Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Après en Afrique

Respectable Loge, Du Mandé, Orient de Bamako, Région 3 Afrique-Asie-Amériques-Pacifique-Océanie dite le Monde

Mots Clefs : Afrique

Contexte général 

Le monde est bouleversé. Son cœur a cessé presque de battre à cause d’une maladie mystérieuse dénommée coronavirus. C’est une véritable situation inédite. Selon les mass médias, les toutes premières informations sur cette maladie provenaient d’une ville chinoise Wuhan vers la mi-novembre 2019. Même si l’on considère la Terre comme un village planétaire, ici à Bamako (Mali) ces premières informations nous semblaient provenir de très loin jusqu’au jour où nous apprenions qu’elle a fait son apparition en Italie, en Espagne, au Portugal, aux Etats unis d’Amérique, en France… La réaction est que cette affaire devient très sérieuse et finit par nous concerner aussi car en effet, on a compris que la Covid 19 ne tardera pas à frapper à nos portes. Aujourd’hui l’évidence est là ; il s’agit d’une pandémie.

A l’instar du Gouvernement français, ceux des pays africains et particulièrement les pays francophones se sont adressés à leurs populations pour, d’une part, attirer leur attention sur le fait que nous traversons une période extrêmement dangereuse de l’histoire contemporaine assimilable à une guerre contre un ennemi redoutable mais invisible et, d’autre part, leur communiquer les mesures de prudence et de protection à adopter. Par ailleurs, dans les discours à la nation, les dirigeants ont communiqué aussi sur les mesures d’accompagnement prises pour atténuer les chocs de l’attaque pandémique.

S’agissant particulièrement du continent africain, contrairement à l’appel lancé par l’OMS à son endroit de “se réveiller” et se préparer au “pire”, les statistiques ont montré que le bilan y est moins lourd que dans les pays développés malgré la faiblesse des infrastructures sanitaires dans la plupart des pays de ce continent. Avec 397383 décès sur 1 644 780 cas recensés et, 1356239 guéris au 17 octobre 2020, l’Afrique est le continent le moins touché par l’épidémie de coronavirus.

A la date du 17 octobre le Mali comptait 3379 cas confirmés, 132 décès et 2570 guéris.

Le après ça

Le décor ainsi planté, on s’interroge sur l’après COVID19, notamment ses conséquences à différents niveaux de la vie et quelles leçons qu’on peut tirer de cette pandémie.

Les leçons à tirer seront, dans un premier temps, traitées brièvement au niveau planétaire et, dans un deuxième temps, de façon plus approfondie au niveau du continent africain.

Niveau planétaire

Une leçon à tirer au niveau planétaire est le constat avec amertume des limites de la connaissance de l’homme malgré les prouesses réalisées par la science et la technologie. Incroyable de remarquer que la science médicale n’a pas pu empêcher à temps la course effrénée du virus. Elle a montré sa faiblesse face au coronavirus qui décime la population mondiale. L’étonnement est encore grand lorsqu’on sait que l’allusion avait été faite sur la survenue de cette pandémie[1]. Si tel est le cas pourquoi des dispositions n’avaient pas été prises à temps pour la contrer et surtout que ce n’est pas la première fois que l’humanité est confrontée à une pandémie : la peste, la grippe espagnole, le sida devraient emmener le monde de la science médicale à mettre en place une veille stratégique. Mais hélas !

Ce constat fait apparaître le manque de collaboration sincère entre les chercheurs, du moins dans le domaine de la médecine. Si une telle collaboration existait on pouvait éviter cette catastrophe sanitaire ou amoindrir ses effets. L’impression donnée par ce que l’on vit est l’existence plutôt d’un sectarisme dans le monde de la science médicale dans lequel le culte du secret est développé et entretenu. Pire on doit plutôt évoquer la bataille entre scientifiques dans le domaine sanitaire. Si la Chine avait communiqué sur ses recherches, la catastrophe allait certainement être évitée ou minimisée.

Qu’est-ce qui se prépare, quelles surprises réserve-t-on à l’humanité dans d’autres domaines de la recherche scientifique et technologique ? Un exemple pour illustrer notre propos est relatif aux nouvelles technologies de l’information et de la communication en lien avec la 5G.

Une tendance lourde de l’après COVID 19 se dégage de ce constat et concerne une réforme profonde à opérer en matière de recherche scientifique et technologique dans tous leurs aspects. Des dispositifs doivent être mis en place pour encadrer et réglementer les recherches scientifiques et technologiques. Dans le cas contraire, la planète ira à la dérive et s’effondra un jour à cause de la « folie » des hommes en général et des chercheurs en particulier. Montaigne n’avait-il pas écrit que : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme » ? Des limites doivent être imposées à la science et à la technologique.

Les changements après la covid 19 en Afrique

Si les décès dus à la covid 19 sont relativement moins importants dans les pays africains, ces pays ne sont pas pour autant épargnés par les effets collatéraux de la pandémie, notamment les impacts sociaux, politiques et économiques qui sont les conséquences directes des mesures de riposte prises par les gouvernants. Ces conséquences se manifestent surtout au niveau de l’activité économique qui connaît un ralentissement sans précédent et un impact négatif sur la vie au quotidien des citoyens. L’appareil productif des pays est affecté avec comme corollaire la baisse du taux de croissance prévu et une menace sur les emplois. Le secteur sanitaire n’est pas épargné.

