Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Le Citoyen, l’État, le Monde

Respectable Loge, Les Francs Chevaliers de Saint André d’Écosse et Solidarité réunies, Orient de Bordeaux, Région 16 Sud-Ouest

Mots Clefs : Aucun

Constat et analyses

L’Etat, le Citoyen, le Monde constitue une complexité grandissante qui isole l’individu de sa participation aux décisions, et le rend dépendant d’influences contre ou pour lesquelles il ne peut agir.

Le Citoyen constitue l’Etat, et l’Etat lui permet d’exister. De même le Monde constitue l’Etat, lui impose ses contraintes tout tentant de le protéger. L’Etat est donc devenu un peu plus qu’une communauté citoyenne, de même que le Monde n’est pas qu’un ensemble d’Etats, des forces naturelles, économiques ou culturelles indépendantes des Etats influençant l’équilibre mondial.

De cette vision mécaniste, découle une autre vision, si nous repositionnons l’humanité dans son écosystème, selon une trilogie humaine (Edgar Morin): individu, société, espèce.

On oriente ainsi la réflexion humaniste vers une pensée plus globale et environnementaliste, dans laquelle l’individu-citoyen dépend et influence son entourage social en conscience de son environnement naturel et international.

La révolution numérique, le rapport à l’autre et à la connaissance qu’elle révèle, la mondialisation avec le rythme des échanges en accélération permanente et la part d’oubliés (réels ou vécus) et de flux migratoires qu’elle génère, modifient aussi profondément l’exercice et l’éducation à la citoyenneté.

Pourtant, ces constats, n’obèrent en rien les progrès des sociétés démocratiques en matière de santé, d’éducation, de sécurité, d’alimentation ou de logement, simplement cela se fait de façon inégalitaire entre les peuples et entre les habitants d’un même pays, et cela se fait grâce à la destruction de notre environnement et à l’épuisement des ressources. Nous sommes donc potentiellement en danger de disparition et de chaos, si cette dynamique se poursuit.

L’état, centre de la trilogie, est tourné vers les autres états, avec qui il défend son existence et l’existence de son peuple et promeut ses idées de sa vision du monde, avec ses arguments et moyens économiques, militaires ou diplomatiques. L’histoire, sa capacité économique et militaire sont des critères qui interviennent dans la qualité des relations entretenues avec ses pairs. Mais qui décident de ses orientations internationales?

L’état est aussi le garant vis à vis du peuple que la société fonctionne dans de bonnes conditions. Or malgré la progression constante des niveaux de vie et du bien-être matériel, le malaise citoyen se fait de plus en plus sentir :

1. Le citoyen se découple de plus en plus de la république, semblant préférer le respect de ses droits à ses devoirs, préférant l’action associative de proximité aux décisions régaliennes. Ainsi, la justice, l’éducation de ses enfants, le respect des biens communs, la solidarité nationale, la défense du pays, la protection de l’environnement, la sécurité, sont vécu comme des « services » payés par l’impôt, mais aussi sont pris en charge par des engagements individuels dans des actions collectives.

2. L’Etat, sous la pression mondiale, malgré un système institutionnel et constitutionnel solide, semble avoir de plus en plus de mal à proposer une vision collective acceptable par les citoyens français. Censé être la matérialisation de la culture, des croyances et des valeurs inhérentes à notre société, non seulement il a de plus en plus de difficultés à assurer son rôle, mais aussi il s’avère incapable de percevoir les fissures sociales et écologiques qui gangrènent la société :

• Croyance en une société de consommation exacerbée

• Perte de confiance dans le travail

• Montée des radicalismes religieux

• Abandon de notre autonomie alimentaire

• Ecart grandissant entre les classes sociales

• Croyance dans l’argent comme voie de réalisation de ses rêves

• Tropisme d’un pouvoir machiste

• Augmentation des inégalités

• Disparition progressive des services publics de proximité

• Perte progressive des libertés de pensée et d’expression

• L’urbanisation des sociétés dites développées

3. La démocratie représentative est de plus en plus critiquée, appelant la question :

Comment et dans quelle mesure y associons-nous les citoyens ? D’un coté trop complexe pour gérer les affaires du monde, d’un autre coté elle semble s’être éloignée du citoyen. Les élus sont l’objet de critiques sévères (égo, privilège, centralisation des pouvoirs, irrespect de leur mission). Les dernières élections ont débouché sur une abstention en augmentation permanente, une désaffection de la jeunesse mais aussi l’espoir de changement radicaux (LREM, LFI ou plus récemment la mini vague écologiste). Et dans le même temps, les corps intermédiaires (syndicats, partis politiques, …) perdent peu à peu tout crédit auprès de la population.

