Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La sécurité est associée à la sécurité des biens et des personnes, ne conviendrait-il pas d’en faire un concept plus large englobant l’alimentation, la santé, etc. ?

Respectable Loge, Intersection, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : Obligation de résultatsPrincipe de précautionRenforcement de la politique de santé publiqueSécurité globale

Problématique en jeu

   La sécurité sanitaire ou alimentaire est aujourd’hui une composante majeure de la sécurité globale apportée par les États des pays développés à leurs populations. La protection de tous et notamment des plus faibles constitue une marque de civilisation et d’humanité.

   Toutefois, les évolutions en cours depuis trente ans, en raison de l’émergence du principe de précaution, tendent à faire évoluer la sécurité, d’une obligation de moyens à une obligation de résultats, comme l’atteste avec force la pandémie de coronavirus. Or une telle ambition est contestable sur le principe et inatteignable dans la pratique. Entraîné dans ses politiques de sécurité sanitaire vers une obligation de résultats, l’État ne peut assumer ce rôle tant d’un point de vue philosophique que pratique.

   Cela ne le dispense pas de réallouer une partie de ses moyens dans une démarche plus régalienne.

Une démarche plus régalienne

   L’émergence du principe de précaution constitue une évolution majeure depuis la fin du siècle dernier. Entériné lors du Sommet pour la planète de Rio en 1992 et intégré dans la constitution (comme dans de nombreux droits nationaux) en 2005 dans le cadre de la Charte de l’environnement, le principe de précaution considère que malgré l’absence de certitudes à un moment donné, dues à un manque de connaissances techniques ou scientifiques, il convient de prendre des mesures anticipatives de gestion de risques eu égard aux dommages potentiels sur l’environnement et la santé. Issu du droit de l’environnement, ce principe s’est étendu sous la pression d’affaires retentissantes comme celles du sang contaminé ou de la vache folle. Ce principe va au-delà de la prévention qui vise des risques avérés et non hypothétiques. Les autorités publiques sont tenues d’appliquer ce principe qui est devenu un principe d’action et non d’inaction face à l’incertitude. Ainsi les crises sanitaires ont provoqué une recherche croissante de la pénalisation de responsables politiques, administratifs ou économiques. Dans le cadre de la gestion de crise liée au coronavirus, trois ministres font déjà l’objet de nombreuses plaintes (le premier Ministre, et les deux ministres de la santé qui se sont succédé). Ainsi, la presse s’est faite l’écho d’une remarque du Président de la République à l’égard du Premier ministre qui aurait tardé à faire sortir le pays du confinement pour « gérer son risque pénal ».

   La gestion de la crise pandémique a montré que l’État se sent investi d’une mission de protection des citoyens contre la mort dans le cadre de son obligation de résultats. La décision de confiner toute la population sur une longue période incarne l’acmé du principe de précaution. Le refus de la mort distingue notre époque (les pandémies de grippes asiatiques et de Hong Kong de 1957 et 1969 d’importance équivalente ou supérieure par le nombre de décès ne suscitèrent pas de confinement). Chaque soir durant la période de confinement, le directeur général de la santé recensait sur tous les médias le nombre de décès à l’unité sans jamais le comparer au nombre de décès moyen sur une année. Chaque décès s’interprétait comme un échec des pouvoirs publics. Pourtant, les conséquences lourdement dommageables d’un confinement généralisé restent à évaluer : sur le plan sanitaire du fait de nombreuses pathologies non traitées, sur le plan économique et social par la récession historique (-11% du PIB à ce jour) génératrice de faillites et de chômage massif, au plan de l’état de droit avec la loi du 23 mars 2020 instaurant l’état d’urgence sanitaire. Ce texte a introduit dans le code de la santé publique un délit pour non-respect du confinement (6 mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende). Des libertés fondamentales comme celles de se déplacer, de manifester ou d’exercer son culte furent supprimées.

   Or, l’État ne dispose pas de l’organisation et des moyens appropriés pour garantir une sécurité absolue. Deux exemples l’attestent. En matière de sécurité alimentaire, un rapport de la Cour des comptes de l’Union Européenne (2019) souligne que les autorités nationales, compétentes pour appliquer la réglementation sur la qualité des produits, sont dans l’incapacité de contrôler la présence de plus de 8 000 substances chimiques réglementées. D’autre part, La gestion de la pandémie a montré que malgré une part du PIB très élevée consacrée aux dépenses de santé (11,2% comme en Allemagne, ce qui place notre pays dans les 5 premiers de l’OCDE), la politique de santé publique a été lacunaire : manque de lits en soins intensifs (5 000 contre 28 000 en Allemagne), de respirateurs, de matériels de tests (écouvillons et réactifs), d’équipements de protection pour les soignants et de masques pour la population. Ces lacunes furent accusées par l’absence de productions significatives en France ou en Europe.

Le renforcement des contrôles et de la politique de santé publique

    Il convient de réallouer une part des dépenses publiques (car la France est le premier pays de l’OCDE pour son niveau au regard du PIB) vers un renforcement des contrôles et de la politique de santé publique dans le cadre d’une souveraineté économique plus prononcée. De quelle manière ?

    En augmentant les capacités de contrôle des laboratoires qui évaluent la qualité des aliments par une contractualisation massive avec les laboratoires privés assortie d’incitations financières, et en doublant les effectifs des services de contrôle de la chaîne alimentaire (DDCSPP/DDCCRF/ARF).

   En développant une politique de santé publique dotée de moyens supplémentaires :

– accroissement du nombre de lits en soins intensifs, de respirateurs, d’équipements de protection des personnels soignants ;

– augmentation du nombre des personnels soignants et de leur rémunération au détriment des personnels administratifs trop nombreux dans les effectifs totaux ;

– renforcement de la coopération entre les hôpitaux publics et le secteur hospitalier privé ainsi que la médecine de ville sous les pouvoirs de contrôle des ARS (Agence régionale de Santé).

   En assurant une meilleure sécurité des approvisionnements de certains biens essentiels médicaux par une relocalisation de leurs productions (paracétamol, antibiotiques, masques) par le levier d’une baisse des impôts sur la production (en s’alignant sur le niveau choisi par l’Allemagne). Dans le domaine alimentaire, il convient d’inciter à la hausse de la production de certains produits largement importés et qui, en cas de fermeture des frontières, pourraient venir à manquer ((fruits et légumes, poulets).

   En renforçant les entreprises de la chaîne logistique dans une économie à flux tendus. Il s’agit d’en faire des entreprises à protéger en priorité en période de pandémie ou de crise sociale.

Proposition phare : développer la contractualisation publique privé et renforcer les outils de contrôle de la chaîne alimentaire.

A lire aussi

Cet article est unique.

Aucun article n'a les mêmes mots-clefs.