Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Projet de loi de séparation entre l’État et les marchés financiers

Respectable Loge, Les Compagnons de l’Utopie – Progrès et Fraternité, Orient de Paris, Région 14 Paris 4 et Loges d'Europe de l'Est

Mots Clefs : ÉtatMarchés financiers

Notre Président du Conseil de l’Ordre Jean-Philippe HUBSCH, Grand Maître du Grand Orient de France nous dit que « S’il est trop tôt pour tirer des conclusions, la crise actuelle aura été un révélateur de plusieurs éléments que nous soulevons depuis de nombreuses années ». Nous savons que la surexploitation de la nature et la destruction des habitats de la faune sauvage ont conduit à l’émergence de la pandémie. Le réchauffement climatique ne laisse plus qu’une quinzaine d’années avant que le point de retournement définitif ne soit atteint. La pandémie est un avertisseur de la crise écologique à venir. La situation avant la pandémie était également préoccupante à plusieurs égards : au niveau sociétal avec des inégalités qui s’accroissent et une économie réelle qui est déstabilisée par des résistances comme celles des gilets jaunes, les grèves dans les transports, les mouvements des soignants, des enseignants, des avocats et de nombreux autres secteurs ;  au niveau politique avec la montée des populismes des États-Unis et du Brésil à l’Allemagne et la France et la perte des valeurs de partage, d’hospitalité, de solidarité, d’altruisme, si essentielles pour nous, Maçons ;  au niveau sanitaire avec des hôpitaux en manque de personnels soignants et de matériels de soin ; au niveau éducatif  avec un secteur « trop souvent délaissé par le service public pour le secteur privé » comme le souligne notre Grand Maître ; et un projet européen de plus en plus éloigné des espoirs qu’il a pu susciter par le passé dans l’esprit des citoyens européens.

La sortie de cette pandémie parait encore lointaine avec l’espoir d’un vaccin au mieux dans un an et un avenir à court-moyen terme qui parait pour le moins très inquiétant. La crise sociale attendue, en France et dans le monde, fait craindre le pire pour les années à venir. Le chômage risque de connaître de nouveaux sommets, un grand nombre d’entreprises ne pourront pas se remettre de cette crise du coronavirus.

Notre travail de Maçon n’est pas de proposer des solutions ni à court ni à long terme qui seraient politiques et choisiraient entre économie de marché et étatisme.

La maçonnerie sera ici vue comme un laboratoire expérimental dans un monde partagé et fertile pour tous. Notre but est de construire un corpus de pensée humaniste le plus cohérent possible.

Dès 2000, dans sa déclaration du 29 mai, le président Jacques Chirac s’inquiétait des suites de la crise financière asiatique et soulignait la responsabilité principale de la communauté financière qui devait faire prévaloir l’importance de la coopération internationale. En 2008, le 6 octobre, le président Nicolas Sarkozy énonçait les mesures d’urgence nécessaires à prendre pour la stabilisation du système financier. Il se préoccupait du moyen terme et demandait une refondation du système financier afin de mieux réguler les acteurs des marchés financiers et pas seulement les banques commerciales. Il ajoutait que les systèmes de rémunération des opérateurs de marchés et des dirigeants devaient être  revus pour éviter qu’ils favorisent les prises de risques excessives pour lutter contre ce que l’on peut appeler le « court termisme» et il prônait le renforcement du contrôle politique sur les différentes institutions internationales chargées de réguler les marchés et de fixer les normes comptables et prudentielles.

