Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Pour une abolition du cumul des mandats politiques

Respectable Loge, Amour et Liberté, Orient de Thionville, Région 4 Champagne - Ardenne - Alsace - Lorraine et Loges d'Allemagne

Mots Clefs : Non cumul des mandatsRenouvellement de la classe politiqueReprésentation populaire

Une crise de la représentation politique

Les crises des gilets jaunes puis celle du COVID ont été révélatrices d’un réel divorce entre les pouvoirs politiques et les Français. Ils ne se reconnaissent plus dans leurs représentants et ils expriment un manque de confiance envers les pouvoirs. Alors que durant cette épidémie une sorte d’union nationale aurait dû se réaliser, elle s’est quasiment faite dans la représentation politique alors que les Français exprimaient leur défiance : fin avril 2020, 59%des Français étaient mécontents de l’action du gouvernement. Cela s’est traduit par des critiques – parfois totalement injustifiées car basées sur des faits inexacts-, des suspicions de complot, d’entente avec l’industrie pharmaceutique, de préférences, la mise en doute systématique de la véracité de la parole publique voire scientifique…

Cette crise a montré à quel point le fossé est important. En dehors de tout jugement porté sur l’action des pouvoirs publics, il apparaît que les Français considèrent de plus en plus que leurs représentants politiques… ne les représentent plus.

Il est devenu courant d’utiliser la terminologie de « classe politique ». La définition de ce terme s’applique parfaitement à nos dirigeants : une classe est un groupement d’individus ayant en commun leur profession, leur niveau de vie, leurs intérêts communs.

Comment les Français peuvent-ils se sentir représentés par des hommes politiques quasiment tous sortis du même moule : formés pour cela dans les instituts de sciences politiques ou à l’E.N.A., où ils ont été formés aux frais de l’État pour le servir et non pour servir leur propre carrière politique ?

Comment les Français peuvent-ils se sentir représentés par des députés où les cadres et professions intellectuelles supérieures constituent 76 % des élus, soit 4,4 fois plus que leur part dans la population active, alors que la moitié des catégories socio-professionnelles n’est seulement représentée que par 4,6 % d’employés et aucun ouvrier ? (chiffres assemblée élue en 2017) Même si la part des femmes a progressé passant à 38,7 % à l’Assemblée Nationale et 31,6 % au Sénat, la parité est loin d’être atteinte. Bien que toute collecte de données démographiques fondées sur l’origine ethnique soit interdite en France, des études font état de seulement 35 députés « issus de la diversité », soit 6,5 %, siégeant à l’Assemblée Nationale (chiffreshors territoires d’Outre-Mer) alors que 11 % des personnes nées en France ont au moins un parent immigré (France 24INSEE 2018). En ajoutant les descendants de troisième et quatrième générations, ce chiffre serait largement plus important.

Les Français se sentent dépossédés du pouvoir politique par une classe qui le monopolise. Les hommes politiques cumulent les mandats et passent de l’un à l’autre. Si l’on additionne différents mandats politiques (territoriaux ou nationaux) hors mandat dans les partis (eux aussi rémunérateurs) et syndicats ou offices publics, quelques exemples suffisent à le démontrer. Jean-Luc Mélenchon : 69 ans, 42 années de mandats cumulés, Jean-Claude Gaudin, 77 ans et 122 années, Jean-Louis Masson, 73 ans, 107 années… Sur les 1245 principaux élus français, ceux-ci cumulent en moyenne 47 ans d’activité et 36 plus d’un siècle de mandats électifs ou gouvernementaux (L’Express 2017). Le record est détenu par le socialiste Philippe Madrelle avec 185 années de mandats cumulés à 80 ans… Quant à Michel Delebarre, maire de Dunkerque, il exerçait en 2013 26 mandats et fonctions en même temps dont 20 en tant que président de SEM, de syndicats intercommunaux…

Nous avons donc affaire à une véritable classe politique qui s’est professionnalisée, n’ayant comme unique source de revenus que les émoluments liés aux mandats. Il est malheureusement devenu courant d’utiliser la terminologie de « carrière politique » sans que cela ne choque plus grand monde.