4. Pourtant on observe un foisonnement de projets dans les territoires et les quartiers urbains, se manifestant par des formes alternatives de participation, les habitants se réappropriant leur pouvoir d’agir via des associations, des syndicats, des dynamiques entrepreneuriales, mais aussi de plus en plus d’actions hybrides ne répondant pas à des formats précis. Aussi, face à la désaffection électorale et à la pression citoyenne, la démocratie représentative s’est dotée d’outils tendant à impliquer un plus grand nombre de citoyens dans les prises de décision politique, par la mise en place de conseils de quartier, de budget participatif, de jury citoyen, plateforme dédiée. De même, à l’exemple de la « commission citoyenne » dès lors que les citoyens sont enseignés par des experts ils contribuent à l’élaboration de projets nationaux cohérents.

Depuis quelques siècles, le progrès est synonyme de croissance économique. A tel point, que ce terme de croissance est devenu le politiquement correct du langage politique, associant croissance du PIB à la croissance du bien-être. Il semble bien que cela soit devenu insuffisant, voire pour certains destructeur, de mesurer ainsi le bonheur de vivre en société ?

En tant que Franc Maçon, nous pouvons nous contenter de fêter le triomphe de la démocratie représentative, de nous interroger sur les mouvements de révolte que nous voyons émerger et qui traduisent des rapports de forces déjà vus et connus dans notre Histoire, de nous glorifier de notre universalisme et de notre capacité à essaimer nos valeurs, et enfin de déclarer notre amour de la République, il est maintenant évident que cela ne suffira pas.

Les leçons de la crise sanitaire

La Covid 19 n’est pas à proprement parler une simple crise sanitaire, et elle ne doit pas faire œuvre de bouc émissaire à une crise globale et systémique, économique, financière, politique et sans doute écologique. Clairement nos systèmes démocratiques et nos institutions ont été ébranlés et ont montré des lacunes décisionnelles et opérationnelles importantes. Les organisations nationales et supranationales n’ont pas été en mesure d‘apporter immédiatement des réponses appropriées aux effets virus, tant en matière de santé qu’en matières économique et sociale.

Bref, les « ruisseleurs » et les grands de pouvoir n’ont pas assuré le rôle qui leur été confié.

Dans la même période, les services de proximité (petits commerces, services à la personne) se sont montrés spontanés et efficaces, et les plus humbles (caissières, éboueurs, chauffeurs livreurs, soignants, etc..) se sont dévoués avec humilité et courage.

Des élans de solidarité entre les personnes ont émergés ici et là. De nouvelles formes de travail et de modèles économiques ont été développées collectivement dans les entreprises. Il y a là une réelle force que la France a retrouvée.

La fragilité des activités humaines est soudainement apparue, ainsi la précarité de certaines personnes sur le plan alimentaire ou médical, mais étonnamment aussi numérique, mettant à mal des pans entiers de gens. Ces dégâts ont immédiatement relancés les débats sur des mécanismes innovants de solidarité comme le Revenu Universel, l’accès gratuit à la santé, l’enseignement partagé ou l’autonomie alimentaire de proximité.

Le confinement nous a donc appris à cohabiter autrement, à être plus solidaires et ouverts aux autres. Il a permis à la Nature de reprendre un petit peu sa place face aux hommes. Ce changement de regard nous a montré la valeur d’une communauté opposée à une société individualiste, qu’on a besoin l’un de l’autre, et nous a rappelé que nous nous ne sommes pas des tout puissants.

Bref ce confinement nous a donné des réponses élémentaires à cette question de « L’humain et le respect de son entourage global ». Il est une invitation au changement plutôt qu’un « retour à la normalité » Plein de bonnes intentions ont surgi, qui nous demandent de nous mobiliser pour ne pas louper cette belle opportunité d’améliorer notre comportement et de moduler la consommation des  « biens communs ».

Propositions

1. Développer les initiatives de proximité et l’autonomie citoyenne

a. Autonomie budgétaire des comités territoriaux ou de quartiers

b. Simplification des règles d’utilisation de l’espace public

c. Déployer les appels d’offre innovation

d. Repérer des pionniers et les aider (environnement, mode de vie,..)

