Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Démarche solidaire de l’entourage pour un accompagnement de fin de vie fraternel. Des leçons de la Covid

Respectable Loge, Louise Michel, Orient de Limoges, Région 5 Centre

Mots Clefs : Accompagnement mourantsBientraitanceRites de mortRôle entourageSoins palliatifs

La fin de vie d’un proche est bien évidemment une douleur qui requiert à la fois une approche et un dialogue médical, psychologique et affectif. Avant d’aborder des aspects mis en exergue avec la COVID au printemps 2020, interrogeons-nous sur ce qu’est devenu le traitement de la mort en Occident au XXIe siècle et la quasi-disparition des usages qui y sont associés.

Les cérémonies d’accompagnements laïques ou religieuses, que l’on appellera rites, ont un fondement très primitif décrit chez certains mammifères dont les éléphants. Les mourants sont entourés par les proches, ils sont notamment caressés, lavés pour les humains afin d’effectuer avec douceur, apaisement, affection, et même amour cette transition ; de préparer à ce voyage irréversible le mourant et ses proches. Toutefois, comme le soulignent notamment R. Debray et E. Morin la médicalisation des soins et de la mort a repoussé ces rites qu’on considérait comme désuets, emprunts de superstitions. Selon le sociologue G. Gorer, la mort est devenue le principal interdit du monde occidental. On s’aperçoit toutefois que ces pratiques ont une fonction cathartique forte : « plonger dans l’abîme de la mort nous fait plonger en même temps dans la source de vie ». La nécessité de rites sert à guider le mort vers son dernier lieu de vie, mais ils servent surtout aux vivants, pour accepter la séparation.

A-t-on pu les réaliser de manière optimale durant ce printemps 2020 en raison du confinement ?

Au nom de la protection collective n’a-t-on pas privé l’individu (et ses proches) de son droit à un départ apaisé et accompagné ?

Contraint au confinement par mesure de précaution et prévention, nos habitudes et organisations personnelles professionnelles ou sociétales ont été perturbées.

Concernant la fin de vie, les mesures barrières mises en place ont conduit à des situations de fin de vie esseulées, privant les défunts, Covid et non Covid, et leurs proches, d’une dernière rencontre, d’un ultime échange, de ces rites laïques ou religieux.

En cela n’a-t-on pas bafoué le droit individuel, éthique de partir ou de laisser partir sereinement ? A l’heure où les notions de « prendre soin » se développent en France, n’a-t-on pas manqué une étape importante du parcours de fin de vie ? Était-il vraiment nécessaire de priver un mourant et ses proches d’un accompagnement lorsque ceux-ci n’étaient pas atteints par le Covid ? Quelles alternatives s’offraient à nous ? Avait-on le choix d’une autre gestion, plus humaine, en l’état actuel du système de santé : manque de personnel, pénurie de matériel et de médicaments, incertitudes scientifiques et médicales ?

  État des lieux des réflexions actuelles :

En 2005 la loi Léonetti définissait des droits aux malades en fin de vie ainsi qu’à leurs proches. Concernant ces derniers, une place d’interlocuteur avec les équipes soignantes, mais aussi un rôle de réconfort, de chaleur, d’apaisement ont été reconnus (droit de refus d’acharnement thérapeutique, droit de congés de solidarité familiale pour accompagnement d’une durée qui pourrait être indéterminée).

En parallèle depuis une dizaine d’années, la notion de « prendre soin » (« bientraitance ») est apparue en France, importée des États-Unis et inspirée du « care ». Cette nouvelle approche se veut complémentaire du soin technique et vise à prendre en compte le patient dans son ensemble. Elle s’attache au bien-être d’autrui. Présente dans les unités de soins palliatifs (B. Devalois), elle tend à se généraliser et s’intègre de plus en plus dans la prise en charge des patients qu’ils soient hospitalisés ou en structure médico-sociale. P. Molinier (Pr de psychologie sociale) explique que prendre soin de l’autre « même si ce n’est pas penser à l’autre, c’est produire un certain travail qui participe directement du maintien ou de la préservation de la vie de l’autre ». Le trait essentiel de la bientraitance est son invisibilité (ex. : donner spontanément un verre d’eau à un patient). Ce travail invisible se perçoit avant tout quand il est raté ou qu’il n’est pas fait. Définie comme un geste gracieux et imperceptible, la bientraitance nécessite des qualités de base innée, du temps et des moyens de ressources humaines. Toutefois, elle requiert un véritable dialogue pluri-professionnel et probablement des formations complémentaires pour ne pas tomber dans une forme involontaire de maltraitance. Comme le rappelait M. de Hennezel (La mort intime) : « s’il n’y a plus rien à faire médicalement, cela veut-il dire qu’il n’y a plus rien à faire pour les mourants ? Ne sont-ils pas tous des vivants jusqu’au bout ? ».

Les évènements survenus dans les établissements hospitaliers et les EHPAD, en lien avec la Covid, ont plongé les soignants, le personnel d’entretien et de cuisine, et les familles dans une détresse extrême. Malgré l’afflux de patients et l’augmentation de charge de travail liée à la pandémie, la qualité des soins a été maintenue autant que faire se peut. Le constat d’un manque d’accompagnement des patients en fin de vie parfois par les équipes soignantes, par débordement d’activité, mais surtout par les familles, du fait d’un manque de matériel de protection, a été criant et révélateur des progrès à réaliser sur ce domaine, et de la réévaluation du rapport de la vie à la mort dans notre société.

