Sceau GODF
Mariane
Livre blanc

Nos travaux philanthropiques ne doivent-ils pas entrer dans l’ère de l’humanisme écologique ?

Respectable Loge, La Société des Dix, Orient de Riom, Région 5 Centre

Mots Clefs : DémographieDroitsÉcologieFemmesHumanisme

Problématique

La question formulée ainsi sous-entend implicitement un complément : »… sous peine de ne pas tenir compte des changements qui affectent l’humanité actuellement ». Alors de quels changements peut-il s’agir ? Bien sûr, le terme « écologique » nous indique la piste à suivre : les évolutions de l’environnement qui affectent directement les humains telles que la pollution de l’air et des eaux, le réchauffement climatique et ses conséquences économiques et agricoles et parfois les événements catastrophiques, les migrations de populations, etc. Peut-être faut-il aussi considérer la leçon de fragilité que notre espèce vient de recevoir lors de l’actuelle pandémie. Ce qui est perçu comme n’affectant pas directement les humains (température des océans, fontes des glaces des pôles, diminution de la biodiversité, condition animale dans les élevages industriels, …) peut être intégré dans la liste des changements et ce même s’ils ne suffiraient pas – encore aujourd’hui – à motiver la question.

La question de la réalité des changements environnementaux ne se pose pas. Chacun, même jeune adulte, dans son expérience propre en a conscience. Que ces changements soient d’origine humaine ne fait plus guère débat, du moins parmi les scientifiques. Qu’ils aient des effets de plus en plus évidents et néfastes sur la vie des populations est aussi globalement partagé. Subsistent toutefois de nombreuses discussions sur la nature, la pertinence et l’intensité des régulations (lois, règlements, normes, taxes…) qu’il convient d’ajouter à nos règles pour réduire les conséquence négatives des orientations actuelles.

Ces éléments du questionnement suggèrent deux voies de réflexion pour notre problématique. La première est assez naturelle : considérer l’humanité sans ses interactions avec l’environnement, et ceci aussi bien à l’échelle de l’individu qu’à celle de la planète, a-t-il un sens au regard des questions humanistes ? La seconde place les questions humanistes dans une perspective temporelle : aurions-nous le temps de résoudre les difficultés dans les droits et libertés des humains sans prendre en compte les changements en cours ?

Situation présente

La question l’affirme, pour nos travaux philanthropiques nous sommes dans l’ère de l’humanisme. Quel est le périmètre de cette notion ? La définition des Académiciens, au sens du terme qui nous intéresse, est la suivante : « Humanisme – Doctrine, attitude philosophique, mouvement de pensée qui prend l’homme pour fin et valeur suprême, qui vise à l’épanouissement de la personne humaine et au respect de sa dignité. ». Complétons cette définition de l’humanisme par l’outil de droit international que nous nous sommes donnés, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) du 10 décembre 1948 : L’assemblée générale [de l’ONU] proclame la présente DUDH comme l’idéal commun à atteindre […] afin que tous les individus […] s’efforcent […] de développer le respect de ces droits et libertés […]. L’article 1 ordonne « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité ».

Que cet humanisme fasse un idéal commun du respect de la dignité, des droits et libertés de chacun, et vise à l’épanouissement de la personne humaine est bien le moins que l’on puisse attendre des projets et règles que l’humanité se donne. Que les considérations philosophiques placent l’homme « pour fin et valeur suprême » est plus discutable. Elles paraissent considérer l’homme à l’égal d’une divinité ou d’une valeur sacrée. C’est assurément et à tout le moins une vision anthropocentrée qui est déjà contestée depuis une cinquantaine d’années. La DUDH fait, elle, plus appel à la raison en ce sens qu’elle se limite aux droits et libertés. Toutefois aucune des deux approches ne considère l’homme dans un environnement aux conditions de vie fragiles et disposant de ressources limitées. C’est un fait. Certains considèrent même que cette vision de l’humanisme serait à l’origine de notre démarche consumériste, productiviste et matérialiste !

Pour autant la tâche est-elle accomplie ? Pouvons-nous, désormais, envisager d’élargir la question de la dignité de l’homme en interaction avec son milieu physique et biologique ? Nous le savons bien, les travaux philanthropiques sont loin d’être terminés, et les temples aux vertus d’être achevés, ici et ailleurs. Citons pour ne garder qu’un exemple de travaux en cours, à toutes échelles géographiques, le droit des femmes à disposer librement de leurs corps comme d’avoir des rémunérations égales à celle des hommes. Ainsi l’ère de l’humanisme n’est pas achevée, et des progrès planétaires ne s’accompliront pas avant des lustres. Un rapide regard sur les temps passés suffit à nous convaincre que les progrès des droits humains sont lents, tourmentés et fragiles. Il a fallu un millier et demi d’années en France pour passer d’un État clérical à un État laïc avec une organisation libérée du dogme religieux et une liberté de conscience permise à chacun.

