Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

La démondialisation

Respectable Loge, L’Etoile bleue, Orient de Toulon, Région 2 Alpes Côte d'Azur

Mots Clefs : DémondialisationEuropeMade in FranceRelocalisation

Le constat

Que nous le voulions ou non, il y aura bien un avant et un après la crise du coronavirus que nous vivons actuellement. La France et plus largement le monde ne sortiront pas de cette épreuve, à l’identique. Quand nous en aurons fini avec cette période de confinement, et avec la récession que la crise économique va probablement déclencher par la suite, nous nous apercevrons que cette période aura servi non de détonateur mais d’accélérateur en vue d’une réflexion plus profonde sur nos modes de production, d’échanges et de consommation, dans le sens d’une démondialisation.

La problématique

Disons-le sans crainte en préalable, la mondialisation n’est pas mauvaise en soi contrairement à ce que beaucoup pensent. Mais incontrôlée, elle est néfaste à notre société sous différents aspects. La promotion récente du « Made In France », outre son succès de communication, ne parvient pas à réellement changer la donne. Surfant sur la crise du Coronavirus, notre Ministre de l’Économie Bruno le Maire en a donc profité pour insister sur la nécessité de « relocaliser l’industrie ». Il a évoqué une réelle volonté de réorientation stratégique afin de limiter la dépendance française et européenne à travers trois secteurs sensibles : les médicaments (dont 90 % des principes actifs sont produits hors de l’Union européenne), l’automobile électrique ou encore l’aéronautique. Dont acte.

Alors que cette démondialisation était une question de choix de société jusqu’alors, la crise sanitaire du coronavirus en fait désormais une obligation. Le risque épidémique, qui va s’accentuer à l’avenir, tout comme le risque climatique, devient un risque physique pour la survie des entreprises trop dépendantes de chaînes d’approvisionnement lointaines qu’en réalité elles ne maîtrisent plus vraiment. Il nous faut donc accepter de faire entrer dans notre quotidien des questionnements dérangeants et ne pas craindre de remettre en cause des modes de fonctionnement désormais obsolètes. Il est donc pertinent de traiter de la démondialisation pour repenser le monde d’après. Ce thème est majeur. Il touche à de multiples secteurs d’activités (agriculture, médical, industriel…), dont les effets néfastes impactent durablement notre société à plusieurs titres (santé, morbidité, environnemental, sociologique, économique). 

Les attentes des Français sont quasi unanimes dans cette période sur ce point. Selon le sondage Odoxa pour « Les Échos » paru récemment, nos concitoyens ne veulent pas que l’après-coronavirus ressemble à l’avant. À l’issue de cette crise sanitaire, plus de neuf personnes interrogées sur dix veulent que l’exécutif garantisse « l’autonomie agricole de la France » (93 %), pousse « la relocalisation des entreprises industrielles » (92 %) et « favorise la recherche et la production des laboratoires pharmaceutiques français et étrangers dans notre pays » (91 %). L’opinion publique en France a semble-t-il découvert à l’occasion de cette crise sanitaire notre dépendance à l’égard de pays comme la Chine et l’Inde dans la fabrication des médicaments et du matériel médical (masques, respirateurs et produits divers…). La mort d’un grand nombre de nos concitoyens dans un laps de temps court et des conditions effroyables ont marqué les esprits, créant un électrochoc indélébile et durable. Nous sommes dans une situation exceptionnelle.

Mais soyons réalistes, rien ne saurait remettre en cause la mondialisation de manière profonde et immédiate du simple fait du traumatisme que nous avons vécu. En revanche, chaque Français aura pris conscience de la vulnérabilité de nos modes de fonctionnement dans différents secteurs d’activité. À savoir des chaînes d’échanges internationales où quelques pays concentrent la production. Une production fondée sur des flux tendus, et où nos produits parcourent des distances très importantes. En effet, en moyenne à vol d’oiseau, la distance entre producteurs et consommateurs est de 6.700 kilomètres. Et cela, peu importe le type de produit. Ce qui semble parfaitement absurde vu comme cela. Il faut donc ne pas se le cacher, les grands principes de production qui ont dominé notre économie entre 1980 jusqu’à nos jours, sur la base d’une mondialisation à outrance des chaînes de valeur, omniprésents dans notre société sont devenus désormais obsolètes. Ils ne semblent plus en cohérence avec les valeurs même de notre société. Les Français ont pris désormais la pleine conscience que cette démarche de relocalisation semble désormais logique et nécessaire et ce pour plusieurs raisons.

La recherche des coûts de main-d’œuvre les plus bas, et la volonté de faire des économies d’échelle, qui conduisaient jadis à installer de très grandes usines en Chine (pour citer un exemple désormais devenu célèbre : Wuhan) ne peuvent désormais plus s’appliquer. D’une part, parce que les salaires chinois ont été multipliés par dix depuis le début de la mondialisation, ce qui les rend moins attractifs. En effet, les coûts de transport relativement importants ne sont plus forcément compensés par un faible cout de production. Ensuite, parce que la digitalisation mise en œuvre depuis quelques années dans nos sociétés contemporaines balaie l’effet de taille sur certains marchés. La production numérique, plus souple et plus agile, permet de fabriquer des petites séries à des coûts proches de ceux des grandes séries, tout en répondant aux besoins de personnalisation des clients.

