assumer un développement durable, de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire les leurs ».

Les auteurs constatent en 1987 que le développement des pays les plus pauvres n’est pas une réalité. Le nombre d’affamés ne cesse de progresser, tout comme le nombre d’analphabètes et celui des individus n’ayant pas accès à l’eau potable. Le rapport met également en exergue le fait que les effets de la croissance économique sur l’environnement et les effets de la dégradation de l’environnement sur les perspectives économiques ont en interdépendance. Le rapport estime par ailleurs que la croissance économique devrait porter essentiellement sur les pays dont la majorité des habitants vivent dans la misère. Dans les faits, le rapport insiste sur la poursuite de la croissance, cette dernière apparaissant comme pourvoyeuse de travail et de réduction de la pauvreté.

Force est de constater en 2020, à l’aune de la poursuite de la dégradation de l’environnement au niveau planétaire, que le développement durable n’apparaît plus comme la solution à même de soigner les maux de la planète. Ce pourrait l’être si nous nous cantonnions à un développement à même de répondre aux besoins essentiels des Hommes mais tel n’est pas le cas dans nos pays développés. Derrière la notion de développement durable se cache la croissance de la production et de la consommation à même de répondre à nos envies et non pas à nos besoins. Si la recherche médicale, à même d’améliorer la santé de tous et en particulier des plus démunis, est par exemple à privilégier, quel est l’intérêt de poursuivre les recherches tous azimuts dans le seul but de sortir des produits dont l’amélioration ne porte que sur des gadgets mais qui génère un renouvellement de gamme et limite la durée d’approvisionnement des pièces de rechange en cas de casse ? Le développement doit permettre à l’humanité d’accéder au savoir, à des meilleures conditions de santé, d’habitat et de vie. Il ne doit pas contribuer à la production de bien superfétatoires.

Contrairement aux affirmations du « rapport  Brundtland », les générations futures commencent à prendre la parole, à s’exprimer publiquement et jusque dans l’hémicycle des Nations Unies. Une partie de la jeunesse rejette le modèle consumériste et cette jeunesse a le pouvoir de faire changer les choses car in fine, avant d’être totalement autonome,  c’est elle qui peut influer le choix des adultes dans les actes d’achat. Écoutons nos enfants, ils pourraient nous montrer la voie à suivre. Cette voie passe par un nouveau partage du travail, moins d’égo, plus de sobriété et plus de partage. Ce n’est qu’à ces conditions que le développement et l’environnement pourront naviguer de concert.

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