En raison de ce dévoiement, pour la plupart des hommes politiques, le moteur n’est plus de servir une idéologie ou de se mettre au service du bien commun mais uniquement d’être réélu pour assurer la continuité de ses ressources. Les exemples d’actions menées pour des actions de communication au détriment d’actions sociales, de saine gestion ou de développement durable sont légions. C’est à cette fin que les élus locaux s’entourent désormais de cabinets politiques et de conseillers en communication, changent à leur arrivée les équipes de fonctionnaires en place, sans tenir compte de leurs compétences et expérience pourtant fort utiles dans la gestion territoriale. Leur unique but est de s’entourer d’une équipe dévouée à leur unique service et non à celui de la collectivité bien qu’elle soit rémunérée par elle. Ces affidés leur étant redevables feront tout pour assurer une réélection gage de leur propre durabilité. Ce spoils system s’est généralisé à l’issue des élections: après les municipales de 2014, 53 % des DGS des villes ont quitté leurs fonctions auxquels il faut ajouter des DGAS, les responsables de communication, les contractuels, souvent les DRH…

Les Français ont aussi l’impression d’avoir affaire à une classe politique inusable qui pratique avec brio la reconversion, une véritable oligarchie politique : un mandat perdu…un autre de gagné ! Combien d’exemples de députés battus « recasés » au Parlement européen, aux Conseils Régionaux… Comment ne pas douter des compétences de ces élus voyageurs qui passent d’une collectivité à une autre, d’une assemblée à une autre, d’un ministère à un autre… ?

Les Français ont aussi l’impression que le niveau de vie de la classe politique est indécent. Si bien évidement l’indemnité d’un maire d’une petite commune est indécemment basse au regard du travail fourni et des responsabilités, il n’en est pas de même pour les indemnités des députés et des sénateurs (7240 € bruts) et celles des députés européens (13996 €) qui sont très confortables. Les Français supportent encore moins les avantages qui leur paraissent inégalitaires : surcotisation aux caisses de retraites, indemnités de chômage élevées après une défaite, indemnités de fonction non imposables, réserve parlementaire, avantages en nature pour les déplacements…

Le cumul des mandats fait l’objet d’un écrêtement que ne manquent pas de brandir les hommes politiques qui sont dans ce cas. Ils oublient que si celui-ci est fixé à 8272 € brut, il représente des revenus bien au-dessus de la moyenne nationale ; seuls 5 % des salariés touchent plus de 4668€ et 1% plus de 8329€. Il est précisé aussi que le surplus des indemnités non touché par l’élu écrêté peut être reversé à ses adjoints s’il est Maire, favorisant ainsi le clientélisme…

Si les Français sont focalisés sur les revenus des parlementaires, ils en oublient malheureusement ceux des élus départementaux et régionaux, des maires des villes moyennes et grandes, des élus des intercommunalités… Les lois de décentralisation ne les ont pas oubliés. Ils bénéficient eux aussi d’avantages en nature indécents moins connus car plus discrets : voiture de fonction, frais de réception réguliers, repas de travail remboursés, déplacement pris en charge sans compter les indemnités complémentaires dans les intercommunalités par exemple…

Les tentatives de réformes se heurtent à la mauvaise volonté des députés et sénateurs, ce qui participe largement à leur déficit d’image. Ils étaient à plus des trois quarts en position de cumul avant la loi de 2014 et n’ont pas renoncé à abolir cette loi.

Législation

Loi du 30 décembre 1985 / Loi du 5 avril 2000/ Lois du 14 février 2014

Rapport Jospin (2012) / Rapport Bartolone-Winock(2015)Refaire la démocratie

Encadrement strict du cumul des mandats politiques

Il conviendrait de mettre fin à cette exception française en matière de cumul des mandats politiques, car la France est de loin la première en Europe en ce domaine (Fiche Fondapol).

Le cumul des mandats est à l’origine d’un affaiblissement de la démocratie, confisque le pouvoir au profit d’une classe politique et porte atteinte aux principes d’égalité en matière de représentation populaire. Il entrave le renouvellement politique et générationnel. Il n’apporte aucune preuve d’une meilleure gouvernance mais entraîne l’inefficacité et l’absentéisme, voire des conflits d’intérêt. Il appauvrit la compétition politique et il est source d’inégalité devant les scrutins en donnant un avantage financier et d’ingénierie aux sortants.

Il est proposé de n’autoriser aux citoyens de n’exercer qu’un seul mandat renouvelable une seule fois dans une assemblée, ou deux mandats différents mais pas en même temps, exception faite pour les fonctions de conseillers municipaux. Une pondération pourrait être apportée en fonction de la taille de la collectivité. Ces mandats devront être rémunérés correctement sans avantages indus : les élus ne bénéficieront d’aucun avantage en nature, feront l’objet d’un contrôle en ce domaine et se verront appliquer les règles de droit commun en matière d’impôts, cotisations retraite, chômage…Une redéfinition claire du rôle des élus, des cabinets et des fonctionnaires serait nécessaire.

A l’issue de leurs deux mandats, les élus sortants qui souhaitent montrer leur dévouement à la collectivité pourront siéger dans un Conseil consultatif ou Conseil des sages, où ils pourront faire profiter leurs remplaçants de leur expérience, sans aucune rémunération.

Un seul mandat politique renouvelable une seule fois          

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