Les ruptures d’approvisionnement dont la Chine est responsable à la suite de cette crise sanitaire, ont ajouté une nouvelle raison logique de relocaliser les productions au sein de notre territoire. Pour simple exemple, tous les équipementiers du secteur industriel automobile, produisent certaines pièces en Chine. Parfois l’usine de Wuhan était le seul fournisseur mondial pour une pièce donnée…

Car après avoir abandonné toute prospective et toute planification d’État en France en matière industrielle, nous nous sommes retrouvés pieds et poings liés à un libéralisme mondial basé sur une division internationale du travail aveugle au mépris de toute considération de souveraineté française et européenne ? La crise sanitaire du coronavirus va-t-elle provoquer un déclic durable chez les consommateurs au point de générer des modes de production modifiés en profondeur et de manière durable ? Au sommet de l’État, lorsque la France se réveillera de son confinement forcé, l’importance cruciale de la souveraineté de notre production aura-t-elle provoqué un déclic suffisant au point de générer prospective et planification industrielle débouchant sur de nouvelles politiques nationales ?

La crise du coronavirus sera-t-elle une leçon suffisante pour accélérer massivement les relocalisations dans notre pays, quitte à renchérir les coûts globaux et à repenser nos critères de jugements ?

Il faudra probablement quelques années pour le savoir. Seule certitude : toutes les tendances sont aujourd’hui étonnamment convergentes !

Propositions concrètes

La production des médicaments et principes actifs nécessaires à leurs fabrications doivent être réalisés au sein de l’Union Européenne. Idem pour les matériels comme les respirateurs ainsi que l’ensemble des consommables qui ont cruellement manqué dans les hôpitaux durant cette crise sanitaire. Cela doit permettre de réduire le délai d’approvisionnement lorsque cela devient nécessaire pour le patient et de garantir une fabrication en adéquation avec nos valeurs (qualité des produits, conditions de travail lors de la fabrication…).

Pour ce qui concerne l’agriculture, l’État doit veiller à ce que les produits vendus ne proviennent pas de l’autre bout de la planète. Cela doit permettre d’avoir des produits frais pour les consommateurs, de faire travailler des acteurs locaux (économie locale) et de réduire l’empreinte carbone due à la distance. Il serait envisageable d’informer simplement le consommateur de la distance parcourue par le produit pour lui permettre de juger de la cohérence de son achat.

Par une signalétique similaire à celle de Nutriscore pour la qualité nutritionnelle du produit, pourquoi ne pas envisager une typologie de produits qui permettrait de valoriser les produits proches et pénaliser les produits provenant de plus loin. Le consommateur deviendrait acteur du changement en prenant conscience de ces informations.

Dans les marchés publics sur notre territoire, les provenances des principales fournitures doivent être garanties au sein de l’Union Européenne. Les pouvoirs publics doivent pouvoir privilégier les Entreprises dont les principales fournitures proviennent de l’Union Européenne. Ce critère existe déjà mais il est rarement mis en œuvre et n’est actuellement qu’informatif pour les décisionnaires. Ce critère doit être un indice supérieur au critère de prix dans le jugement des offres avant l’attribution d’un marché. Cela permettra de favoriser des usines de production locales (France ou Europe). Dans le cadre des marchés publics l’État doit limiter contractuellement avec ces prestataires le nombre d’intermédiaires qui interviennent dans la chaîne de fabrication. Cela va permettre de limiter la sous-traitance multiple et permettre de revenir à un fonctionnement plus cohérent du marché du travail avec des acteurs locaux (pas de sous-traitance étrangère).

Certains secteurs stratégiques de nos économies doivent rester sous le contrôle au sein de notre zone économique Européenne pour permettre un meilleur encadrement en cas de crise (production de vaccins, de masques…). Ces entreprises considérées comme stratégiques devront être soumises à certaines obligations en cas de situation de crise ou de pandémie. Nous n’avons toujours pas tiré les leçons des épisodes H5N1, H1N1, SIDA, SRAS… Alors que d’autres pandémies nous guettent… Procédons à l’écriture de plans d’urgence à mettre en œuvre sur le modèle des plans ORSEC. L’État doit retrouver ici son rang de garant de la protection sanitaire de la population.

L’État doit se porter garant voire acteur dans certains secteurs de l’économie stratégiques et indispensables aux Français (exemple des produits de première nécessité : eau, électricité, carburant…). Ceci afin de limiter et mieux encadrer les fluctuations de coûts et donc d’impact financier sur les ménages.

Sur certains secteurs économiques lorsque des Entreprises veulent relocaliser leurs activités, l’État doit pourvoir les aider, pourquoi pas sous forme de garantie bancaire d’État ou de nationalisation limitée dans le temps (exemple : intégration de l’État au capital des Entreprises pour une durée limitée). L’État doit à travers cette aide apportée, permettre le développement de l’activité sur le territoire Français ou Européen, et imposer contractuellement un certain nombre de points : utilisation des énergies renouvelables, véhicules électriques, intéressements des salariés au bénéfices (règle des trois tiers), favoriser les matériaux écologiques, l’emploi de personnels handicapés, favoriser les fournisseurs locaux, interdiction de sous-traiter…

Œuvrer vers une harmonisation Européenne des salaires pour permettre de limiter la concurrence entre les différents États membre et favoriser ainsi une meilleure coopération. Ceci pour éviter de créer des concurrences déloyales au sein de l’Union Européenne, et favoriser les relocalisations industrielles sur notre territoire.

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