Cette situation pourrait s’empirer avec d’une part, le reconfinement annoncé dans certains pays et d’autre part, avec une possible deuxième vague de contamination. En d’autres termes il est trop tôt de clamer que les pays africains « sont sortis du tunnel ». D’où la nécessité de maintenir la garde et d’être plus rigoureux dans l’application des mesures de riposte.

Les effets collatéraux de la pandémie sont inévitables du fait du caractère extraverti des systèmes économiques et particulièrement des appareils de production. Les économies des pays africains dépendent énormément des économies de l’extérieur (Europe, Etats unis d’Amérique, Chine, Inde etc.).

Si nos économies étaient assez développées et moins dépendantes de l’extérieur et s’il y avait plus de coopération entre pays africains, l’impact économique dû à la crise sanitaire serait moindre.

De ce constat, la leçon fondamentale à tirer de cette crise sanitaire en Afrique est, sur le court terme, faire la politique de ses moyens, c’est -à-dire, faire éclore les potentialités endogènes, encourager les productions locales et développer l’entraide et la solidarité. Il s’agit d’éviter de vivre au-dessus de ses moyens. Ceci est aussi valable au niveau étatique qu’individuel. Le cas de Madagascar dans l’utilisation des produits à base de plantes pour guérir les malades atteints du coronavirus est assez éloquent. Les pays africains regorgent de potentialités intellectuelles, humaines qu’il faut valoriser afin de réduire leur dépendance vis-à-vis de l’extérieur.

Des dons à mobiliser plus que des prêts à contracter. Il faut rompre avec le réflexe qui conduit à chaque coup à monter des projets qui mettront les pays africains encore dans des dettes.

Très souvent les dons sont des dons liés avec obligation d’achat des biens et services dans le pays donateurs. Dans les négociations pour l’utilisation des fonds alloués à travers les dons, il faudra veiller à ce que, au moins 60% des montants des dons soient utilisés pour les résultats pour lesquels les dons sont octroyés.

Il faut réinventer les économies africaines 

Réinventer les économies africaines est un véritable défi à relever après la covid 19. On en parle de tous les temps. Il est temps pour passer à l’acte. En effet les clichés ou les modèles économiques empruntés de l’extérieur ne correspondent pas aux réalités des pays africains. Il suffit de jeter un coup d’œil rapide sur nos populations pour savoir que nous sommes nombreux, pauvres, mal nourris, mal logés, sans éducation adéquate, sans infrastructures sanitaires appropriées et réduits au chômage. Ce sont, sans être exhaustif, des caractéristiques qui marquent nos populations et qui doivent être le point de départ, le fondement de toute recherche de politique économique en Afrique.

Réinventer l’économie dans nos pays, c’est revenir à la source du concept, privilégier les besoins sociaux et non la productivité au profit des monopoles ; c’est chercher à mettre fin aux pénuries sociales nées de la rareté des biens essentiels à la survie de chaque homme et de chaque femme.

Remédier à une situation sociale préoccupante, exige fondamentalement un développement endogène. Comme évoquer plus haut, réinventer les économies africaines consistera en tout premier lieu à les rendre moins extraverties d’une part et, d’autre part, à promouvoir et intensifier les échanges entre pays africains. Cela n’exclut pas l’ouverture de nos pays vers l’extérieur, mais elle doit constituer un complément planifié, c’est-à-dire maîtrisé, à la stratégie de développement endogène.

Réviser les termes des échanges

Le commerce avec l’extérieur se fera mais dans un nouveau cadre caractérisé par le rejet des lois de l’échange inégal, notamment la détérioration des termes de l’échange, l’extraversion de la production, la faible valorisation sur place des matières premières, etc. Dans le même ordre d’idées les accords économiques autrefois signés et qui n’avantagent pas nos pays devront être revus.

Quand on sait combien une telle stratégie sera confrontée aux grands courants économiques mondiaux, on comprend mieux, sans doute, la nécessité d’établir de nouvelles relations internationales et d’instaurer une collaboration plus étroite entre pays africains et intensifier la coopération Sud-Sud.

Création de grands ensembles de production en place et lieu de multiples petites entreprises produisant les mêmes articles pour la même zone économique

La réinvention des économies africaines passera également par la création de grands ensembles de production en place et lieu de multiples petites entreprises produisant les mêmes articles d’un pays à un autre. Les Unions économiques et monétaires existantes doivent servir de tremplin pour ces grands ensembles de production. Les pays africains, dans cette optique, doivent abandonner les orgueils nationaux qui les poussent à se doter chacun de micro-entreprise qui fabriquent les mêmes produits pour les mêmes consommateurs.

