Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Au cœur du projet démocratique, renforcer l’égalité d’accès aux outils culturels

Respectable Loge, Art et Lumières, Orient de Lyon, Région 6 Est et Loges de Suisse

Mots Clefs : ArtConstruction de soiCultureUniversalisme

Démocratie, maitrise des outils culturels et formation du citoyen

Problématique : Comment permettre à chaque citoyen d’exercer une véritable liberté de conscience par la maitrise des outils culturels ?

Les sociétés démocratiques s’organisent autour du principe fondamental de la liberté de conscience, qui oriente en profondeur leur dynamique culturelle.

La particularité de l’espèce humaine est d’être intrinsèquement culturelle, c’est-à-dire capable de transmettre des outils de compréhension du rapport au monde et aux autres, de la condition humaine.  

La double spécificité des sociétés démocratiques est de dépasser une approche en termes de transmission d’une tradition par une logique de créativité et de perfectionnement continu de l’ensemble des œuvres culturelles, et de viser la participation de chaque citoyen à ce dépassement.

Dès lors, le rôle de l’éducation est d’introduire chaque jeune à la maitrise des outils culturels, en vue de lui permettre de transformer de manière continue les représentations, les conceptions, les institutions et de participer à la réalisation d’œuvres culturelles (artistiques, scientifiques, philosophiques, politiques).

Eminemment politique, l’éducation est conçue comme une entrée dans la culture qui vise à la fois l’émancipation de chaque personne et la participation de tous aux choix collectifs.

Le plein exercice de la citoyenneté démocratique passe par la formation du citoyen, seule garantie de sa capacité de jugement et de son autonomie intellectuelle et morale.

Il existe tout d’abord une concurrence entre trois sphères culturelles : religieuse/spirituelle, scientifique, elle-même fondamentalement plurielle, et artistique. Les interprétations du monde proposées par ces différentes sphères se transforment de manière continue. Ce pluralisme des interprétations du monde se double d’un relativisme dans le temps et dans l’espace, assumé comme tel sur la base de trois principes : liberté de conscience, tolérance, acceptation du pluralisme et de l’incertitude.

La culture comme cadre et construit de la démocratie

Références : Socrate, Platon, Spinoza, Kant, Rousseau, Condorcet, Dewey, Arendt, Durkheim, Weber, Vygotsky, Sapir, Piaget, Bruner, Gardner.

Dans le schéma républicain français fondé sur l’approche de Condorcet, la production du citoyen par l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire (lois de 1882-1883), est la condition nécessaire de l’exercice de la liberté de conscience (DDHC 1789, loi de 1905) et, au-delà de l’ensemble des libertés publiques.

Ce schéma républicain de l’éducation comme entrée dans la culture repose sur trois dynamiques mais aussi sur trois antinomies parfaitement repérées par Condorcet.

Les formes d’élaboration culturelle de la signification accessibles aux êtres humains relèvent de trois dynamiques, au cœur de tout projet éducatif démocratique, intersubjectivité, cumulativité et langage.

La première dynamique repose sur « l’intersubjectivité », l’aptitude humaine à comprendre l’esprit d’autrui, que ce soit au travers du langage, des gestes ou de tout autre moyen.

La deuxième dynamique est inhérente à la nature même du fonctionnement mental humain : partir de l’expérience vécue par chaque humain, se hisser sur les épaules des géants qui nous ont précédés. L’évolution de notre espèce a fait que l’homme sait, pense, ressent et perçoit d’une manière qui lui est propre. En même temps, l’entrée dans la culture vise à augmenter la capacité des êtres humains à aller au-delà de leurs prédispositions, à développer l’outillage que la culture a transmis pour y parvenir.

La troisième dynamique organisant l’activité mentale repose sur les systèmes symboliques accessibles aux esprits humains, les différentes langues propres aux différentes cultures. C’est l’hypothèse de Whorf-Sapir, selon laquelle la pensée est façonnée par la langue dans laquelle elle est formulée et/ou exprimée. Les vraies victimes des limites du langage, ce sont ceux qui sont les moins conscients de la langue qu’ils parlent.

