Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

L’APRÈS

Respectable Loge, Hiram, Orient de Londres, Région 10 Nord - Pas de calais - Picardie et Loges d'Angleterre

Mots Clefs : Généralités

Alors que des mesures sanitaires réapparaissent, certains pensaient déjà être dans l’Après. Mais l’après quoi exactement ? Cette crise Covid-19 a touché tout le monde sans exception, aussi bien les pays développés que les pays pauvres. C’est le grand égalisateur entre les pays. Cette crise a montré la vulnérabilité et la faiblesse de l’homme : confinement, désarroi des politiciens non préparés, expérimentation, absence de cas d’école. C’est l’imperfection de l’homme face au désastre naturel. Alors étrangement, on se sent humain.

De voir comment tout s’est arrêté : écoles, restaurant, contacts humains, on observe ce qui nous définissait comme animal social. Beaucoup se sont recentrés sur l’essentiel entre quatre murs. Le « moi » s’ennui et ne peut plus suivre ses instincts ou ses humeurs. Le « je », actif et décisionnaire a semblé prendre le dessus : du sport, du yoga, de la cuisine. On contrôle le « moi », on ouvre des livres, on prend des résolutions. Certain ont renoué avec le jardinage, « Il faut cultiver son jardin » disait Voltaire.

Chez le Franc-Maçon on apprécie l’intention, le travail sur soi… On y travaille. Dans ce confinement, on peut reconnaître l’initiation de l’Apprenti. Il s’agirait cette fois-ci d’une initiation à un nouvel état de fait, « la crise », avec tout autant d’inconnues par-delà le bandeau. Le temps, le silence de cette crise, crée un nouvel espace à l’exploration intérieure et l’écoute de notre environnement : pour cultiver le « soi », explorer notre Verticale pour retrouver la juste place du « soi » dans le « nous ». Certain se sont ouverts à l’autre, aussi. Des élans humanistes se sont manifestés entre familles, communautés.

Chez le Franc-Maçon on apprécie la Fraternité, aussi. L’Homme, focalisé de nouveau sur ses zones d’influences proches comme la famille, pourvu d’un nouvel espace-temps pour s’investir davantage dans ces espaces, s’est vu revigoré dans sa mission de transmission et son rôle d’exemple pour les générations futures et ses pairs.

Face aux défaillances des systèmes de consommation préexistants, nous avons été poussés à tester et explorer des solutions d’économies alternatives. Plus locales et davantage responsables, elles ouvrent la voie vers plus de souveraineté industrielle et agricole, vers une relocalisation nationale des systèmes de production et d’approvisionnement. Les crises sont traditionnellement accélératrices de tendances de consommation. Celles amorcées en faveur des circuits courts, de l’achat direct aux producteurs et du bio, ne devraient pas faire exception.

Face à la morbidité et mortalité environnantes, dans le silence et l’isolement du confinement, nous nous retrouvons dans le Cabinet de Réflexion, à écrire notre Testament. A faire le point sur notre vie passée. De quoi voulons-nous nous décharger ? Que voulons-nous léguer à l’Humanité ? Voulons-nous alors faire de la chirurgie cosmétique, mettre la société sous respirateur artificiel ; ou bien faire face à la mort pour nous permettre de renaître dans la Lumière ?

Cela nous ramène donc au V.I.T.R.I.O.L. du Cabinet de Réflexion : il faut mourir pour renaître. Alors il faut changer de modèle. Si nous devons vivre d’autres confinements, nous devons repenser le bâti : construire des bâtiments autonomes en énergie et écologiques, capables d’évoluer. Occuper les balcons, terrasses, tout espaces possibles hors de l’espace public. Utiliser la ville pour des espaces verts utiles, créer de véritables aires urbaines cultivées. Changement dans le monde professionnel, aussi. L’option de travailler efficacement et sérieusement depuis chez soi changera profondément notre mode de vie : flexibilité du temps de travail, plus de temps pour la famille, amélioration de la qualité de vie. Le paysage urbain pourra ainsi être repensé : maintenant qu’il n’est plus nécessaire de vivre près de son travail, une meilleure occupation de la planète peut être imaginée.

