Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Penser l’autre

Respectable Loge, Olympe de Gouges, Orient de Strasbourg, Région 4 Champagne - Ardenne - Alsace - Lorraine et Loges d'Allemagne

Mots Clefs : ActionConfianceEspéranceFraternitéOuverture

Penser l’autre c’est croiser de nombreuses interrogations : psychologique, philosophique, anthropologique, puisque tout être humain est confronté aux problématiques liées au rapport à soi, à l’autre et à la mise en place d’un vivre ensemble. Mais qu’observe-t-on ? La progression de l’intolérance et de la violence ordinaire, des rapports de force destructeurs, des inégalités criantes (conditions de vie, scolarité), des carences en solidarité, une profonde vulnérabilité humaine dans un monde qui a tout fait pour l’oublier. Alors que faire ? sur quelles valeurs s’appuyer ? sur l’ouverture à l’autre, la rencontre avec l’autre qui est aussi la rencontre avec nous-mêmes ; sur la reconnaissance dans chaque personne, par-delà toutes les différences, de ce qu’elle a d’unique et d’universel et qui fonde notre commune humanité. Faire en sorte que les principes que nous proclamons : « Liberté, Égalité, Fraternité » soient des réalités vivantes.

L’autre, c’est d’abord cet autrui mystérieux qui me fait face :

C’est ce différend qui n’est pas nous. Ce peut être le voisin de palier, la personne que l’on croise dans la rue, l’étranger, le différent par le genre, la couleur de peau ou le comportement…. Mais nous leur devons à tous le respect, car même s’ils sont tous l’Autre, ils sont nos semblables en humanité, il faut donc tenter de comprendre leurs idées, leurs raisonnements, leurs différences, les admettre même s’ils diffèrent des nôtres, sans nécessairement les adopter. Le tout premier réflexe à avoir vis-à-vis de l’autre, ce serait d’abord de prendre conscience qu’il existe, qu’il y a un autre être vivant à côté de nous. Eviter la généralisation hâtive, outil des manipulateurs : « les femmes », « les jeunes ». « Ces mots n’ont qu’infiniment de singuliers » RILKE « Cahiers de Malte » L’accueil de l’autre est toujours singulier ! Mais qui sommes-nous pour l’autre ? Il nous voit au travers de ses idées, ses jugements, sa forme de pensée, puisque ses bases sont forcément différentes, puisqu’il est autre ! Constatation : il ne nous voit pas comme on voudrait qu’il nous voie, et le grand problème qui est souvent le nôtre, c’est qu’il n’est pas comme on voudrait qu’il soit ! Peut-être faudrait-il alors nous mettre à sa place, le comprendre et peut-être modifier nos aprioris le concernant. Pour pouvoir dialoguer avec « l’autre », il ne faut pas simplement écouter ce qu’il dit, mais comprendre ce qu’il veut dire. Edouard Glissant parle du nécessaire respect de « l’opacité de l’autre »

L’autre intérieur :

C’est moi-même, mes émotions, mes altérations identitaires, mon désir inconscient, ma conscience aliénée et divisée…tout ce qui m’empêche de me connaître, cette altérité est donc intérieure au sujet. « Je est un autre » telle est la célèbre affirmation de RIMBAUD dans sa lettre à Paul DEMENY datée du 15 mai 1871. La formule est paradoxale car elle met en question la frontière entre identité et altérité, elle illustre la complexité de la notion de sujet. « La plupart des gens sont quelqu’un d’autre », le paradoxe est d’oscar WILDE. Il dévoile combien notre identité dépend pour beaucoup de l’opinion, du prêt à penser. Nous croyons réfléchir par nous-mêmes, forger nos propres idées, mais non, bien souvent d’autres le font à travers nous. Une telle proposition invite à concevoir le sujet dans son rapport à autrui. On pourrait se demander comment se traduit la division entre le je et l’autre ? Enfin quel est le rôle de l’autre dans la formation de l’identité ? Et comment peut-on être autre à soi-même ? Dans l’exemple de la conscience d’un autre en soi (transgenre) la science peut nous donner quelques pistes d’action car elle rend possible le changement de sexe.

