Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La dette au service de la transition écologique

Respectable Loge, Étoile de Marianne, Orient de Niort, Région 9 Ouest

Mots Clefs : La dette écologique

Vivons-nous une nouvelle fin de l’Histoire ?

Après la chute du mur de Berlin, Francis Fukuyama nous prédisait la fin de l’Histoire, cette idée est récurrente et non une invention de l’auteur, en réalité il constatait une fin de période historique et le primat de la démocratie libérale et de l’économie de marché qui pour lui ne devraient plus avoir d’entraves à leur épanouissement.  Mais alors que penser de cette pandémie qui bouleverse l’ordre établi, n’allons-nous pas reconstruire un nouveau mur orwellien, prompte à nous faire accepter une servitude revisitée pour l’occasion ?

Le monde était radieux pour l’économie de marché, la dématérialisation complète des transactions financières de tous ordres et la faible régularisation opérée par les autorités de contrôle ont permis à l’économie mondialisée de croître nettement plus vite que l’économie réelle. Pour faire participer les populations à cette hypertrophie de la finance, les banques ont ouvert les règles de l’endettement privé. En 1950 pour les pays avancés, l’endettement privé était à 50 % du PIB, il est désormais à 160 %, les populations s’endettent et l’OCDE constate que la part du travail diminue dans la valorisation du PIB, elle se situait en 2009 à 61.7 %. L’ingénierie financière vend l’idée que le travail ne devient pas le seul critère pour s’enrichir mais accroître son capital par l’endettement devient un levier facile pour augmenter ses revenus. Le personnel politique acquis aux idéaux de la finance encourage les banques dans cette aventure, les banques prêtent à tout va en prenant bien soin de préserver leurs intérêts à travers des taux progressifs ou indexés sur une valeur de référence stable. Pour exemple, les banques américaines vendent du crédit immobilier sans restriction, pour minimiser le risque ces banques transforment cette dette en titres que l’on maquille en produits dérivés. Les fameux « subprimes » sont nés. La manœuvre fonctionne comme un bel algorithme, jusqu’à la chute : brutale, mondiale. Des millions de pauvres gens ruinés et d’autres millions par effet de bord perdent leur boulot. Comme le veut la pratique libérale, en cas de difficultés, les États doivent prendre le relais, les États vont s’endetter pour solder l’incompétence et la cupidité du monde de la finance, l’année 2008 connaîtra une crise financière sévère et chaque pays mettra une bonne dizaine d’années à restaurer ses comptes, tout en conservant une dette importante qui ne cessera d’entraver les politiques sociales de ces pays.

En 2020 l’économie mondiale avait retrouvé le rythme d’avant la crise des subprimes, certes les mêmes mots étaient présents, mais l’insouciance avait ressourcé l’audace du marché. Voilà, l’histoire ne se répète pas, du moins jamais de la même façon, ce virus SRAS COV2 différent de ses précédents congénères est venu nous rappeler que la présumé toute puissance de l’homme a des limites.  Dans l’imaginaire de la population la grippe espagnole semble être enfouie aussi profondément que les épidémies de choléra ou de peste, c’est du domaine de la littérature et non une situation crédible de nos jours. Même la grippe de Hongkong de l’hiver 1969/70 n’est pas dans la mémoire des papys boomer, il y eu pourtant, en France 30 000 décès en quatre mois, mais personne ce cette génération n’en a de réels souvenirs. Cette mémoire floue signifie que l’avenir de nos sociétés ne se conjugue plus de la même façon, les modes de vie actuels nous entraînent vers la vie, uniquement vers la vie, la mort n’existe pas, pour le mieux, il ne faut pas en parler.

Peut-être faudra-t-il attendre l’analyse des historiens pour comprendre pourquoi la France et d’autres pays d’Europe ont stoppé pour la première fois la vie économique et laissé se développer une crise économique importante. En quelques mois la perte de productivité pendant le confinement et les débuts difficiles de la reprise du monde du travail, se sont traduits à l’été 2020 par une baisse de 12 points de PIB.  Pour maintenir la consommation et permettre aux entreprises et directement aux salariés de conserver une stabilité partielle de leurs revenus, l’État a eu recours à un chômage partiel, qui a permis de ne pas déstructurer le monde de l’entreprise, mais a entraîné pour l’État un accroissement important de la dette publique.

Certes les raisons de cette crise sont différentes, elles sont liées à une épidémie et aux politiques publiques décidées pour maîtriser l’épidémie et non à la malveillance et la cupidité de la finance, néanmoins nous allons connaître sensiblement les mêmes conséquences. Désormais ces crises dès qu’elles adviennent, finissent par devenir des crises systémiques, car elles mettent en lumière les vulnérabilités du modèle économique mondialisé : notamment la gestion des approvisionnements à l’échelle mondiale et les dépendances critiques que cela implique, les délocalisations pour raison financière qui deviennent une grave perte de souveraineté pour de nombreux pays. Le parcours rapide du virus, de la Chine à l’Europe et au continent américain nous alerte également et cela devient une prise de conscience forte pour de nombreux individus, sur le degré et la gravité du phénomène écologique pour lequel les dirigeants politiques et économiques font preuve d’une myopie et une inertie coupable.