En 2012, le 22 janvier, le futur président François Hollande, dans son discours du Bourget,   promettait, face à son véritable adversaire, le monde de la finance, de mettre un terme aux produits financiers toxiques sans lien avec l’économie réelle, d’instaurer une surtaxe sur les bénéfices des banques, de séparer les activités bancaires utiles à l’investissement ou l’emploi, et les opérations spéculatives et enfin, d’interdire aux banques d’exercer dans les paradis fiscaux. Quelles qu’en soient les raisons, endogènes ou exogènes, les relations entre l’État et les marchés financiers, à savoir les établissements de crédit, les entreprises d’investissement, les entreprises de marché, les chambres de compensation, les dépositaires centraux et gestionnaires de système de règlement-livraison, sont devenues préoccupantes par rapport aux missions attendues de l’État. La financiarisation de l’économie semble avoir contaminé le fonctionnement de l’État. L’opposition entre les aspirations au bien-être des Français et des formes de collusion entre le fonctionnement de l’État et les milieux financiers est apparue plus flagrante avec la crise du coronavirus. Les préconisations nécessaires et urgentes n’ont pas été mises en œuvre. Depuis la fin du 20ème siècle, les marchés financiers ont su progressivement mêler leur fonctionnement à celui de l’État, avec pour conséquence pour ce dernier de devenir source de revenu et de richesse pour les premiers alors que ceux-ci ne devraient être qu’un outil pour l’économie du pays. Le patrimoine financier (actions, parts sociales dans des entreprises, des valeurs mobilières comme les SICAV ou les fonds communs de placement) représentent 20% du patrimoine français. Les 5 % des ménages les mieux dotés en patrimoine financier en détiennent plus de la moitié et 1 % des ménages en possèdent 31%. Sur toutes les questions, la rentabilité financière passe en premier, avant les considérations écologiques, politiques, économiques, sanitaires, éducatives et sociétales. Pendant le confinement, les économies dites réelles se sont arrêtées alors que les marchés financiers ont immédiatement rebondi. Ces derniers ne laisseront pas l’État développer l’idée de reconstruire un contrat social et économique, par exemple autour d’un revenu universel inconditionnel, au niveau national, voire européen comme le demande notre Grand Maître dans son texte.

Nous devons mettre fin à cette hégémonie de la finance dans le devenir de nos sociétés, pour retrouver l’équilibre entre les différents instruments traditionnels de l’État afin de lui faire retrouver son rôle véritable et le réconcilier avec les citoyens. L’État doit retrouver sa liberté d’action et revenir à sa mission première : la protection du citoyen, du bien commun et de l’ordre public. Un État véritablement démocratique doit arbitrer entre les ressources dont il dispose, de manière à garantir la justice sociale et le bien-être de toute la communauté nationale. Cette fonction doit être remplie, conformément à la Constitution sous le contrôle rigoureux des représentants élus.

Comme à la fin du 19ème siècle, lorsque les Maçons ont marché vers la loi de 1905, nous proposons d’initier une nouvelle marche vers l’adoption d’une loi de séparation entre l’État et les milieux financiers. Cela pourrait s’approcher d’articles comme ceux-ci :

Article 1er : La République, par le biais de l’État, œuvre exclusivement dans l’intérêt public, défini comme le bien-être des citoyens français. Elle garantit le libre exercice du métier de financier sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. [Rappel pour mémoire : Article 1er de la loi de 1905 La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.]

Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucune organisation financière. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des organisations financières. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services financiers et destinées à assurer le bien-être des citoyens français dans les établissements publics tels que banque publique et tout autre institution financière publique. [Rappel pour mémoire : Article 2 de la Loi de 1905 La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3]

En approchant ainsi au plus près le texte de 1905, il s’agit de montrer que cette future loi est le fruit d’un travail convergent de la société française, éternelle source d’inspiration. De nombreux amendements pourront être proposés. D’autres articles devront être rédigés, notamment sur sa mise en œuvre. Cette proposition sera source de débats prometteurs. Pour finir avec les propos de notre GM.°. : « Le temps des utopies réalistes est peut-être venu ».

A lire aussi

Économie et Respect du vivant

Dans quel mesure l’État et les individus peuvent influencer l’économie et les entreprises en respectant le vivant ? Constat L’économie est une discipline qui étudie l’activité humaine, qui consiste en la production, la distribution, l’échange et la consommation...

Lire la suite
Ecologie

Qu’est-ce qui est marchand et qui ne devrait pas l’être ?

Le contexte de l’échange marchand L’échange marchand s’appuie sur le coût de production et la rémunération de celui qui produit et/ou vend. L’échange se réalise sur un marché et le niveau d’échange dépend de la...

Lire la suite
Economie

Que veut dire réussir sa vie ?

Alors que nous sommes plus que jamais maîtres de nos destinées, pourquoi cette question est-elle encore un enjeu dans les pays démocratiques et développés ? Longtemps dans l’histoire de l’humanité, la réussite dépendait avant tout de...

Lire la suite
Ecole