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Mariane
Livre blanc

La cité écologique : quelle place pour le combat maçonnique ?

Respectable Loge, Europa, Orient de Strasbourg, Région 4 Champagne - Ardenne - Alsace - Lorraine et Loges d'Allemagne

Mots Clefs : CitéCité écologique

Le constat

Faut-il accepter comme une condamnation de vivre pour toujours dans le monde où nous vivons en entretenant des rêves, selon toute hypothèse, voués à l’échec puisque nous restons dans une société écocidaire, c’est à dire contribuant à une fin du monde possible et rapprochée dans le temps, une société basée sur la croissance, le profit, la consommation, la productivité… (Serge Audier) ?

Les défis qui s’annoncent sont nombreux et vertigineux : défis économiques, défis sociaux, défis sanitaires, défis politiques, défis culturels. Mais malheureusement nous faisons face à une impuissance collective à prendre en charge cette priorité absolue !

Ainsi nous nous condamnons, à plus ou moins brève échéance, à une véritable fin de l’histoire : celle de l’habitabilité de la Terre !

Par ailleurs, nous sommes dans une société où la culture du déni, du mensonge, des fake news, s’est imposée et semble acceptée par un grand nombre. Cette culture est largement entretenue par des dirigeants de grandes puissances tel que Trump, Bolsonaro, Poutine, Erdogan, Johnson… et bien d’autres encore et cette attitude irresponsable est suicidaire pour notre planète.

Alors nous , Francs-Maçons, adeptes du discernement et du souci du bien-être de l’humanité,  n’avons-nous pas un rôle à jouer, une responsabilité à assumer, un engagement à tenir ?

Comment en sommes-nous arrivés à cet état dramatique ? — Quelques dates marquantes.

1973 : Le Club de Rome

Cette date est l’avènement de la conscience écologique mondiale dont la conclusion fut : «se transformer ou disparaître ». Un espoir vite détruit…

De fait c’est l’attitude suicidaire qui s’est imposée, car savoir individuellement et collectivement qu’une chose est dangereuse ne signifie en rien qu’on ait envie et que l’on se sent capable de l’affronter. Cela a été concrètement l’attitude «après moi le déluge» !

1989 : La chute du mur de Berlin

Là aussi un immense espoir vers un monde meilleur. De fait cette date annonce la double hégémonie planétaire de la démocratie parlementaire libérale et du capitalisme. Cela a été un accélérateur de la crise écologique par des records de croissance au niveau mondial.

1992 : Le sommet de RIO avec les conférences des Nations Unis sur l’environnement et le développement.

Cela aboutira à la déclaration qui stipule que les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable, ce dernier se définissant comme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Il est aussi dit que les êtres humains ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la Nature. Une convention sur le climat est élaborée dans la foulée, suivie du protocole de Kyoto.

D’autres réunions ont eu lieu pour aboutir finalement à un accord défini comme historique : celui de Paris !

2015/ 2016 : les Accords de Paris sur le climat

L’objectif est de limiter le réchauffement de la planète à un niveau inférieur à 2 degrés. Objectif vital mais irréalisable par nos comportements : en effet il faudrait un confinement de 30 années au niveau mondial pour que cet accord puisse être respecté !

Ainsi malgré cette prise de conscience nous sommes en situation d’échec sur tous les objectifs annoncés car le modèle dans lequel nous vivons est plus que jamais une course à l’abîme et n’a pas la capacité à se transformer fondamentalement. L’idéologie du progrès a joué un rôle dans la trajectoire écocidaire de la modernité. Nous vivons dans une société « extrémiste » (Pierre Samuel) : extrémisme de la productivité, de la croissance, de la compétivité, de la spécialisation , des conflits, alors que la seule attitude raisonnable serait  d’aller vers la frugalité, la modération, ce qui signifie une chute massive de la consommation et par là même de la production.

Si tout le monde vivait comme les américains des États-Unis il nous faudrait 3 planètes Terre ! D’ailleurs le jour du dépassement, date à laquelle l’homme a consommé l’intégralité des ressources que la nature est censée renouveler au cours d’une année, est passé entre 1990 et 2019 du 11octobre au 21 juillet !

Jusqu’à présent l’équilibre (ou le déséquilibre) entre les dépenses énergétiques liées à l’activité humaine et les ressources naturelles, bien que connu, passait au second plan, la priorité étant la recherche du bien-être individuel. Cela supposait de croire que la résolution de tous les problèmes engendrés par cette attitude se ferait grâce aux progrès techniques à venir. Ce fut une utopie ! Nous sommes entrés dans l’ère de l’anthropocène qui est l’intervalle de temps caractérisé par l’impact significatif des activités humaines sur le façonnement de la surface du globe. L’homme est ainsi devenu un agent géologique et même un agent biologique par appauvrissement du vivant, le nombre d’espèces animales en voie d’extinction augmentant de façon exponentielle.

