Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Relations à autrui

Respectable Loge, Maillon et Liberté, Orient de Lyon, Région 6 Est et Loges de Suisse

Mots Clefs : Collectif

Problématique : Seulement des corps ou La vie sans contact

Cette crise est un événement bio-social sans précédent : il ne frappe pas uniquement notre corps social mais également nos corps physiques ; or nous « n’avons » pas un corps, mais nous sommes surtout un corps, un corps animé de sens et de mouvements. Durant le confinement, notre vie a été pratiquement réduite à son strict fonctionnement biologique, et a rétréci sa dimension politique et humaine.

Or selon Lacan, quand on n’est plus que des corps, sans symbolique ni imaginaire, c’est qu’on est mort, dans une tombe, au cimetière.

Comment penser cette crise et ses suites? C’est-à-dire comment appréhender le surgissement de cet inédit voire de cet impensable: l’arrêt brutal et immédiat de la grande machine humaine et l’avènement temporaire d’une société sans contact où a dominé et domine encore la distanciation physique?

Le discours public et médiatique du repli sur soi, du « restez chez vous » a défini un nouveau mode d’engagement dans la cité…L’espacement est devenu un nouvel enjeu fondamental de notre vivre ensemble et notre capacité à nous espacer se conjugue avec la méfiance de l’autre, perçu comme une menace, et comme un potentiel agent de contagion. Est-ce le début de l’abolition du prochain, comme l’annonce le philosophe italien, Agamben Giorgio? Sommes-nous obéissants à ce point ultime? Allons-nous réussir à revenir à nos équilibres d’humanité, de société, de citoyenneté?

Dans le pays des Lumières, avons-nous tant régressé dans la relation à autrui et perdu en maturité et citoyenneté éclairée? Cette période a exacerbé les comportements inter-individuels de retrait et s’est traduite par des situations étranges jusque dans nos relations familiales et de voisinage.

Le masque porté consacre l’isolement sur soi: les salutations s’amenuisent et les paroles se raréfient. Le masque protège mais dissimule également. Il nous enlève le souffle de la parole, notre souffle de vie. De cette respiration amputée, nous mourons un peu pour protéger l’autre et prolonger la vie…Et les gestes barrière mettent des barrières aussi entre les regards échangés et les mots plus ou moins audibles derrière nos masques.

Ne nous restent alors que nos yeux: en maçonnerie, le retrait du bandeau nous donne à voir et nous fait franc-maçon! Le regard de l’autre nous consacre et dans ce jeu de regards et de miroirs nous sommes initiés à notre nouvelle humanité.

Nous pouvons nous toucher du regard, sourire avec nos yeux…nous sourire à distance…et maintenir en vibration notre fraternité humaine.

Et de ces premiers temps de déconfinement, nous conservons bien vivant l’espoir de retrouver cette humanité heureuse du contact et du toucher mais aussi de restaurer un lien social abîmé; socle indispensable à notre démocratie et au progrès de l’humanité…

Cet « Après » devra néanmoins être différent: la relation à l’autre revisitée et refondée dans une relation d’adulte à adulte où la différence de l’autre est richesse et non divergence.

Notre combat maçonnique continue et doit même s’intensifier tant nous sommes égarés avant et pendant le confinement.

Etat des réflexions sur le sujet :

De nombreux essayistes, auteurs, philosophes et sociologues ont analysé la période ouverte par cette crise pandémique globale. Les réflexions gravitent en général autour de trois principales thématiques :

Une Humanité confinée : ses caractéristiques et ses conséquences sur nos relations à l’autre, la violence, l’isolement, le port du masque…

-Le Nouvel Observateur du 14/05/2020 : Le monde d’après : qu’est -ce qu’on garde ? qu’est- ce qu’on jette ?

Le Monde des Livres du 03/07/2020 : écrire et penser par-delà le Covid-19

Psychologie Magazine : Web conférence « Comment habiter le monde d’« après » par Frédéric Lenoir

-Le Monde, Douglas Kennedy, 24 août 2020

La nécessité de penser ou et repenser le Monde de demain…

-Courrier international- Hors- série juillet août 2020 : « Repenser le monde »

-Le Monde du 16/04/2020: François Jullien: « la pandémie peut nous permettre d’accéder à la vraie vie »

-Madame Figaro : dossier sur les effets du confinement et du COVID

Elle du 15/05/2020: « nous piétinons ce qui fait notre humanité » /Marie de Hennezel

Vivre avec autrui ou le tuer : la force de la haine dans les échanges humains– Charlotte Herfray

La pandémie ouvre sur une crise systémique interrogeant profondément nos modèles de développement économique et sociétal

The conversation du 08/05/2020: « Penser l’après: seule la reconversion écologique pourra éviter la déshumanisation du travail »

Le Monde du 02/04/2020: Antoine Reverchon: « la crise du coronavirus signale l’accélération d’un nouveau capitalisme, le capitalisme numérique »

-Denis Lafay: Maintenant on fait quoi? (Editions de l’aube) – août 2020 avec Cynthia Fleury, Jean Viard, Boris Cyrulnik, François Dubet, Axel Khan, Azouz Begag, Jean Marie

Cavada, Michel Wierviorka, Dominique Méda …

Propositions concrètes

Il est et sera urgent d’agir pour ré-adoucir la relation à autrui, de militer activement pour une éducation intelligente de nos enfants et pour les « vacciner » de toute tentation de repli sur soi ou sur sa communauté de proximité, de la tentation de la violence, pour donc leur donner le goût de l’aventure de la rencontre avec autrui.

Cette question d’éducation à l’autre doit s’accompagner d’une dynamique de solidarité effective pour permettre aux plus faibles de vivre décemment, dignement. Il est peut-être temps d’imaginer et valoriser de nouveaux métiers davantage respectueux de notre environnement et porteurs d’inclusion sociale et citoyenne pour toutes et tous.

Concrètement nous pourrions décider d’orienter notre soutien de loge (logistique, financier etc.) vers des acteurs associatifs de notre territoire intervenant sur les champs de l’éducation populaire et de la citoyenneté.

Il nous faudrait aussi faire passer le message que les dimensions collectives doivent impérativement prévaloir sur les dimensions individuelles. Ceci peut passer par exemple par la création de « jeux sérieux » pour les enfants, pour qu’ils découvrent en jouant la nécessité du chemin et de l’action commune.

Il est aussi possible d’imaginer une exposition photographique autour du confinement, voire un livre de photographies- récits insistant sur la fraternité qui a pu se déployer durant cette période ; et pourquoi pas une statue de la fraternité en 2020 reposant sur un concours pour sa maquette et sa réalisation en sollicitant par exemples des structures sensibles à ces problématiques (Fondation de France, Comité Laïcité République, Printemps Républicain…) : ou encore la frappe d’une pièce de monnaie célébrant la Fraternité ?

Dans ce combat sociétal qui nous convoque désormais nous toutes et tous, sœurs et frères humains, la Franc-Maçonnerie ne peut pas demeurer absente et encore moins invisible…Il est temps d’aller sur les parvis et d’affirmer nos traditions, nos valeurs, nos engagements! Un indispensable travail de lobbying de notre obédience devrait se traduire dans un arsenal législatif permettant de corriger, d’amortir les injustices sociales et territoriales.

Dans le même esprit, le livre blanc du Grand Orient devrait être diffusé à large échelle et faire l’objet de colloques ouverts dans chaque grande ville pour éclairer, comprendre et décider d’un après centré sur l’humain…

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