Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Quelle société souhaitons-nous pour demain ?

Respectable Loge, Fédération Universelle - Georges Couthon, Orient de Paris, Région 12 Paris 2

Mots Clefs : FraternitéHumanismeProximitéRefondationSolidarité

Constat

S’il y a un constat unanimement partagé, c’est que le « monde d’avant » ne peut plus être ; du reste sous sa forme actuelle. La récente crise en fût une preuve éclatante, tant elle mit une lumière crue sur l’ineffable perfectibilité de notre « Système », où l’accès au plus vital – en l’occurrence, se protéger et se soigner -, se révéla hors de portée de la majorité, car conditionné à un intermédiaire, ce tiers se trouvant hors de nos frontières. Marasme aussi bien politique que, par voie de conséquence, économique, la « Crise de COVID » – comme on l’appelle -, nous ramena en des temps de délabrement que l’on pensait (dé)passés. Et si l’incurie de la force publique fait débat, la constatation que l’essentiel manqua, elle, ne se conteste pas : masques, gants (en nombre insuffisant), composants de médicaments, étaient estampillées « Made In China » ; quant aux fameux respirateurs, à la vue de la demande, le compte n’y était pas. Preuve en est, pour nos pays censément autosuffisants, que le « libre échange » désarticulé apporte tout… sauf peut-être l’essentiel.

Parallèlement à cela est apparu un formidable accès de solidarité, émanant aussi bien des particuliers que des professionnels, des administrations publiques que des entreprises privées, tous unis, à leur mesure et à leur façon, pour courageusement suppléer les graves inconséquences de cette « Loi de la négligence », pour reprendre le titre d’un article de L’Obs. Sans cet incroyable élan de générosité, il eût été à craindre, que les conséquences néfastes du COVID ne fussent bien plus délétères qu’elles ne le sont déjà. Il est de coutume d’affirmer que c’est à l’occasion de grands bouleversements que la Nation témoigne de sa plus belle solidarité ; force est de constater que face à notre isolement forcé, nous n’avons jamais cessé de faire bloc ; autrement dit, de « faire nation ».

S’il est à craindre – à l’instar du mouvement « Charlie » -, que le « soufflé retombe », une fois un vaccin trouvé ou/et les derniers « clusters » de contamination jugulés, une question persiste : quels enseignements tirer de cette crise ? Ou dit différemment : que souhaitons-nous léguer en conscience et résilience, en termes de valeurs et projets, à l’aune de cet effroyable aveu de vulnérabilité ?

État des réflexions déjà produites sur le sujet

Cette crise, au-delà du simple l’aspect épidémiologique, revêt également des aspects de crises crise économique et morale d’ampleur, dans nos sociétés contemporaines : elle souligne à quel point nous nous sommes éloignés de ce que l’on qualifie de « Société du Care » (« soin », en français), qui pourrait définir comme une « une société du bien-être et du respect, qui prend soin de chacun et prépare l’avenir ». Énoncée par les philosophes et économistes anglo-saxonnes (les illustres David Hume et Adam Smith, en tête), elle se caractérise par des interactions empathiques, muées par un souci constant et compatissant de l’autre. En d’autres termes : prendre soin de ceux qui ne peuvent/veulent prendre soin d’eux. Un changement paradigmatique de taille, dans nos sociétés occidentales souffrant d’une déconsidération, déshumanisation – voire d’un manque de moyens – de plus en plus accrus, à l’égard de certains pans, qu’il s’agisse des « corps intermédiaires », ou bien encore, du secteur de la santé.

Autre aspect, ayant émergé avec cette crise : le besoin toujours plus croissant du « localisme », qui se définit comme doctrine non dogmatique, privilégiant une production et une consommation autant que faire se peut environnante, dans l’optique d’encourager à la fois la cohésion sociale, et l’économie dite « de proximité ». Dès que cela n’est plus possible, comme il en a été question lors de la crise, se pose alors cette question lancinante de la « reterritorialisation » (terminologie développée notamment par le chercheur français Serge Latouche, dans son ouvrage : « Vivre localement »), avec ses problématiques sous-jacentes : quand ? Comment ? Combien ? Car si cette ode à la « relocalisation » ne date pas d’hier et touche à tout le spectre politique, les argumentaires sur son application concrète en revanche diffèrent, suivant la posture de chacun vis-à-vis de la Mondialisation.