Que faut-il faire ?

Il est troublant de constater que les politiques écocidaires reçoivent de facto quasi quotidiennement un plébiscite populaire, rendant difficile le tournant écologique.

Il ne s’agit pas, non plus, de devenir collapsologue ou effondriste : ceux-ci ne cherchent pas des solutions mais préconisent une stratégie de survie face à la catastrophe imminente attendue, voire souhaitée !

Pour que le tournant écologique réussisse et s’accomplisse, il faut que la conversion écologique soit socialement désirable, ce qui implique :

            – de repenser le sens de la vie et pas seulement celle de l’être humain;

            – de réfléchir sur ce que signifie une existence accomplie;

            – de réfléchir sur ce que signifie le bonheur individuel et collectif;

            – de redéfinir les priorités en pensant à la phrase de notre frère Saint Exupéry «nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants».

Faire le tri entre l’indispensable et l’accessoire est essentiel pour appréhender le réel et être apte à trouver des solutions.

Les actions telles que : tri sélectif, jardins potagers partagés, emballages recyclables…sont plutôt de type «colibri», certes louables car aidant à une prise de conscience, mais insuffisants pour éteindre l’incendie que nous avons initié.

Nous sommes face à une urgence extrême et l’épidémie de la Covid 19 n’est probablement pas grand-chose face aux menaces climatiques qui nous attendent : flux migratoires massifs, accès de plus en plus limité à l’eau douce, pauvreté et famine en nette augmentation, conflits majeurs en perspective…

C’est une décroissance majeure qui apparaît comme une condition nécessaire : il nous faudrait en conséquence une conduite d’autolimitation consciente de notre propre impact générationnel.

Il nous faut évoluer vers une civilisation plus coopérative et plus solidaire en n’oubliant pas que nous faisons partie d’un écosystème où toute perturbation d’origine humaine a des répercussions sur l’ensemble du vivant.

Il nous faudra aussi une réflexion sur des thèmes aussi fondamentaux que l’évaluation du bien-être, de la notion de pauvreté et d’inégalité, de la notion de justice sociale.

La décroissance, avec son lot de faillites et de chômeurs, ne pourra être acceptée que si elle est accompagnée par ce qui pourrait être un revenu minimun universel permettant à tout un chacun d’avoir des conditions de vie acceptable.

En conclusion

Pour donner corps à ces quelques pistes de réflexion ébauchées, pour conclure je dirais que nous devons paniquer, c’est-à-dire réagir d’urgence, nous indigner, commencer la lutte sans délai, changer notre façon d’être et notre rapport au monde. Il nous faut respecter la vie dans sa globalité comme le préconisait déjà Albert Schweitzer en prenant conscience que l’homme ne peut vivre seul sur notre planète. Des citoyens partout se lèvent pour que l’éveil de nos consciences s’étende :

Greta Thunberg, courageuse militante écologique suédoise de 17 ans, est la représentante de  cette jeunesse qui se soulève pour réclamer à juste titre  des comptes et pour demander qu’on agisse sans tarder. Elle a su faire face aux ricanements d’une partie de «l’intelligentsia» et obtenu le soutien de J.M.G. Le Clézio.

Cyril Dion a lancé tout récemment un appel pour sauver la convention citoyenne sur le climat et obtenu un soutien massif , ce qui est plutôt encourageant.

Serge Audier qui milite pour un éco-républicanisme nous dit que «ceux qui croient plus ou moins explicitement que la question écologique n’est pas une question politique, mais qu’elle relève ultimement de tout autres considérations, — progrès technologique, ou encore nouvelle sagesse ou sensibilité —, se trompent. Loin de signer la fin du politique, la crise socio-écologique constitue un défi qui oblige à redonner sens à cette aventure sans fin que sont la lutte, la délibération et l’action en commun autour des affaires communes ».

Alors oui, nous Francs-Maçons avons une place à prendre dans l’élaboration de la cité écologique responsable et solidaire. Il faut écologiser la politique et politiser l’écologie.

Condorcet au 18éme siècle disait : «nos espérances sur l’état à venir de l’espèce humaine peuvent se réduire à ces 3 points 1) la destruction des inégalités entre les nations 2) les progrès de l’égalité dans un même peuple 3) le perfectionnement réel de l’homme» Ces paroles restent d’actualité et doivent accompagner notre réflexion écologique.

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