Au nom de la prévention et autres gestes barrières, l’ensemble des mesures prises n’ont pas pris en compte le bien être des mourants, notamment en les privant du réconfort des familles, ni l’apprentissage de ce deuil par les familles. Cette privation a probablement affecté les mourants, mais plus encore les familles, eux restant après le départ de l’être cher. Elles n’ont pu accomplir ce dernier cheminement, cet adieu permettant de « faire son deuil » comme le dit la sagesse populaire. Par mesure de précaution, les aspects psychologiques, moraux/éthiques et religieux n’ont pas été considérés, et intégrés aux mesures de protection collective.

Par ailleurs, pour fédérer et harmoniser les systèmes de santés européens, les disparités à ce jour sont très grandes. Pour réduire ces divergences il serait nécessaire d’œuvrer en amont avec la mise en place d’outils et de pratiques communs. De plus, les niveaux de réflexion, lois sur la mort et sa place dans la vie des citoyens sont très hétérogènes au niveau européen (ex. : droit à l’euthanasie en Belgique). Par contre instaurer une communication, des échanges permettant l’acquisition de connaissances transverses qui pourraient être envisageables. Ce serait comme un processus support qui serait utilisé pour faire lien entre les différents cœurs de métiers du monde médical.

Que serait notre devise républicaine et franc-maçonne « Liberté, Egalité, Fraternité » si « ce sont les inégalités qui menacent la Fraternité » selon Cynthia Fleury.

Propositions :

Ce constat met en évidence la précarité de la place des familles dans l’accompagnement en fin de vie, particulièrement en période de crise, ainsi que les moyens techniques et humains nécessaires pour maintenir les actions déjà en place. Cette pandémie a mis en lumière la faible prise en compte de la mort dans le parcours de vie de chaque être, comme si elle n’était pas l’ultime étape d’une vie.

La place de l’entourage doit être renforcée, confortée en l’intégrant dans le parcours de fin de vie. Le décès ne devrait plus être un tabou engendrant angoisse, vide et isolement. L’humain doit être replacé au centre d’une prise en charge globale : médicale, psychologique et sociétale.

Travailler sur un protocole général (directive commune) d’accompagnement en fin de vie, applicable le plus possible à l’ensemble des structures (hospitalière, médico-sociale, à domicile) prévoyant / définissant la place de l’entourage dans l’accompagnement, et intégrant/développant l’approche non médicale des unités de soins palliatifs.

Respecter les souhaits des familles pour leur deuil.

Favoriser la dimension psychologique pour les soignants (formation en soins palliatifs) et les aidants.

En période de crise, ce protocole doit intégrer la notion de bénéfice-risque : le bien-être, la sollicitude apportée au regard des risques encourus d’un point de vue individuel mais aussi collectif (accompagner sans contribuer à une propagation ou exposer l’entourage, la collectivité à un sur-risque).

Intégrer un représentant des familles et des patients à ce travail/réflexion, afin que les aspirations et attentes des proches et des défunts soient considérées.

Prévoir des stocks de protection (gants, masques, sur-blouses…) éventuellement recyclables et en quantité suffisante pour assurer l’accueil des proches accompagnants.

En résumé :

La fin de vie d’un proche est une expérience douloureuse, qui la plupart du temps n’est plus autant imprégnée de rites que par le passé. Ces cérémonies ont une origine très primitive mettant en lumière leur rôle apaisant, bienfaiteur pour le mourant mais aussi pour préparer les vivants à accepter cette séparation irréversible.

Leur fonction cathartique est réapparue en ce printemps 2020 avec le confinement du au COVID 19, lorsque l’accompagnement des mourants (atteints ou pas du virus) a été fortement réduit voire n’a pas pu avoir lieu. Ceci a soulevé des questions éthiques malgré la très grande urgence des problèmes médicaux à traiter. Par exemple : Était-il vraiment nécessaire de priver un mourant et ses proches d’un accompagnement lorsque ceux-ci n’étaient pas atteints par le Covid ?

Lorsqu’on fait l’état des lieux des réflexions « post-Covid », beaucoup mentionne que la bientraitance/sollicitude a été délaissée en privant les patients en fin de vie de l’affection de leur proche. Ces derniers n’ont pu accomplir ce dernier voyage, cet adieu permettant de « faire son deuil » comme le dit la sagesse populaire.

Si des propositions commencent à émerger malgré un rebond de la pandémie. Il apparaît clairement que la place de l’entourage doit être renforcée, confortée en l’intégrant dans le parcours de fin de vie. Pour que le décès ne soit plus un tabou générateur d’angoisse, vide et isolement, il faut que des moyens financiers soient affectés pour favoriser notamment la dimension psychologique des soignants (formation en soins palliatifs). Il faudrait Intégrer le rôle de l’entourage pour permettre apaisement et harmonie de la fin d’un voyage qui laissera pour chacun place à un nouveau.

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