Rappelons maintenant l’Article 3 de la DUDH : « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne ». Quand toutes les industries d’un bassin de population comme celui de Pékin doivent s’arrêter afin de permettre la tenue convenable, dans un air sain, de la compétition sportive la plus importante de la planète (JO), quand en France, tous les ans, 40 000 décès sont attribués à la pollution de l’air, quand…, le droit à la vie et à la sûreté des personnes n’est-il pas déjà enfreint ? Autrement dit, d’ores et déjà nos modes de vies sont des atteintes à nos droits les plus élémentaires. Certaines populations migrent pour des raisons de manques ou d’altérations des ressources (désertification, pollution d’eaux de pêches, …). L’exhaustivité conduirait à l’exposé d’une litanie de situations. Dans bien des cas l’indignité n’est pas morale, n’est pas philosophique, n’est pas d’origine religieuse et patriarcale, n’est pas politique ou juridique, n’est pas culturelle. Souvent l’indignité est d’origine directement environnementale. Et, litote, il n’est pas certain que nous disposions d’un autre millier et demi d’années pour nous adapter.

Proposition

Nous venons d’établir que de multiples travaux philanthropiques sont à conduire tant à l’intérieur des sociétés des hommes qu’à leurs frontières avec leurs milieux physiques et biologiques. Ils sont tous légitimes. Toutefois, au seul périmètre du simple humanisme, dit anthropocentré, quel processus de réflexion nous a empêché de considérer la question de l’avenir de l’humanité ? Était-il nécessaire d’adjoindre l’épithète écologique à humanisme pour tenir compte du fait que nous consommons tous les ans plus de ressources que la planète peut nous en procurer, affectant en cela et l’environnement, et la survie donc la dignité de certaines populations ? Nous prenions le temps de corriger les dures réalités du présent de nos sociétés alors que nous étions aveugles aux dangers futurs. Mais ceux-ci sont là.

Nous n’avons plus le choix. Il faut continuer à améliorer les droits et libertés du plus grand nombre tout en intégrant l’idée que notre épanouissement ne peut se faire au détriment de notre environnement. Il convient d’ajouter la contrainte de nous hâter car pour certains, les besoins vitaux primaires sont menacés avant toute autre considération de droits et libertés. Vaste programme.

La conjugaison de l’idéal humaniste avec la pérennité de notre espace vital, garantie de notre survie, est un défi qui peut être relevé, au moins partiellement, grâce à la résolution d’une seule problématique : la condition des femmes dans le monde. Les ressources de la planète dépendent essentiellement de la démographie mondiale. La dernière étude par le Lancet pour l’an 2100 prévoit que nous serions 8,8 milliards d’êtres humains au lieu des 12 envisagés auparavant. La plupart des pays (y compris la Chine et l’Inde) verront leurs populations baisser à cette échéance. La chute générale et accélérée du nombre d’enfants par femme est la cause de cette tendance. Seul le continent Africain, globalement, verrait sa population augmenter. Les variations démographiques et donc l’impact écologique des humains (intense production agricole et besoins matériels), sont liés à la natalité et donc à la libération pour les femmes des contraintes patriarcales, à leur accès à la contraception, à l’éducation, et à l’égalité entre les hommes et les femmes (droits sociaux, accès au travail ou au pouvoir). La condition féminine en Afrique est donc une clef importante de l’avenir de l’humanité. Ailleurs dans le monde, de nombreux progrès de la condition féminine sont également nécessaires. Ainsi corrigerions-nous nombre d’injustices relevant du droit et des libertés individuelles de la moitié de l’humanité tout en réduisant significativement l’impact environnemental de l’être humain. Il en va doublement de notre intérêt.

Oui, nos travaux philanthropiques doivent entrer dans l’ère de l’humanisme écologique, sans renoncement.

Proposition 1 : Établir que le combat féministe en Afrique, ici, et ailleurs, est une priorité qui relève de la survie de l’humanité comme des droits fondamentaux.

Proposition 2 : Modifier l’article 1 de la DUDH ainsi  » Tous les êtres humains naissent et demeurent libres et égaux en dignité et en droits

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