Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Qu’est ce qui est marchand et qu’est ce qui ne devrait pas l’être ?

Respectable Loge, La Société des Dix, Orient de Riom, Région 5 Centre

Mots Clefs : BesoinÉconomieMarchandMaslow

« Marchand » fait penser à marchandise. L’échange de marchandises est une activité de marchandage, maintenant nous disons une activité commerciale, qui consiste à transférer la propriété d’un objet d’un vendeur à un acheteur. La monnaie facilite la transaction et évite les complications du troc. La plus grande satisfaction est attendue au moindre coût. Dans nos économies dites de marché, on ne marchande plus guère, les prix sont fixés. Pour illustrer, un médicament est une marchandise qui nous apporte un service.

Les services justement. Qu’en est-il d’un diagnostic médical, d’un cours de philo en terminale, d’un acte de sécurité policier ou d’un attendu de jugement ? Ils ont un coût, parfois une valeur mais ne répondent pas tout à fait ou pas du tout aux lois de l’offre et de la demande quand ils ont prix, au libre marché donc.

Adam Smith a dit (1776) que le libre marché était plus efficace pour l’intérêt général que l’économie planifiée, alors généralement en place. Mais Adam Smith savait aussi que le marché n’était pas parfait, qu’il ne fournit pas de bien public (nettoyage, santé, sécurité). Selon lui, ceci devait relever « … du Gouvernement, comme d’être prêt à la guerre, comme aussi de défendre les salariés [qu’il savait plus faible en négociation que les employeurs], comme de veiller à l’honnêteté des banques, d’émettre des brevets, de protéger les petites industries naissantes, de lutter contre les maladies, d’établir des normes éducatives et même de distraire… « . Il paraît utile de suggérer un propos équilibré des réflexions d’Adam Smith dont on fait parfois le précurseur ou le symbole des dérives libérales. Il pensait même que les profits devaient être plafonnés* !

Qu’avons-nous défini comme service public, comme non marchand ? Evidemment nous avons les services de Santé, d’Education, de Défense, de Diplomatie, Police et Gendarmerie, de Justice, d’Administration de fonctions publiques et des infrastructures et de Finances Publiques. Les activités culturelles, sportives, de transport, de distribution d’énergies sont souvent subventionnées.

Nous comprenons facilement que tous ces services sont indispensables pour répondre aux besoins fondamentaux d’une vie décente. Un psychologue, Abraham Maslow, a proposé une théorie, selon lui universelle, de la motivation basée sur une hiérarchie des besoins. Une célèbre figure, la pyramide des besoins de Maslow, l’illustre. Très enseignée en marketing, pardon en mercatique, elle est aussi très discutée sur l’aspect de la hiérarchie des besoins (dans l’ordre : besoins physiologiques, de sécurité, d’appartenance et d’amour, d’estime de soi et enfin d’accomplissement).  Il n’est pas le sujet de discuter de cet ordonnancement. Mais plus de s’interroger si nous y répondons correctement dans notre société. Nous pouvons entendre par réponse correcte à un besoin celle de donner un juste et équitable – préférés à égal, tous n’ont pas les mêmes besoins – accès aux services mentionnés, ceci indépendamment de ses revenus propres.

En guise d’exercice, prenons les besoins physiologiques : respiration, faim, soif, élimination, sommeil, et sexualité. Comprenons en même temps que si ces besoins sont normalement comblés, sans défaut ni excès, ceci faisant figure de prévention, alors les troubles de santé devraient être significativement réduits et donc limiteraient les structures de soin. Pour la respiration, heureusement l’air est gratuit ! Faisons en sorte d’en préserver la qualité par le commerce de produits marchands ne la polluant pas.

La nourriture primaire ou transformée est un bien marchand alors qu’elle répond à un besoin physiologique fondamental. Dans tous les pays les mieux développés, des gens meurent de faim, ce qui est insoutenable : en France, l’accès à un soin banal, sans risque vital, est presque gratuit mais disposer d’aliments basiques mais essentiels, est payant. Voyons là un élément de réflexion.

L’accès à l’eau de qualité, en France, est convenablement satisfait. Toutefois il s’agit là aussi d’un bien marchand. Il n’est pas seulement utile à étancher la soif, mais aussi à l’entretien de l’hygiène des personnes (élimination et propreté), et des lieux de vie. On pourrait considérer que la réponse à ces besoins fondamentaux – répondre à la soif et à l’hygiène – pour un volume minimum par personne serait gratuit.

Dernier exemple, le sommeil. Sa qualité dépend du lieu de vie, de son confort en espace et de son aptitude à constituer un abri sûr. Le logement est un bien marchand dont tous ne disposent pas, et qui représente une charge financière très importante. Autre sujet de réflexion.

Pour conclure, nous pourrions nous demander, dans le cadre d’une démarche systématique d’examen si, par exemple, un médicament doit être marchand, et répondre moralement non. Nous nous demanderions alors comment découvrir et produire un tel médicament dans une organisation non marchande. Serait-elle aussi efficace ? Peut-être. Et nous pourrions ainsi examiner la plupart des produits. L’intention de ce propos est toute autre. Il vise plutôt à donner des pistes de réflexion fondées sur les besoins humains en commençant d’abord par nous demander si nous répondons collectivement bien aux besoins physiologiques. Bien sûr il convient aussi, ensuite, d’interroger les autres besoins (instruction, sécurité, culture, amour…). N’examinons pas ce que nous faisons déjà, commençons plutôt par réfléchir à nos réels besoins, dans l’ordre de Maslow par exemple. La vérité a plusieurs chemins, pourquoi pas celui-là ?

Proposition : Pour déterminer ce qui ne devrait pas être marchand, une méthode pourrait consister à examiner les besoins humains en s’inspirant de la pyramide de Maslow.

(*) Relisons Adam Smith : »La proposition de toute nouvelle loi ou règlement de commerce, qui part des [capitalistes], doit toujours être écoutée avec beaucoup de précaution, et ne doit jamais être adoptée qu’après avoir été longtemps et sérieusement examinée, non seulement avec le plus grand scrupule, mais avec la plus grande défiance. Elle vient d’un ordre d’hommes dont l’intérêt n’est jamais exactement le même que celui du public, qui généralement est intéressé à tromper et même opprimer le public, et qui, dans bien des occasions, n’a pas manqué de le tromper et de l’opprimer. »

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