Penser et développer de nouvelles formes d’accès à la culture pour tous : cinq propositions

a – Penser conjointement développement urbain et développement culturel

Dans un monde largement globalisé, où tout devient même, le développement culturel doit se décentraliser et s’orienter vers les quartiers et petits territoires pour toucher l’individuel : la notion de vitalité culturelle des quartiers et petits territoires doit devenir centrale. Le développement des quartiers par la culture accroit la capacité individuelle d’agir et d’action collective. La culture devient alors une voie de développement intégrée à l’échelle micro locale, à l’échelle des quartiers et des territoires, des arrondissements et de la ville :

– Allier développement commercial et planification culturelle dans les villes. Les artères commerciales ont perdu ce qui faisait d’elles des milieux de vie. Construites pour la communauté, elles ont besoin de la culture pour fonctionner dans l’écosystème complexe actuel.

– Faire des espaces de transit des espaces culturels comme moyens de vivre des expériences continues. Développer les Ruches d’Art qui s’inscrivent dans un modèle open source et sont reliées par des valeurs communes. Chaque personne est considérée comme un artiste à part entière, les matériaux utilisés sont majoritairement donnés ou récupérés et un partage de savoir-faire horizontal est au cœur du fonctionnement.

– Soutenir le développement du mécénat culturel.

b – Mobiliser les champs professionnels comme vecteurs d’entrée dans la culture

Les métiers, dans leur acception de « champs spécialisés organisant l’intégration des savoir-faire et la coopération des professionnels » peuvent être un vecteur de la transmission de la culture (professionnelle, technique, scientifique).

En particulier les métiers de la construction…

C’est pourquoi nous proposons d’accompagner la réalisation de chantiers (ouvrages contemporains et monuments historiques) diligentés par des maîtres d’ouvrage publics d’ateliers démonstrateurs, d’une part pour exposer et faire connaître les métiers de la construction, d’autre part pour initier la population, et les jeunes en particulier, à la pratique de certains gestes professionnels.

c – Renforcer les enseignements à l’Art à toutes les phases de la scolarité

L’art doit donc être partie intégrante des programmes scolaires de la Maternelle au Lycée. Les artistes de toutes les formes esthétiques doivent être associés à l’enseignement et à des réalisations prolongées, durables et diversifiées

d – Rechercher les moyens d’une émancipation culturelle

Au moment où le mot « multiculturel » s’impose souvent comme la nouvelle pensée alternative, en réalité une alternative à ce que la philosophie des Lumières a pu penser de l’émancipation culturelle comme moyen de rupture face à l’institué, nous devons nous demander quelle culture commune et émancipatrice les institutions doivent penser. Autrement dit, que le fait multiculturel ne constitue pas au contraire du siècle des Lumières, le moyen de se refermer sur des pratiques culturelles. Quels moyens mettre en œuvre pour que collectivement le multiculturel devienne une émancipation individuelle ?

e – Mobiliser le débat actuel sur les modalités de l’antiracisme à l’aune de l’universalisme républicain

Ce débat est intéressant car il prend la forme d’une question sociale vive. Il mobilise des acteurs, notamment les jeunes, et constitue l’occasion rêvée d’interroger la diversité des représentations que nous nous faisons de notre histoire et la complexité des concepts qui permettent de l’éclairer. Alimentons ce débat, avec nos méthodes.

Renforcer l’égalité d’accès à la culture, en pensant conjointement développement urbain et développement culturel, en mobilisant les champs professionnels comme vecteurs d’entrée dans la culture, en renforçant les enseignements de l’Art à toutes les phases de scolarité, en recherchant les moyens d’une émancipation culturelle et en mobilisant le débat actuel sur les modalités de l’antiracisme à l’aune de l’universalisme républicain.

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