Au niveau de la vie quotidienne, cette crise économique se traduira une fois de plus par des pertes d’emploi, beaucoup d’entreprises auront des difficultés à poursuivre avec des productivités affaiblies, des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et des investissements en berne.  Nous sommes un pays de culture et de tourisme, ces deux activités génèrent de la richesse, si les conditions sanitaires demeurent, ces activités tourneront au ralenti. Mécaniquement la raréfaction de l’emploi a des conséquence sur le niveau de consommation et dans l’incertitude, les individus augmentent leur épargne de précaution. Tous ces facteurs sont des évènements classiques et il appartient au gouvernement d’enrayer cette mécanique néfaste pour sortir le pays de cette crise sanitaire et économique. 

L’audace de « super Mario »

La crise de 2008 est celle des subprimes, connus aussi comme « actifs pourris » que toutes les banques conservaient dans leur bilan et ce problème devint la source de la perte de confiance dans les relations inter-bancaires et naturellement cela se traduisit au niveau du financement de l’économie réelle. Il fallait une solution pour se défaire de ces actifs pourris pour que reparte l’économie et que le marché se calme.  Mario Draghi, le patron de la BCE de l’époque est l’auteur de la célèbre formule « Whatever it takes » (en français « quoiqu’il en coûte ») qui va mettre un terme aux attaques spéculatives et permettre à la situation européenne de se ressaisir. Sur le plan pratique la BCE va acheter des milliards d’euros d’actifs financiers aux banques européennes, (Quantitative easing-QE-) cette opération va faire baisser significativement les coûts du crédit en zone euro, stopper net la spéculation sur la monnaie et relancer l’économie.

En 2020 la BCE considère avoir acheté 6 500 milliards d’euros d’actifs, soit l’équivalent de la moitié du PIB de la zone euro. Cette politique défendue par Mario Draghi a été parfois mal accueillie, néanmoins elle a sauvé la monnaie européenne, tout en masquant pudiquement les disparités réelles de valeur de la monnaie unique de ses pays membres.

La Transition écologique

La crise économique issue de la pandémie va donc se traduire par une augmentation des faillites des restructurations d’entreprises, cela se traduira rapidement par des pertes d’emploi. Dans les situations de ce type, il faut trouver le déclic pour inverser la tendance. Il faut considérer que l’économie n’est pas une science dure, elle doit s’adapter aux conjonctures du moment. Après la seconde guerre mondiale, les dettes étaient colossales, l’inflation forte ou l’effacement pur et simple ont permis de relancer les pays détruits par ce conflit. En 2020 se pose le problème de la transition écologique, chaque nation est concernée et les structures européennes doivent être à même de prendre en considération ce défi. Il ne faut pas que ce défi soit une fois de plus l’occasion d’importer les matériaux ou les technologies nécessaires a cette mission, l’Europe se doit de mutualiser les savoir-faire pour ne pas délocaliser ces nouveaux besoins, nous devons assurer cette refondation écologique sur nos territoires, avec nos technologies et nos salariés. 

Si cette refondation écologique prend forme ce sont des milliers d’emploi qui verront le jours et une façon profitable pour tous de sortir de cette crise économique. Comment financer ce défi européen ? Revenir à l’audace du Whatever it takes de Mario Draghi et permettre à la BCE d’annuler de la dette des pays à hauteur de l’investissement engagé pour cette refondation écologique.

Lorsqu’un pays émettra de nouveaux titres pour rembourser ceux qui arrivent à échéance, ces derniers seraient annulés par la BCE, si et seulement si ces montants sont utilisés pour la refondation écologique. Cela signifie que les États concernés pourraient financer des investissements verts sans que le ratio dette sur PIB n’augmente. En d’autres termes par un jeu d’écriture la BCE qui n’est pas une banque commerciale, peut supprimer de son bilan une partie de la dette des pays, cette suppression de dette se transformerait en investissements afin de développer une industrie verte européenne, avec des emplois et des savoirs faire nouveaux. Ces activités peuvent être liées à la conquête d’un agro-alimentaire de qualité, qui prendrait soin des sols en produisant des céréales et légumes sains pour la santé des hommes, ou par exemple la mise en œuvre pour les territoires européens d’un réseau de ferroutage cohérent et efficace. Il existe des quantités de propositions, certaines existent à petites échelles, elles ne sont pas des références productivistes mais respectueuses de la nature et de l’intelligence humaine, tarder à y répondre c’est ne pas comprendre l’urgence climatique et courir vers d’autres dangers que celui du SARS COV2 qui ne l’oublions pas est un avatar du déséquilibre écologique fabriqué par la main de l’homme.

 Cette solution d’annulation de dette par la BCE contre la relance de cette crise par la transition écologique est aujourd’hui avancée par de nombreux économistes, qui considèrent que les statuts de la BCE lui permettent ce type d’actions, la gouvernance de la BCE doit retrouver l’audace qui fut celle de M Draghi pour relancer la machine européenne.

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