Par ailleurs, le continent africain est riche sur tous les plans et plus particulièrement en ressources matérielles dont sont friandes les grandes puissances. Pour le fonctionnement de leurs industries elles recourent aux matières premières du sous-sol africain. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont besoin des ressources qu’on ne trouve qu’en Afrique (le cobalt par exemple). La course effrénée aux armements suscite une demande de plus en plus accrue de matières premières diverses : bauxite, cuivre, fer, plomb, manganèse, pétrole, minerais rares qui proviennent pour la plupart de l’Afrique. Les pays qui tirent leurs ressources de cette situation ont naturellement intérêt à ce qu’elle perdure.

En dehors des matières premières, les grandes puissances investissent également dans l’acquisition des terres en Afrique.

Malgré toutes ces transactions qui doivent procurer des ressources financières aux pays africains, ceux-ci continuent de garder leurs statuts de pays pauvres et endettés. C’est paradoxal ! Avec les différentes ventes opérées et ajoutées à d’autres transactions, les pays africains ne doivent pas traîner des dettes. Il n‘y a pas de doute que les dettes que traînent les pays africains sont dues à la détérioration des termes des échanges. La révision des termes des échanges, des accords commerciaux et d’extraction des ressources du sous-sol en faveur des pays africains contribuera à coup sûr à alléger la dette de l’Afrique.

Réforme des systèmes de santé en Afrique

La COVID 19 a mis à nu la faiblesse des systèmes de santé en Afrique, caractérisée, entre autres, par un déficit de personnel médical et paramédical, un plateau technique peu moderne et l’insuffisance des budgets nationaux consacrés à la santé.

Quelles mesures ou réformes, convient-il d’initier pour renforcer le personnel et moderniser le plateau technique, pour rendre plus résilients les systèmes de santé, en Afrique ?

L’avènement de la COVID-19, avec les ruptures des chaînes mondiales d’approvisionnement en produits pharmaceutiques et en masques de protection, impose à l’Afrique de réduire sa dépendance vis-à-vis de l’extérieur et de prendre en charge la santé de sa population.

Le Continent a beaucoup d’atouts pour bâtir des systèmes de santé résilients, inclusifs et orientés sur les résultats, parmi lesquels on peut citer[2] :

  •  les ressources humaines : le rapport de l’institut de la Banque africaine de développement (BAD) indique que l’Afrique a exporté plus de 70.000 professionnels de santé ; que, d’après une enquête auprès de cette diaspora, plus de 60% sont disposés à revenir travailler en Afrique ; et que le reste est prêt à contribuer à partir de leurs lieux de résidence ;
  • la pharmacopée africaine : le Continent pourrait tirer parti de sa riche biodiversité pour la découverte de vaccins et le développement de produits pharmaceutiques ;
  • les nouvelles technologies : le numérique et l’intelligence artificielle, adossés à des systèmes de données ouvertes, constitue une opportunité pour les systèmes de santé en Afrique. Avec la forte pénétration de la téléphonie mobile, des solutions efficaces et peu chères à travers des applications peuvent être développées pour lutter contre les disparités d’accès aux soins médicaux.

Par ailleurs, il sera important de développer des politiques de santé orientées vers les résultats et promouvoir les principes de transparence, de reddition des comptes, d’efficacité et d’équité qui permettent d’assurer que les dépenses de santé arrivent effectivement aux destinataires finaux et contribuent à améliorer leurs vies. A cet effet, des partenariats pourront être établis avec les instituions de développement et les acteurs dans le secteur de la santé pour une résilience économique et sanitaire de l’Afrique post-covid 19.

Conclusion

De ce qui précède, il ressort que la pandémie à coronavirus interpelle l’humanité toute entière durant la période post-covid 19 à une mutualisation des ressources tous azimuts pour plus de rendement dans les différents domaines d’activités surtout en matière de recherche médicale. A l’heure actuelle les universités du monde entier doivent jouer un rôle majeur dans la mise en œuvre des objectifs du développement durable (ODD). Leur contribution devrait porter principalement sur la création des nouvelles connaissances et leur adaptation aux spécificités locales ou régionales à travers la recherche et l’innovation. Comme la COVID-19 a un impact extrêmement négatif sur les systèmes de santé et d’éducation et de façon générale sur le développement économique et sociale dans tous les pays du monde tout en affaiblissant les processus de mise en œuvre des ODD, l’Afrique doit aussi s’engager dans la recherche sur la COVID-19 et d’autres pathologies, principalement à travers les écoles doctorales et les centres/laboratoires de recherche. A cet effet, il faut encourager : (i)  la collaboration entre les tradipraticiens et les médecins modernes ; (ii) faciliter la collaboration entre les équipes scientifiques du Sud et du Nord ; (iii) promouvoir l’utilisation des plateformes et des solutions technologiques pour plus de célérité aux échanges.

La période post-covid 2019, dont on s’attend l’avènement, au mieux, au cours du second semestre 2021 impose de persévérer dans la solidarité, l’entraide, la communication, la recherche scientifique et technologique mais dans un esprit d’humilité et d’équité face à notre incapacité de prévoir l’apparition du coronavirus, cette particule invisible et redoutable.


[1] Le nouveau rapport de la CIA. Comment sera le monde de demain. Alexandre Adler. Page 203

[2]  Plateforme AfCoP (African Community of Practice)

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