2. Développer des expérimentations d’innovation sociales et environnementales,

a. Revenu Universel

b. Favoriser les circuits courts

c. Développer l’autonomie alimentaire

d. Réparer et améliorer plutôt que jeter

e. Développer des formes expérimentales de vie, des systèmes sociaux plus égalitaires,

3. Développer une démocratie participative

a. Conseils de quartiers. Budget participatif

b. Porter le conseil de citoyen au niveau municipal et métropolitain

c. Collège de citoyens dans certaines institutions (CESER, communautés de communes..)

d. Garantir une approche transversale de la participation citoyenne en diffusant la culture de la participation citoyenne à tous les niveaux de la municipalité, des services aux élus.

e. Assurer une collaboration interterritoriale pour clarifier le champ de compétences des collectivités

4. Associer davantage les citoyens à la démocratie représentative

a. Tirages au sort de citoyens volontaires

b. Moins de cumul de mandat

c. Modifier profondément le statut de l’élu

d. Imposer la mixité sociale dans les institutions

e. Conseils citoyens auprès des élus afin de partager les doutes et fleurir les critiques

5. Changer les indicateurs de progrès

a. Indicateurs de bien-être locaux

b. ODD comme indicateurs dans la constitution française

6. Enseigner aux plus jeunes les valeurs des sociétés humaines:

a. La citoyenneté

b. L’environnement

c. La République et ses institutions

d. Constitution et Conseil Constitutionnel

7. Renforcer les politiques européennes communes :

a. en matière d’environnement

b. en matière de santé (mutualisation des fabrications, uniformisation de l’accès aux soins, etc..)

8. Rendre plus efficace les services publics

a. Maison républicaine dans les quartiers et les villages

b. Simplification des circuits décisionnels

c. Autoriser la prise de risque

d. Accélérer les décisions de justice

e. Accès aux soins et restructuration du système de santé

9. Une économie plus responsable

a. Renforcement de la Responsabilité Sociale et Environnementale

b. Participation accentuée des salariés à la gouvernance des entreprises

c. Favoriser les entreprises qui tiennent compte de la vie des citoyens

d. Développer des alternatives vers une économie équitable, et plus respectueuse de notre terre

e. Tenir compte de l’intérêt des générations futures,

Que peut faire le GODF ?

Tous ces avis et propositions se concentrent sur des constats et des évolutions de valeurs qui touchent directement à la Constitution de la République Française. Sans employer de grands mots ces constats pourraient se résumer à :

– Une crise de la représentation démocratique

– Une crise de la responsabilité citoyenne et anthropologique

– Une prise de conscience que « ça ne va pas» (malaise ?) face au manque de sens des vies humaines (économiques et sociales), versus la destruction de ce qui faisait les liens sociaux et nos échanges avec l’environnement.

Ces constats engagent donc des solutions d’ordre systémique et non pas conjoncturel, à savoir :

– L’engagement citoyen comme facteur de réussite de l’évolution de la société. On peut clairement compter sur lui, s’il prend conscience que l’enjeu est critique.

– Une plus grande participation organisée des citoyens, à la fois souhaitée mais aussi vertueuse

– Une organisation type poupée russe (quartier territoire Etat monde). L’Etat est seul face au Monde, la complexité l’oblige à s’éloigner des habitants, les relais démocratiques sont donc nécessaires.

– Des valeurs fortes, anciennes et humanistes, mais aussi nouvelles et écologiques :

Respect du vivant, partage des richesses créées, retour aux biens communs, …

Il y a donc un message à faire passer que notre nation peut et doit s’engager sur un chemin d’harmonie humaniste et environnementale, si possible universaliste parce qu’exemplaire dans ses propres réalisations. Et donc embellir ses valeurs fondamentales des aspirations participatives citoyennes et des nécessités de protéger toutes les vies d’aujourd’hui et de demain.

Au delà de l’action et du rayonnement de chaque Frères et Sœurs autour d’eux, la Maçonnerie se doit de s’engager d’avantage, d’accepter de se découvrir et de revisiter la notion de secret maçonnique, en séparant ce qui d’ordre initiatique et intime, de ce que sont nos avis éclairés sur l’évolution de la société et des valeurs qu’elles lui semblent devoir servir de socle.

Ainsi le GODF pourrait promouvoir le « nouveau » citoyen en tant qu’être social émancipé, donc autonome et responsable, à laquelle la République ferait confiance dans sa capacité de jugement et d’action, ne le cotonnant plus à son « expertise de citoyen usager », mais aussi en tant que représentant du genre homo sapiens, ici et maintenant, donc développer de nouvelles valeurs dans nos schémas habituels de représentation de notre humanité. Et dire cela, c’est aussi devenir le promoteur, et aussi le participant actif, à une évolution de la Constitution de la République Française afin d’y inscrire ces trois aspirations à davantage de justice sociale, de prise en compte des équilibres biologiques et de participations actives des citoyens à leur devenir et aux décisions.

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