Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Notre système de santé a été éprouvé pour de multiples raisons. Quelles pistes pour l’améliorer, le rendre robuste et fiable ?

Respectable Loge, Les Enfants de Gergovie, Orient de Clermont-Ferrand, Région 5 Centre

Mots Clefs : FiabilitéRobustesse

Quelle société de santé au sortir du chaos ?

La société ultra libérale, axée exclusivement sur le profit immédiat ou à très court terme ne provoque pas le bonheur de l’humanité, mais la fortune d’une minorité au détriment du plus grand nombre. La logique ultralibérale s’attaque finalement aux éléments essentiels de la vie en société, santé, éducation, sécurité pour en faire autant de secteurs marchands. Il convient de protéger, de « sanctuariser » les éléments essentiels, indispensables à la vie humaine et de les protéger du secteur marchand soumis aux règles de la concurrence et du profit.

Le cas de l‘organisation sanitaire est caricatural, siège d’une évolution mortifère du stade de « la santé pour tous » à « la santé, produit marchand, avec le malade client ». Ainsi le malade devient le substrat, la matière première d’une production industrialisée, qu’on veut « optimiser » au plan économique : gros rapport, faible coût de production, au détriment des aspects humains et de la qualité, aussi bien pour le malade que pour les soignants.

Sortir du secteur marchand le service public de la santé

Notre système de santé a été pendant un temps le premier au monde. Il était basé sur des principes assez simples. Le service public hospitalier, complété par des établissements privés à but lucratif est réparti sur le territoire et organisé à divers niveaux : CHU, Centres Hospitaliers, Hôpitaux locaux. L’offre de soins doit être organisée en sorte que chacun puisse trouver les soins nécessaires à proximité raisonnable.

Les médecins généralistes représentent le premier niveau de recours aux côtés d’autres professionnels de santé, dentistes, kinésithérapeutes, infirmier(e)s etc…

La prise en charge financière est assurée quel que soit le choix public/privé par l’Assurance Maladie,  le ticket modérateur étant pris en charge par des assurances complémentaires qui sont, soit des mutuelles , soit des organismes de prévoyance gérés souvent paritairement entre employeurs et salariés, soit par des assurances privées individuelles ou intervenant dans le cadre d’un accord collectif au niveau d’une entreprise ou d’une branche professionnelle. Signalons qu’en matière de solidarité intergénérationnelle il existe une différence fondamentale entre les mutuelles et les assurances privées; alors que les premières continuent d’assurer les retraités à des tarifs proches de ce qui leur était demandé dans la vie active, les secondes (les assurances privées) n’assurent plus les salariés partant en retraite, ou, si elles continuent de les assurer, c’est au prix d’une cotisation qui aura doublé suite au changement de statut.

Le système est donc basé sur le couple Service public de santé et Sécurité sociale.

Le financement de la médecine de ville représente 50% de l’enveloppe annuelle, celui des Établissements de soin les autres 50%, répartis également entre Établissements privés lucratifs 25% et Établissement publics (25%). On voit arriver très vite que le seul facteur d’ajustement de la dépense est le secteur public, sur lequel on a fait peser l’essentiel des efforts de rigueur dans les années qui viennent de s’écouler.

A l’origine les hôpitaux publics disposaient d’un budget global annuel reconduit chaque année avec un taux de progression fixé nationalement, identique pour chaque établissement. Il a semblé que cela ne rendait pas compte des efforts différents en matière de production de soins et était une sorte de rente de situation. Dans chaque établissement, une Commission Médicale d’établissement et un Conseil d’administration avec des membres élus établissaient les dépenses de l’établissement, dont les revenus étaient calculés à partir d’un prix de journée. Cet indicateur a été critiqué comme non représentatif des efforts de soins au bénéfice des malades.