Enfin, dernier phénomène mis en exergue par cette récente crise, la notion de « solidarité », ici intergénérationnelle, concrétisée par la quasi, mise à l’arrêt de l’économie (donc des actifs), au profit de la protection des plus fragiles (parmi lesquelles les retraités). Une solidarité qui n’est pas nouvelle, puisque notre système de retraites actuel (bien qu’en cours de réforme) se base sur la même philosophie, sous-tendant que les revenus des uns doivent en partie servir à financer les retraites des autres (système assurantiel dit « bismarckien », du nom du célèbre chef d’État prussien l’ayant théorisé). Ainsi, notre système par répartition concourt à cimenter notre cohésion nationale.      

Propositions concrètes

Face à cela, que pouvons-nous concrètement faire mais surtout, et surtout à quelle(s) échelle(s) ? Il n’a échappé à personne que parmi les solutions les plus efficaces en tant de crise, figuraient celles prises à l’échelon local (comme par exemple, la confection puis la distribution de masques en tissu, par la mairie et/ou les particuliers eux-mêmes ; ou encore les multiples initiatives d’associations et d’individus, proposés notamment via les réseaux sociaux, qui ici ont permis de rassembler ce qui était physiquement était éparse). Mûris de cette réflexion, il apparaît évident les solutions à préconiser passent par un véritable acte de décentralisation de notre « vielle État jacobin », en donnant davantage de marges de manœuvre politiques et financières auxdits « corps intermédiaires » (maires, conseillers départementaux… voire pourquoi pas les conseils régionaux ?!). Ainsi, pourquoi ne pas imaginer un « acte 3 » de décentralisation ambitieux, où notre État omnipotent et ankylosé qui a fait si cruellement défaut, conclurait un contrat de gouvernance équilibré entre les différentes parties prenantes, en bonne intelligence et complémentarité. De là renaîtrait la confiance entre ce que l’on appelle la « France d’en-haut », et celle dite « d’en-bas ».

En outre, meurtris de notre inquiétante dépendance en « matières premières » venant des pays étrangers, il est de toute urgence question de « relocaliser » nos actifs stratégiques, notamment pharmaceutiques mais également alimentaires, d’énergie, de défense et de sécurité, là où nous aurions perdus une part de notre « souveraineté » au profit de parts de marché. Sachant nos intérêts convergents avec les pays composant l’Union Européenne, concrétisons le projet de « barrière écologique » mais également économique et sanitaire, à l’endroit de ceux qui ne respectent pas nos critères environnementaux, sociaux et commerciaux. S’il fût possible d’établir les conditions d’un plan d’envergure de relance économique à l’échelle européen, nuls doutes que nous puissions faire de même sur ces si fondamentales problématiques. Les conditions, historiques, nous permettent l’énergie nécessaire pour fédérer autour de ce profond changement structurel, pourtant impensable en temps normal.

Enfin, il faut que un plan de relance initié ne perde de vue ce qui fait la force de notre devise républicaine : la « Fraternité ». Si elle s’est aussi bien illustrée au cours de la crise, il est peut-être opportun de l’amplifier, en relançant un projet cher aux francs-maçons, à savoir le « Revenu Universel » (inconditionnel). Et il ne s’agirait pas là de promouvoir un artifice voué à rassembler toutes les aides déjà existantes, mais plutôt de refonder en profondeur le « contrat social » qui lie les citoyens les uns aux autres. Car sans humanisme, la fraternité ne s’apparenterait qu’à de la vile charité et sans cela, point de dignité possible. Il nous appartient donc de redéfinir collectivement, par quelles modalités nous souhaitons retisser ce lien social : cela pourrait faire l’objet par exemple, d’un grand débat public, comme il en a été question avec la précédente crise des « gilets jaunes ». Car il ne faut pas tout attendre « d’en-haut » et pour reprendre une célèbre citation d’un président défunt, pourtant chantre de l’État Providence : « Ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays. ». En somme, décider souverainement de notre destin commun, comme condition sine qua non de l’émancipation réelle de l’Homme telle que nous, francs-maçons, la conceptualisons et y aspirons, philosophiquement et matériellement parlant.

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