Qu’en est-il de l’Autre, considéré comme limite du savoir :

L’Autre qui me dé-range, qui me met face à l’inconnu, à l’incertitude, à ce que je ne maîtrise pas… Quelle attitude ? Fermer les yeux et me replier dans le confort du même, ou m’ouvrir à la complexité de cet autre avec l’audace de celui ou de celle qui ose … A la base, il y a cette capacité d’étonnement si chère à Aristote. Pour s’ouvrir à l’autre en tant qu’inconnu, étrange, nouveau… la transdisciplinarité semble être la voie de recouvrer imagination, créativité et curiosité. Développer un regard qui relie et non qui cloisonne, car on construit trop de murs et pas assez de ponts (entre les uns et les autres, entre les disciplines…) Le monde de demain ne peut être construit avec le cerveau d’hier, avec des méthodes qui ont fait leur temps. Cette ouverture à l’Autre du savoir inconnu, étrange, par la richesse de l’imagination et de la sensibilité, enrichit notre regard sur le différent, l’Autre qui m’interpelle. L’actualité a mis en exergue que la vanité cartésienne selon laquelle l’homme était « maître et possesseur de la nature » était pour le moins mise à mal. Le rapport à l’autre en tant qu’inconnu exige de reconnaître les différentes « Manières d’être vivant » (titre d’un livre superbe du philosophe Baptiste MORIZOT). C’est le « autre » qui est essentiel, il trace à lui seul une logique de différence et une appartenance commune. C’est pourquoi nous avons une bataille à mener quant à l’importance de reconnaître ces diversités. « Comment imaginer une politique des interdépendances, qui allie la cohabitation avec des altérités à la lutte contre ce qui détruit le tissu du vivant » ?

Nous évoquons trop souvent la nécessité d’optimiser l’aptitude au « vivre ensemble », de grands mots proclamés très fort, injonction souvent contradictoire avec nos petites attitudes mesquines et nos contradictions que j’ai évoquées au début de mes propos. Avec la crise du Covid-19 nous avons compris que l’enfer était de vivre sans les autres. Seule l’action centrée sur la fraternité qui est empreinte de la vibration affective d’un « cœur intelligent », selon la belle expression d’Hannah ARENDT, peut faire advenir l’espérance, car elle seule peut interrompre les processus destructeurs qui nous menacent. Le pouvoir d’agir, le pouvoir de commencer du neuf, est donc attendu et espéré. Alors que faire pour incarner la fraternité ? La première piste est peut-être de retenir certaines leçons d’Hannah ARENDT : ne pas attendre le salut d’en haut, mais croire en l’action des hommes rassemblés. Il faut ne pas cesser d’apprendre à vivre ensemble, à penser l’autre, pour créer un « nous » riche de sa diversité. La situation folle dictée par un virus nous impose le devoir de questionner nos manières d’être, de produire, de consommer, de travailler, de vivre les uns avec les autres. Quelles solutions ? Le télétravail notamment nous oblige à réinventer la coopération afin d’équilibrer les contacts virtuels et physiques…Préserver nos libertés de penser, de s’exprimer, de manifester pour garantir l’idéal démocratique… Veiller à ce que la relation à l’autre soit celle de la confiance et non de la méfiance, et que les liens intergénérationnels soient un épanouissement pour chacun. Que l’éducation prépare aussi à intégrer l’imprévu, l’imaginaire, l’intuition, l’incertitude, les changements…

Seule l’action centrée sur la fraternité empreinte de la vibration affective d’un « cœur intelligent » peut faire advenir l’espérance pour interrompre les processus destructeurs qui nous menacent.

Croire en l’action des hommes rassemblés et réinventer la coopération

Préserver des relations à l’autre de confiance

Ne pas cesser d’apprendre à vivre ensemble, à penser l’autre, pour créer un « nous » riche de sa diversité.

Développer la transdisciplinarité comme voie permettant de recouvrer imagination, créativité et curiosité

Devoir de questionner nos manières d’être, de produire, de consommer, de travailler, de vivre les uns avec les autres. Quelles solutions ?

Préserver nos libertés de penser, de s’exprimer, de manifester pour garantir l’idéal démocratique

Que l’éducation prépare aussi à intégrer l’imprévu, l’imaginaire, l’intuition, l’incertitude, les changements…

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