La réforme a d’abord porté sur ce mode de rémunération des hôpitaux publics, remplacé par la Tarification à l’Activité (T2A). On recense tous les actes de soins, et chaque acte est payé sur une valeur nationale. Ceci rapproche le secteur public du privé rémunéré à l’acte. Mais n’en allège pas les obligations d’accueil universel … Deux effets pervers vont rapidement apparaître :

   1) Le choix des pathologies par certains établissements publics qui vont privilégier les actes les plus rémunérateurs, et laisser à d’autres hôpitaux les actes qui rapportent moins (par exemple prothèse de hanche chez le patient âgé). Ou bien se lancer dans un activisme thérapeutique faisant réaliser des actes pas toujours nécessaires (par exemple les césariennes). Bien sûr cela demande aux soignants dont le nombre va diminuant pour réduire le coût de production un effort de plus en plus important, au détriment de la qualité et de la sécurité. Ensuite le mode de financement se révèle un marché de dupes puisque le budget de la santé fixé nationalement ne suit pas la hausse de productivité. La valeur des actes diminue chaque année. Quant aux établissements privés, ceux-ci entre les mains des fonds de pension subissent de la même manière des injonctions à produire plus et à moindre coût.

   2) Les médecins se voient confier une nouvelle tâche, comptabiliser au mieux chaque acte, dans une informatisation moloch qui va consommer une grande part de leur temps au détriment des soins. Et de l’intérêt du métier, qu’ils vont abandonner pour ne pas être réduits à la manipulation des tableurs excel dans une perspective d’optimisation des rendements.

Puis on a réformé totalement l’organisation hospitalière avec la loi Hôpital Patient Santé Territoires, promue par Roselyne Bachelot.

   1) On crée un nouvel échelon d’administration : les Agences Régionales de Santé, pour transmettre les directives nationales et veiller à leur stricte application, sans états d’âme, ni considération pour les soignants et les malades – rebaptisés clients. Le redécoupage des régions, va encore les éloigner de la réalité.

   2) La direction des hôpitaux est confiée à un seul homme, le Directeur qui reçoit ses ordres (de rigueur) de l’ARS. Plus de Conseil d’administration élu, un directoire désigné par l’Agence, une CME vidée de toutes ses attributions.

   3) La direction des soins n’est plus confiée à des Chefs de service, médecins, animateurs d’une équipe resserrée où avait lieu une coopération de proximité, même si parfois existaient des « mandarins ». On installe à la place des « Pôles » de grande taille, placés sous le commandement d’un médecin désigné par le directeur, et faisant partie du directoire. On créée ainsi une caporalisation aux ordres, sans communication ni démocratie sur le terrain. Tout est en place pour une rentabilité maximale.

   4) Pour l’atteindre, des audits, assurés par des compagnies privées vont préconiser des changements majeurs dans l’organisation du travail, exténuant les soignants, dégraissant à l’os les équipes et les moyens.

C’est cet ensemble T2A, HPST qu’il faut écarter. C’est le financement de la santé qu’il faut repenser d’urgence.

Réparer les hôpitaux publics et garantir la santé pour tous

Il faut réaffirmer que la santé est un droit humain de base, le premier sans doute. Elle ne peut faire l’objet d’un merchandising quelconque et doit être assurée par les états. Elle est d’ailleurs une condition sine qua non de la réussite économique. La santé n’est donc pas un coût, mais un investissement au sens Keynésien du terme.

Pour garantir cette santé pour tous, les états doivent disposer d’un Service Public de Santé dont le fonctionnement ne soit pas assujetti aux règles du marché, même s’il doit bénéficier d’une gestion responsable par tous ses acteurs. Il faut y rétablir des règles de gestion démocratique, où chaque membre des équipes soignantes peut faire entendre son opinion ainsi que les organisations représentatives du personnel. Le respect des soignants, médicaux ou non, doit être un principe intangible. Une première mesure de ce respect étant la juste rémunération, à la hauteur de l’importance sociale des personnels de ce service public. Le rapport entre le salaire d’une Infirmière de réanimation et celui d’un sportif de bon niveau indique le chemin à parcourir.

Le financement doit être une dépense collective, équilibrée entre tous, chacun selon ses moyens, mais nul ne peut s’y soustraire, particulier, entreprises, salariés, rentiers, actionnaires …. Une Assurance Maladie Universelle est donc impérativement nécessaire.

 

           

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