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Mariane
Livre blanc

Un nouvel horizon – La maladie, la mort, le deuil, la valeur de la vie sont des notions qui ont été bousculées. Comment repenser ces notions en continuité ou en rupture ?

Respectable Loge, La Société des Dix, Orient de Riom, Région 5 Centre

Mots Clefs : ConseilHumanitéScientifiqueValeursVie

Contexte de la question

Les « bousculades » des notions ont été très variées et différentes selon les circonstances.  Il convient de différencier l’événement lui-même, dans ce contexte spécifique, de l’accompagnement par les proches comme de la façon dont notre collectif et ses institutions l’ont contraint. Aux valeurs de la vie, il me paraît souhaitable d’ajouter la naissance.

La question posée interroge le concept et ses usages comme s’il s’agissait de le ou les faire évoluer. Ne faut-il pas plutôt repenser les « bousculades » proprement dites, a-t-on bien fait, aurions-nous dû plutôt repenser nos règles de confinement plutôt que les notions elles-mêmes ? Nos façons d’appréhender les événements majeurs de nos vies sont le résultat de consentements aussi bien explicites qu’implicites, d’évolutions de traditions et d’usages qui nous constituent comme éléments d’une culture. Abordons les dans un ordre qui en vaut bien un autre, celui du cours d’une vie.

Un préalable est nécessaire à ce propos : la maladie Covid-19 met hors de danger grave la plupart des personnes de moins de cinquante ans ne présentant pas de risques ajoutés. L’approche des différentes situations suivantes est envisagée avec des personnes non malades ou sans symptôme. Il est clair que des mesures spécifiques doivent être prises vis-à-vis de proches malades ou fragiles.

Observations d’une réalité multiple

La naissance est, le plus souvent, l’aboutissement d’un projet à deux, l’enfant devenant l’incarnation de l’amour de deux parents, à la fois réalité et symbole magnifique des sentiments partagés. Nos règles de confinement ont souvent imposé, au début surtout, l’absence du père ou conjoint pour l’accouchement, à l’encontre du souhait de la future mère. Le confort psychologique de celle-ci a été nié, ce qui, par ailleurs, ne me paraît pas souhaitable dans des situations délicates.  Le partage a été interdit : il sera constitutif de la vie de l’enfant que sa naissance se sera déroulée sans son père ou parent. Une arrivée dans la vie qui commence par une absence. Des précautions trop strictes ?

Les malades hospitalisés en situation d’aggravation de la maladie n’ont pas été accompagnés par leurs proches. Leurs soins se sont faits avec toute la bienveillance du personnel hospitalier. Cependant, on aurait pu convenir qu’un ou deux visiteurs, testés par exemple, aient été autorisés. L’état moral du malade en aurait sûrement été meilleur.  Bien sûr le passage en réanimation et dans un état inconscient interdisait toute visite. Ceci surtout pour préserver le personnel d’une gestion de visiteurs, surcharge aberrante à ce moment-là. Mais que penser de l’intubation, dernier moment de conscience de certains qui ont malheureusement perdu la vie ? Une intubation seule, parfois retransmise en Skype ! Ici il s’agit encore d’une absence d’accompagnement et de partage aux derniers moments éventuels d’une vie. Est-ce convenable ?

Envisageons maintenant notre façon collective de considérer les personnes âgées en HEPAD. S’agit-il d’une réelle considération ? Interdire les visites est une facilité. Leur interdire de se visiter les unes les autres en est une autre. Une des dernières activités donnant un sens à leur vie est le partage familial et la connaissance du destin de leurs proches. On les a privées de ce qui donne un sens à leur vie. Dans le même esprit nous souhaitions priver les plus âgées de leur liberté de mouvement, pour celles qui n’étaient pas en HEPAD. Dans les deux cas beaucoup d’entre elles se sont insurgées. Et que dire de la façon dont nous autorisons les visites maintenant ? Nous avons mis en place dans les HEPAD des parloirs carcéraux : deux pièces différentes, une fenêtre en plastique, une qualité de parole et d’écoute altérée. Le besoin de contact même minime, une main serrée ou caressée, a été nié, le geste proscrit. Revoir nos pratiques ?

Notre gestion des obsèques a été radicale : pas d’accompagnement. Sans doute efficace d’un point de vue sanitaire, mais quelle brutalité appliquée au processus de deuil. Nos sociétés occidentales ont abandonné petit à petit l’accompagnement du défunt à la sphère privée. Auparavant plus systématiquement religieux et collectif, le deuil se « portait », se montrait dans les vêtements et les attitudes d’affliction apparentes. Il existait une prise en charge partielle du deuil par la collectivité. Peut-être cela soulageait-il les proches. Maintenant plus restreint à la sphère familiale proche, le deuil est passé dans la sphère de l’intime sans interaction collective susceptible de le soulager. Avait-on pour autant le droit moral d’interdire la participation aux obsèques, seule réalité pouvant contribuer au processus de deuil ? Une interdiction justifiée ?

Leçons de l’expérience

Ces questions interrogent nos ressentis personnels voire intimes, résultats d’histoires et de relations familiales. Comment envisager ce que chacun attend dans une épreuve, même heureuse comme la naissance, deviner comment il s’y projette ? Nous sommes des êtres sociaux, peu sont misanthropes. Les difficultés du confinement comme du déconfinement le montrent à l’évidence. Les autres sont ainsi partiellement constitutifs de chacun. Alors altérer la relation à l’autre dans les moments cruciaux de la vie, c’est causer une blessure personnelle. Qu’a-t-on invoqué pour justifier cela ? La santé. Et nous nous sommes inclinés, car il n’est pas si simple de répondre à cet argument. Le philosophe André Comte-Sponville rappelle Montaigne pour qui la santé serait peut-être le bien suprême, et interroge la relation que nous avons avec elle. Certes, dit-il, c’est un bien précieux, que l’on envie plus que tout autre, mais non une valeur qui doit nous guider en toutes circonstances. Alors, au nom de quelle valeur aurions-nous dû choisir nos pratiques ? Il suffit d’observer ce que les autorités ont décidé de faire : nous interdire les pratiques usuelles, restreindre quasiment totalement notre liberté de mouvement et d’accompagnement des proches. Au nom d’un bien précieux, nous avons annihilé la liberté individuelle. Et ceci de manière non pas temporaire, mais définitive, car l’événement considéré est unique et bien sûr ne peut être différé.

La gouvernance politique s’est appuyée sur un conseil scientifique. Aux différentes spécialités médicales utiles en cas de pandémie, ont été ajoutées deux personnes aux fonctions d’anthropologue et de sociologue. Il convient d’admettre que ces dernières pouvaient être utiles, mais ont-elles eu assez d’influence et fallait-il leur adjoindre d’autres spécialités plus humanistes que techniques, un philosophe par exemple ?

Les contraintes du confinement ont été trop strictes pour les événements cruciaux d’un parcours de vie (naissance, maladie au stade préalable à la réanimation avec intubation, vieillesse et isolement, deuil).

Proposition : un conseil scientifique doit être complété d’un conseil en humanité

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