Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Nous avons la solidarité pour étendard ; comment promouvoir ce principe ?

Respectable Loge, Intersection, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : Acteurs publicsCollectivités localesEconomie collaborativeEpreuve du confinementInitiatives solidairesSolidarité nationale

La solidarité constitue l’un des piliers de la France contemporaine depuis la Libération et la reconstruction d’après-guerre. Apparue comme une vraie valeur refuge pendant les crises récentes traversées par nos pays et plus récemment, à travers la crise sanitaire provoquée par le coronavirus, les réponses de proximité, permises par le rôle éminent joué par les collectivités territoriales, méritent de se transformer en principe d’action au service des citoyens.

Les piliers de la solidarité nationale

La solidarité n’est certes pas inscrite dans notre devise républicaine mais elle constitue le socle de l’État « contemporain », tel qu’il s’est affirmé depuis 1945. En France, elle ne constitue plus un facteur de polarisation politique, aucun parti ne revendiquant depuis bien longtemps un libéralisme total. La solidarité est devenue, au fil des ans, une valeur revendiquée dans toutes les sphères de la société :

   avec le mutualisme et l’économie sociale et solidaire ;

   – avec l’économie collaborative d’abord qui, du moins dans sa forme, offre une alternative à l’économie classique ;

   – avec les partis politiques aussi qui la revendiquent tous de l’extrême-droite à l’extrême gauche ;

   – avec les organisations syndicales et plus paradoxalement patronales qui font la promotion de tous les outils de la RSE, du mécénat, ou des fondations ;

    – le législateur, lui-même, est allé jusqu’à consacrer la notion de « raison d’être » dans l’objet social des entreprises permettant à ces dernières de « sortir » de la seule recherche du profit.

   Pourtant, en France, les piliers de la solidarité nationale restent traditionnellement les acteurs publics aux premiers rangs desquels l’État et les collectivités locales. C’est encore par l’impôt et ses effets redistributifs que l’essentiel de la solidarité s’opère. En 2014, le ministère des affaires sociales estimait que les prélèvements sociaux et leur redistribution (sous forme d’aides sociales notamment), permettait à près de 10% des Français de sortir du seuil de pauvreté.[1] Mais cette capacité à assurer efficacement la solidarité est aujourd’hui mise en doute par de nombreux Français.

La solidarité : valeur refuge en cas de crise

La crise des Gilets jaunes, d’abord, a interrogé les choix fiscaux de l’État. C’est l’instauration d’une nouvelle fiscalité sur les carburants qui a provoqué les premiers mouvements de Gilets jaunes et l’une des revendications initiales du mouvement concernait le rétablissement de l’impôt sur la fortune, considéré comme un totem de la solidarité fiscale.

Puis cette interrogation sur les choix fiscaux de l’État s’est doublée très vite d’une mise en cause des choix plus anciens et plus profonds tels que l’étalement urbain considéré comme la cause essentielle de la dégradation des conditions de vie et de travail de millions de concitoyens. Elle a enfin montré une fracturation apparente entre deux France : la première, celle des grandes villes et des métropoles, à qui tout réussirait ; la seconde, celle des « ronds-points », urbanisée sans être métropolitaine et « en déclassement ». Les médias ont d’ailleurs mis régulièrement en lumière ce qu’il a été convenu d’appeler « la solidarité des ronds-points » (cagnottes Leechti, partage de congés ou de RTT, charité auprès de mères ou pères célibataires en première ligne dans le mouvement).

La crise du coronavirus est ensuite venue frapper l’ensemble des Français mais elle a été plus durement ressentie par les populations urbaines et socialement fragiles. La question du logement et la grande précarité des habitants résidant dans les quartiers en politique de la ville, mêlant promiscuité, insécurité et défaillances de l’État de droit est devenue flagrante. En Ile-de-France, la Seine-Saint-Denis a ainsi vu son taux de mortalité augmenter deux fois plus que les Yvelines ou la Seine-et-Marne. [2] A l’inégalité face à la maladie est venue s’ajouter la douloureuse épreuve du confinement. Celui-ci a plongé nos concitoyens les plus fragiles, vivant nombreux en milieu clos, dans des situations parfois dramatiques de précarité matérielle et psychologique. Le manque de superficie des appartements parisiens ou la bataille pour la réouverture des parcs et jardins sont venus rappeler que les questions du logement et de la concentration métropolitaine étaient de véritables enjeux de la construction des villes.