Pour autant il serait temps de faire un point sur la question de la technologie. Elle rentre dans le foyer, facilite les communications et rend le travail profane possible à tout instant. A quel point devenons-nous les esclaves de nos métaux numériques ? A quel point nos technologies nous coupent-elles du règne du vivant et des autres humains ? Il nous faut repenser la place de la technologie et de la nature, pas en opposition mais en symbiose, à l’heure où les émissions des parcs de serveurs remplacent celles des avions. Tout d’abord subies, les épreuves de l’Initiation ont fini par aiguiser nos sens. De la même manière, le vécu de cette crise a pu révéler la non-essentialité de l’accès et l’utilisation de certains services, de biens, d’infrastructures, jusqu’alors majoritairement considérés comme intrinsèquement nécessaires à nos modes de vie actuels. La dépendance de l’Occident aux énergies fossiles, aux systèmes d’approvisionnement globaux, aux transports internationaux, à l’immobilier de bureau, à la centralisation et à la dépendance du territoire vis-à-vis des villes en termes de décision et de gestion, sont autant d’exemple d’éléments de ce type.

En cela, la fonction de filtre purificateur de cette crise, par le feu, se rapproche de celle de l’Initiation de l’Apprenti, là encore. Artifices et artéfacts ne tiennent. Seul le cœur de la matière essentielle subsiste. Ainsi, le liant des rapports humains, la solidarité, l’Art comme vecteur de transformation des énergies et miroir de la société, la communauté locale qui nous entoure, notre foyer, se rappellent à nous de leur importance et de leur suffisance essentielle.

Cette crise a aussi marqué le grand retour de l’État. Les réponses ont été différentes, désorganisées et majoritairement non-coordonnées entre États. Les faiblesses des systèmes de santé ont été exposées au grand jour. La qualité de gestion des administrations et des institutions s’est comptée en nombre de morts. Plus que jamais, le rôle de l’État a été au centre de cette crise. Dans sa gestion, dans le confinement et contrôle de sa population, dans le soutien de son économie. Jamais de telles mesures ont été mises en place globalement pour le soutien de l’emploi et des entreprises. L’État interventionniste est de retour même dans les économies les plus libérales. L’État policier est de retour même dans les États les plus démocratiques. La Liberté, une de nos valeurs maçonniques, semble être à risque. L’Europe a aussi déçu, par manque de coordination et de vision commune. Encore une fois elle est apparue comme une somme de pays bien différents. Et encore une fois, plus d’Europe serait nécessaire : un système de santé Européen favorisant la diversité des approches, la recherche et les échanges à l’échelle du continent aurait permis une réponse plus efficace.

Aussi, cette crise est avant tout inégalitaire, plus on est pauvre, plus on meurt. L’Égalité des chances et de l’accès aux opportunités semble être mis à mal. La digitalisation et la dématérialisation qui accompagnent cette crise, ont aussi mené à une précarisation encore plus marquée des couches sociales les plus défavorisées. Face à ce constat, de quel « bien commun » parle-t-on ? Il semble plus que jamais important de s’attacher avec exigence, au rayonnement de nos valeurs d’Égalité et de Fraternité dans ce contexte. Attention à la blessure du confinement. Un homme de couleur meurt et l’Amérique et le reste du monde s’embrase aussitôt. Alors on regarde les autres souffrir et on pense à un monde meilleur. Abolir la faim, la pauvreté, les sans-abris. Réduire les inégalités en explorant des idées comme le revenu universel. Rêver à la fin des frontières dans ce monde qui se referme sur lui-même.

Pour faire face à cette crise à laquelle nous avons tout juste été initiés, nous nous devons d’entreprendre notre travail avec grande modestie, comme tout Apprenti. Nos premiers pas dans cet Après sont mus par une flexibilité de pensée allégée de préconçus et une aspiration au progrès caractéristique au novice. Les pseudo- « outils » de notre société, révélés « métaux » par la crise, doivent être laissés à la porte du Temple, libérant la société de contraintes de fonctionnement dogmatiques et soudant la communauté dans une recherche commune de bien commun. Dilatant l’espace et le temps, cette « crise » est ainsi un entre-deux, où les règles et le fonctionnement de l’espace profane peuvent être réfléchis, débattus. C’est le lien social entre les hommes qui nous a fait sortir de l’âge de pierre. C’est notre capacité à imaginer des choses qui n’existent pas qui a cimenté des groupes plus larges et érigé nos sociétés modernes. Alors il ne reste plus qu’à imaginer. La morale, l’humanisme, nos modèles de société : tous sont des constructions purement humaines, purement imaginaires. Cette crise va ouvrir la porte à de multiples opportunités de changement. À nous d’y insuffler les valeurs qui sont les nôtres. Il ne reste plus qu’à imaginer.

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