 Là encore la solidarité a été un moteur d’unification forte de la société dans une période de questionnement sur le sens et les moyens réels de l’action de l’État. Pour être télégénique, la solidarité n’en a pas moins été réelle, en témoignent les actions mises en œuvre par les Français d’abord, par les collectivités et l’État ensuite durant le confinement :

– de manière bénévole, les Français ont tour à tour fabriqué des masques alternatifs, porté les courses ou les repas de leurs ainés, donné des cours en ligne,

– l’apport des réseaux sociaux, souvent décriés a été ici essentiel pour maintenir les liens familiaux ou amicaux,

– des initiatives solidaires et spontanées ont fleuri partout. Elles pourraient modifier durablement le rapport des Français à l’entraide, la solidarité se doublant dorénavant de la recherche d’une plus grande autonomie vivrière et foncière et de nouveaux modes de vie périphériques.[3]

L’affirmation des collectivités locales en première ligne sur la solidarité

Durant le confinement, les collectivités locales sont apparues en première ligne pour maintenir les niveaux de solidarité existant avant la crise et pour déployer de nouvelles actions totalement inédites, allant parfois au-delà de leurs compétences. Des centaines d’actions ont été recensées[4] : les collectivités locales ont distribué à leurs habitants plusieurs dizaines de millions de masques, ont procédé à des dépistages en créant des centres de dépistage municipaux ou en s’appuyant sur leurs centres communaux d’action sociale, ont fourni les hôpitaux environnants en matériel léger de protection sanitaire (gants, masques, gels hydro-alcooliques).

Souvent mieux informées des effets du confinement sur la vie des Français, elles ont maintenu un service de restauration scolaire pour les enfants les plus en difficulté, procédé à la livraison des repas pour les personnes âgées, lancé des campagnes d’appels téléphoniques aux personnes inscrites sur les fichiers canicule.  L’émergence de nouvelles solidarités territoriales et le droit à la différenciation pour une solidarité plus efficace se sont ainsi affirmés.

Les collectivités locales ont su créer de nouvelles formes de mutualisation et d’entraides entre elles. Les réseaux sociaux et le confinement ont mis les Français dans la situation inédite de pouvoir comparer l’action de leurs maires respectifs. Cette nouvelle donne a poussé de nombreux élus locaux à travailler de concert. Le rôle de coordination et de groupement d’achats des intercommunalités et des métropoles est monté en puissance. Le couple intercommunalité-région s’est affirmé durant la période[5].

La coordination du bloc communal, et surtout les relations entre les collectivités et l’État, reste à renforcer : d’où l’annonce par l’État d’une enveloppe de 4,5 milliards d’euros de soutien financier.

Pour que les collectivités puissent continuer d’assurer la solidarité plus efficacement encore, une meilleure autonomie fiscale et un droit assumé à la différenciation sont désormais nécessaires.

Pour que la solidarité soit bien plus qu’une valeur-refuge, il faut qu’elle devienne un principe d’action

Proposition phare : réaffirmer le rôle des collectivités territoriales dans la co-construction de la solidarité nationale.


[1] Source : Observatoire des inégalités, juillet 2014

[2] Coronavirus : une surmortalité très élevée en Seine-Saint-Denis Le Monde du 17 mai 2020

[3] G. Faburel, I. Favre, M. Girault, Solidaires car autonomes : loin des grandes villes, la promesse d’une autre vie, The conversation 13 mai 2020

[4] Coordination des Maires d’Ile-de-France contre le COVID (C.O.M.I.F), Construire la résilience territoriale pour anticiper les chocs à venir, Juillet 2020 ed. Jean Jaurès

[5] Rapport de l’association des administrateurs territoriaux de France ( A.A.T.F), juillet 2020

A lire aussi

Cet article est unique.

Aucun article n'a les mêmes mots-clefs.